3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que le refus du préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, d'une part, la prive de la possibilité de justifier de la régularité de son séjour en France et l'expose à tout moment à une mesure d'éloignement et, d'autre part, la prive des conditions matérielles d'accueil, ce qui a pour effet de la placer dans une situation de grande précarité ;
- le refus d'enregistrer sa demande d'asile porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile et au droit à un procès équitable garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'en la plaçant en rétention et en la contraignant à embarquer pour un vol à destination d'Amsterdam, sauf à être regardée comme étant en fuite au sens du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, alors qu'elle avait exercé un recours à l'encontre de la décision de placement en rétention, l'administration a nécessairement méconnu ces principes ;
- elle ne peut être considérée comme en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que, d'une part, elle s'est rendue à l'ensemble des convocations qui lui ont été adressées par les services préfectoraux et, d'autre part, le délai de six mois prévu par les dispositions du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et dont disposait le préfet du Nord pour exécuter sa décision de transfert a expiré le 24 juillet 2018 de sorte que la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
- la suspension du bénéfice des conditions matérielles d'accueil est intervenue aux termes d'une procédure irrégulière qui méconnaît les dispositions des articles D. 744-36 et D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la suspension du bénéfice des conditions matérielles d'accueil a pour effet de la placer dans une situation de grande précarité constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice de son droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale n'a été portée au droit d'asile de la requérante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les conclusions tendant au bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile ne peuvent qu'être rejetées. Il demande au juge des référés du Conseil d'Etat de substituer le motif tiré du défaut d'attestation de demande d'asile au motif tiré de la non présentation aux autorités qui a initialement fondé la décision de suspension des conditions matérielles d'accueil.
Après avoir convoqué à une audience publique d'une part, Mme H...et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 16 novembre 2018 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- la représentante de MmeA... ;
- les représentantes du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction jusqu'au lundi 19 novembre 2018 à 19 heures, puis jusqu'au mardi 20 septembre 2018 à 19 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 19 novembre 2018, présenté par Mme H..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2018, présenté par le ministre de l'intérieur qui reprend ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;
2. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par les articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en vertu de l'article L. 742-3 de ce code, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
3. Considérant que l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 prévoit que le transfert peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge, cette période étant susceptible d'être portée à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite " ; qu'aux termes de l'article 7 du règlement de la Commission du 2 septembre 2003 : " 1. Le transfert vers l'Etat responsable s'effectue de l'une des manières suivantes : a) à l'initiative du demandeur, une date limite étant fixée ; b) sous la forme d'un départ contrôlé, le demandeur étant accompagné jusqu'à l'embarquement par un agent de l'Etat requérant et le lieu, la date et l'heure de son arrivée étant notifiées à l'Etat responsable dans un délai préalable convenu ; c) sous escorte, le demandeur étant accompagné par un agent de l'Etat requérant, ou par le représentant d'un organisme mandaté par l'Etat requérant à cette fin, et remis aux autorités de l'Etat responsable (...) " ; qu'ainsi, le transfert d'un demandeur d'asile vers un Etat membre qui a accepté sa prise ou sa reprise en charge, sur le fondement du règlement du 26 juin 2013, s'effectue selon l'une des trois modalités définies à l'article 7 cité
ci-dessus : à l'initiative du demandeur, sous la forme d'un départ contrôlé ou sous escorte ;
4. Considérant qu'il résulte clairement des dispositions mentionnées au point précédent que, d'une part, la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ; que, d'autre part, dans l'hypothèse où le transfert du demandeur d'asile s'effectue sous la forme d'un départ contrôlé, il appartient, dans tous les cas, à l'Etat responsable de ce transfert d'en assurer effectivement l'organisation matérielle et d'accompagner le demandeur d'asile jusqu'à l'embarquement vers son lieu de destination ; qu'une telle obligation recouvre la prise en charge du titre de transport permettant de rejoindre l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile depuis le territoire français ainsi que, le cas échéant et si nécessaire, celle du pré-acheminement du lieu de résidence du demandeur au lieu d'embarquement ; qu'enfin, dans l'hypothèse où le demandeur d'asile se soustrait intentionnellement à l'exécution de son transfert ainsi organisé, il doit être regardé comme en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 rappelées au point 3 ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeB..., ressortissante irakienne, après être entrée irrégulièrement sur le territoire français, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture du Nord ; que, lors de sa convocation, le 5 avril 2017, au guichet unique pour demandeurs d'asile, la consultation du fichier des empreintes digitales Eurodac a fait apparaître qu'elle avait séjourné préalablement aux Pays-Bas ; que les autorités françaises ont alors engagé la procédure de transfert de Mme H...vers l'Etat responsable du traitement de sa demande d'asile, en application des dispositions du règlement du 26 juin 2013 ; que le préfet du Nord a saisi les autorités néerlandaises d'une demande de prise en charge, qui a été implicitement acceptée le 3 juillet 2017 ; que le préfet du Nord a pris à l'encontre de MmeA..., le 4 septembre 2017, une décision de transfert assortie d'une assignation à résidence, annulée par le tribunal administratif de Lille par un jugement du 14 septembre 2017, au motif que le préfet n'établissait pas que les brochures relatives à la procédure de transfert avaient été remises ou traduites à l'intéressée dans une langue qu'elle comprenait ; que deux nouvelles décisions du préfet du Nord aux mêmes fins, prises le 15 novembre 2017, ont été annulées par un jugement du même tribunal du 29 novembre 2017 pour insuffisance de motivation ; que Mme H...a fait l'objet d'une nouvelle décision de transfert assortie d'une assignation à résidence le 8 janvier 2018 ; que la demande formée par Mme H...tendant à son annulation a été rejetée par le tribunal administratif de Lille ; que Mme H...a été convoquée le 2 juillet 2018 à la préfecture ; qu'à cette date, celle-ci s'est vu remettre un document de voyage permettant son acheminement vers les Pays-Bas par un vol au départ de l'aéroport de Roissy vers celui d'Amsterdam prévu le 3 juillet à 10 heures 15 ; qu'elle s'est vu notifier, parallèlement, un arrêté la plaçant en rétention administrative au centre de rétention de Lesquin ; que, le 2 juillet à 17 heures 19, elle a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lille d'un recours dirigé contre son placement en rétention administrative ; que, le 3 juillet au matin, elle a refusé de quitter le centre de rétention pour être acheminée vers l'aéroport de Roissy ; que, le 3 juillet à 16 heures 40, le juge des libertés et de la détention a déclaré irrégulier le placement en rétention de Mme H...et y a mis fin ; que les autorités françaises ont informé les autorités néerlandaises, le 17 juillet 2018, du report de six à dix-huit mois du délai de transfert de Mme H..., en raison du constat de fuite de l'intéressée ; que l'Office français de l'immigration et des migrations (OFII) a cessé de la faire bénéficier, à compter du mois de septembre 2018, de l'allocation pour demandeur d'asile ; que, le 24 octobre 2018, Mme H... s'est présentée en préfecture afin de déposer une demande d'asile en procédure " normale " et s'est heurtée à un refus ; qu'elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile lui permettant de déposer sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, d'autre part, de suspendre la décision par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a cessé de lui octroyer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile et de rétablir le versement de l'allocation pour demandeur d'asile avec effet immédiat ; que, par une ordonnance du 29 octobre 2018 dont
Mme H...relève appel, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions relatives à l'enregistrement de la demande d'asile :
6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, dans l'hypothèse où l'administration a respecté les obligations qui sont les siennes dans l'organisation d'un départ contrôlé et où l'intéressé s'est soustrait intentionnellement à l'exécution de ce départ, le demandeur doit être regardé comme en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, Mme H...a refusé, le 3 juillet 2018 au matin, d'être acheminée du centre de rétention de Lesquin vers l'aéroport de Roissy pour y prendre un vol en direction d'Amsterdam ;
7. Considérant qu'ainsi que l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Lille, la circonstance que le placement en rétention administrative d'un étranger, dans l'attente de son transfert, ait été déclaré irrégulier par le juge des libertés et de la détention est sans incidence sur les conséquences qui s'attachent au constat du refus, par l'étranger concerné, d'être transféré vers l'Etat responsable de sa demande d'asile ; que, par suite, Mme H... n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne saurait être regardée comme étant en fuite, au sens de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, au motif que son placement en rétention administrative a été déclaré irrégulier par le juge des libertés et de la détention ; qu'est également sans incidence sur l'appréciation de l'existence d'une situation de fuite la circonstance que l'étranger qui a formé un recours devant le juge des libertés et de la détention, s'il défère à la mesure de transfert avant l'audience, ne puisse présenter personnellement ses observations à l'audience du juge des libertés et de la détention ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Lille a estimé que l'intéressée, alors même qu'elle avait déféré aux convocations qui lui avaient été faites par l'administration, se trouvait " en fuite " au sens de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 et a jugé, en conséquence, que le préfet n'avait pas commis d'illégalité grave et manifeste en refusant d'enregistrer sa demande d'asile en procédure " normale " après avoir notifié aux autorités néerlandaises la prolongation du délai de transfert ;
Sur les conclusions relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil :
9. Considérant que MmeA..., célibataire et sans enfant, demeure hébergée à Dunkerque dans le cadre du programme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile ; que ses conclusions tendant à se voir rétablir le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile ne satisfont pas, dans les circonstances de l'espèce, à la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Lille les a rejetées ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme H... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme H...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme HalalaH..., au ministre de l'intérieur et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.