1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle a maintenu les effets de certaines dispositions de l'arrêté du 16 juillet 2020 ;
2°) de faire droit à leur demande de suspension de l'exécution de cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 500 000 francs Pacifique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté porte une atteinte suffisamment grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et de venir, à la liberté individuelle, au droit au respect de la vie privée et familiale, à la liberté de commerce et d'industrie, au principe de légalité des délits et des peines et au droit à la protection de la santé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence, dès lors qu'il porte atteinte aux libertés publiques et que seules les autorités de l'Etat sont compétentes dans les matières se rattachant à la garantie des libertés publiques ;
- il porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés précitées, faute de définir les caractéristiques du masque dont le port est rendu obligatoire ainsi que les lieux où cette obligation prévaut ;
- il méconnaît le droit à la protection de la santé, eu égard à l'absence de gratuité des masques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, la Polynésie française conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucune des conditions prévues à l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est remplie.
Vu :
- la Constitution ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de la santé publique ;
- la " loi du pays " n° 2020-11 du 21 avril 2020 ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme AD... et les autres requérants et, d'autre part, la Polynésie française, le ministre de l'intérieur, le ministre des solidarités et de la santé et le ministre des outre-mer ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 28 octobre 2020 à 10 heures ;
- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de
Mme AD... et des autres requérants ;
- Me Doumic-Seillier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Polynésie française ;
- le représentant du ministère des solidarités et de la santé ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". La condition relative à l'urgence prévue par les dispositions de cet article doit être appréciée au regard de la nécessité qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale soit prise à très bref délai, sous réserve que les autres conditions posées par le même article soient également remplies.
2. En vertu de la " loi du pays " n° 2020-11 du 21 avril 2020 sur la prévention et la gestion des menaces sanitaires graves et des situations d'urgence, le conseil des ministres du gouvernement de la Polynésie française peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique " toute mesure réglementaire proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences possibles sur la santé de la population de Polynésie française ". Par un arrêté n° 1065 CM du 16 juillet 2020, portant mesures de prévention pour faire face à l'épidémie de covid-19, modifié par l'arrêté du
12 août 2020, le conseil des ministres de la Polynésie française a pris des mesures sanitaires aux fins de prévenir et de limiter les conséquences possibles sur la santé de la population résidant en Polynésie d'une crise sanitaire susceptible d'être causée par l'épidémie de covid-19. A ce titre, cet arrêté impose, à son article ler, le respect d'une " mesure de distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dite barrière " et à son article 2, le port d'un masque de protection par toute personne âgée d'au moins onze ans, " dans tous les lieux clos et les établissements recevant du public ".
3. Mme AD... et d'autres requérants, qui résident en Polynésie française, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 août 2020 mentionné au point précédent. Par une ordonnance du
25 septembre 2020, le juge des référés, d'une part, a enjoint à la Polynésie française de prendre, au plus tard le 2 octobre 2020, un nouvel arrêté ou de modifier l'arrêté contesté, en prévoyant une limite temporelle aux mesures qu'il impose ainsi que la possibilité pour les personnes justifiant médicalement de l'impossibilité de porter un masque de protection de déroger à l'obligation du port du masque, d'autre part, a prévu qu'à défaut d'une telle modification, l'exécution de l'arrêté contesté serait suspendue et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Un arrêté du conseil des ministres de la Polynésie française a été pris le 30 septembre 2020 en vue d'exécuter cette injonction du juge des référés. Il prévoit notamment que les mesures sanitaires ainsi arrêtées ne sont en vigueur que jusqu'au 15 octobre inclus. Un arrêté du 15 octobre 2020 a ensuite repoussé cette échéance au 30 octobre inclus. Mme AD... et une partie des requérants de première instance demandent, par la voie de l'appel, au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'elle ne fait pas droit au surplus des conclusions de leur demande.
4. Toutefois, depuis l'introduction de l'appel de Mme AD... et des autres requérants, le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 a déclaré l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire de la République à compter du 17 octobre 2020 à 0 heure, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique. En outre, le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020, également applicable, sauf mention contraire, à l'ensemble du territoire national, a prescrit des mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, notamment le respect de mesures d'hygiène de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dites barrières, en tout lieu et en toute circonstance et le port d'un masque de protection, dans les conditions qu'il prévoit, dans les établissements recevant du public. Dans ce contexte renouvelé, le haut-commissaire de la République en Polynésie Française a, le 20 octobre 2020, puis le 23 octobre suivant, édicté de nouvelles mesures pour faire face à l'évolution de l'épidémie de covid-19 sur le territoire de la Polynésie française, lesquelles reprennent les mesures de distanciation sociale et de port du masque dans les établissements recevant du public et les lieux clos prévues par le décret du 16 octobre 2020.
5. Comme il a été dit au point 3, Mme AD... et les autres requérants, d'une part, soutiennent que l'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2020 du conseil des ministres de la Polynésie française porterait une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales en ce qu'il prévoit le port obligatoire d'un masque de protection par les personnes d'au moins onze ans dans les lieux clos et les établissements recevant du public et le respect d'une règle de distanciation sociale et d'autre part, demandent au juge des référés, après avoir annulé l'ordonnance attaquée, d'y mettre fin en ordonnant qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté. Or, comme il vient d'être dit au point précédent, les mesures qu'ils reprochent à l'arrêté du 16 juillet 2020 d'avoir édictées figurent désormais également dans les dispositions réglementaires, qui s'appliquent en Polynésie française, exposées au point 4. Dans ces conditions, la condition d'urgence particulière prévue par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie, la mesure qu'il est demandé au juge des référés de prononcer sur le fondement des dispositions de cet article, sous réserve du respect des autres conditions qu'elles prévoient, n'étant pas, à ce jour, de nature à avoir, par elle-même, un effet utile sur la situation dénoncée par les requérants.
6. Il en résulte que Mme AD... et les autres requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté le surplus de la demande qu'ils avaient présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il suit de là qu'il y a lieu de rejeter leur requête, y compris les conclusions qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la Polynésie française.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme AD... et des autres requérants est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme CJ... AD..., première requérante dénommée, et au président de la Polynésie française.
Copie en sera adressée pour information au ministre des solidarités et de la santé, au ministre de l'intérieur, au ministre des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.