Elle soutient que :
- sa requête est recevable, dès lors que, d'une part, la recommandation dont la suspension est demandée porte atteinte aux intérêts collectifs des malades que l'association requérante s'est donnée pour mission de défendre, et que, d'autre part, les recommandations de la Haute autorité de santé doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que, en premier lieu, la recommandation attaquée porte atteinte de manière grave et immédiate aux intérêts collectifs des malades, notamment en ce que sa mise en oeuvre aura pour conséquence l'arrêt immédiat des traitements en cours pour des dizaines de milliers de patients ; qu'en deuxième lieu, la recommandation porte atteinte à de multiples intérêts publics, en particulier la santé publique, en diminuant les chances de guérison ou d'amélioration clinique des patients souffrant d'une maladie de Lyme chronique, forme de la maladie que la recommandation ne reconnaît pas ; qu'en troisième lieu, la recommandation a été prise prématurément, au regard de la saisine de la Commission européenne, du Parlement européen et de l'Assemblée nationale française sur ces questions ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
- la décision est entachée d'une illégalité externe en ce que la recommandation adoptée méconnaît le principe d'impartialité garanti notamment par les articles L. 161-44 du code de la sécurité sociale et L. 5323-4 et R. 4127-13 du code de la santé publique, dès lors que, d'une part, certains participants au groupe de travail ayant rédigé la recommandation n'ont pas respecté les règles applicables aux déclarations publiques d'intérêt et à l'obligation de prudence dans l'information du public et que, d'autre part, la composition de ce groupe n'était pas neutre ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle préconise des mesures obsolètes, voire dangereuses, faute d'avoir été prise en considération de l'état actuel des connaissances scientifiques, dès lors que, d'une part, elle ne reconnaît pas la forme chronique de la maladie de Lyme, pourtant admise par l'Organisation mondiale de la santé, ni la possibilité de modes de contamination autres que la morsure de tique et que, d'autre part, elle se borne à promouvoir des traitements par mono-antibiothérapie en préconisant la prise de molécules dont l'inefficacité a été prouvée pour ce type de pathologie, sur des durées de surcroît trop courtes pour combattre la maladie sous sa forme chronique ; qu'elle a ainsi méconnu l'obligation particulière de vigilance, d'information et de connaissance qui incombe aux autorités sanitaires ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que, d'une part, elle limite indûment les possibilités de traitements susceptibles d'être proposés par les médecins sans risque de sanction, et ce faisant limite la liberté thérapeutique des patients et la liberté de prescription des médecins, que, d'autre part, elle prive d'accès aux soins une catégorie entière de malades et qu'enfin, vingt-six membres du groupe de travail sur trente-cinq ont refusé d'approuver le projet de recommandation dans son intégralité ;
- la décision est entachée d'un détournement de procédure dès lors que, sous couvert d'uniformisation des pratiques médicales, elle vise en réalité à permettre de sanctionner les praticiens qui, dans un contexte de controverses scientifiques majeures, sont publiquement en opposition avec certains membres du groupe du travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2018, la Haute autorité de santé conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association requérante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Le Conseil national de l'ordre des médecins a présenté des observations, enregistrées le 16 octobre 2018.
La requête a été communiquée à la ministre des solidarités et de la santé, qui n'a pas produit d'observations.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Le droit de guérir, d'autre part, la Haute autorité de santé, la ministre des solidarités et de la santé et le Conseil national de l'ordre des médecins ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 17 octobre 2018 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Thouin-Palat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association Le droit de guérir ;
- la représentante de l'association Le droit de guérir ;
- les représentantes de la Haute autorité de santé ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 18 octobre 2018 à 12 heures, puis au 19 octobre 2018 à 12 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 18 octobre 2018, par lequel la Haute autorité de santé maintient ses conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, que l'association requérante ne justifie pas d'un intérêt à agir ;
Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 18 et 19 octobre 2018, par lesquels l'association Le droit de guérir maintient ses conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, qu'elle justifie d'un intérêt à agir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;
2. Considérant que l'association Le droit de guérir demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 13 juin 2018 du collège de la Haute autorité de santé portant adoption de la recommandation de bonne pratique intitulée " Borréliose de Lyme et autres maladies vectorielles à tiques (MVT) " et des fiches associées, ainsi que cette recommandation et les fiches associées ;
3. Considérant que l'association requérante soutient que la décision attaquée, qui recommande aux médecins, en cas de " symptomatologie/syndrome persistant polymorphe après une possible piqûre de tique ", de prescrire un seul antibiotique pendant une durée de vingt-huit jours, porte atteinte à la santé publique et risque en particulier d'avoir pour effet de priver de traitement approprié un nombre très élevé de malades souffrant de la forme chronique de la borréliose de Lyme bénéficiant actuellement d'une thérapie de longue durée combinant plusieurs antibiotiques ; que, toutefois, les pièces produites par la requérante, en l'absence notamment d'attestations nominatives de médecins confirmant l'arrêt de tels traitements, ne suffisent pas à établir la réalité des risques qu'elle allègue ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que la recommandation litigieuse permet d'encadrer la prescription de traitements expérimentaux, autres que ceux qu'elle préconise, par la mise en place de protocoles de recherche ; que cet encadrement doit permettre, d'une part, d'assurer la sécurité du malade en prenant mieux en compte les risques d'antibiorésistance inhérents aux poly-antibiothérapies de longue durée, et, d'autre part, de favoriser l'identification des traitements les plus efficaces de la borréliose de Lyme grâce au suivi de ces expérimentations ; qu'ainsi, la condition d'urgence posée par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir opposée par la Haute autorité de santé ni sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse, que la requête de l'association requérante doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des mêmes dispositions par la Haute autorité de santé ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'association Le droit de guérir est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Haute autorité de santé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Le droit de guérir et à la Haute autorité de santé.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé et au Conseil national de l'ordre des médecins.