3°) de faire droit aux conclusions de la demande qu'il a présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle, ou à défaut d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat cette même somme à verser directement à son conseil.
Il soutient que :
- la décision du préfet du Pas-de-Calais refusant d'enregistrer sa demande d'asile est manifestement illégale car les dispositions de l'arrêté du 20 décembre 2017 donnant compétence au préfet du Nord ne lui sont pas applicables, dès lors que, premièrement, il ne s'agit pas d'un premier enregistrement de sa demande d'asile, que, deuxièmement, sa demande initiale n'a pas été effectuée à la préfecture du Nord et que, troisièmement, il réside et est domicilié... ;
- le refus d'enregistrer une demande d'asile satisfait à la condition d'urgence et, de plus, l'absence de bénéfice des conditions matérielles d'accueil, alors qu'il est sans ressources, le contraint de vivre dans des conditions très précaires ;
- la décision contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile, dès lors que la France est devenue responsable de l'examen de sa demande, le délai de six mois prévu par le règlement " Dublin III " ayant expiré et, l'intéressé ne pouvant être regardé comme en fuite au sens de ce règlement ;
- en tout état de cause, l'absence d'information sur l'autorité compétente pour enregistrer les demandes porte également atteinte au droit d'asile ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2018, le ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête. Il soutient que, d'une part, l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille n'est pas entachée d'erreur de droit, d'autre part, la condition d'urgence n'est pas remplie et, enfin, il n'y a pas d'atteinte manifestement grave et illégale à son droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie, que la décision contestée ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile et que les conclusions tendant au bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile ne peuvent qu'être rejetées.
Un mémoire en intervention, enregistré le 26 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, a été présenté par l'association " La Cabane juridique / Legal Shelter ", qui conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête de M. A...et à ce qu'il soit enjoint aux préfets du Nord et du Pas-de-Calais de prendre toutes mesures utiles pour rendre la procédure d'enregistrement des demandes claire et effectivement accessible aux demandeurs d'asile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 20 octobre 2015 modifié désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (métropole) ;
- l'arrêté du 20 décembre 2017 portant expérimentation de la régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Hauts-de-France ;
- l'arrêté du 9 juillet 2018 portant prorogation de l'expérimentation de la régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Hauts-de-France ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique d'une part, M. A... et, d'autre part, le ministre de l'intérieur et l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 26 octobre 2018 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Guillaume Delvolvé, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M.A... ;
- M.A..., assisté de son interprète, et ses représentants ;
- la représentante de l'association " La Cabane juridique / Legal Shelter " ;
- les représentantes du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Sur l'intervention de l'association " La Cabane juridique / Legal Shelter " :
1. Considérant que l'association " La Cabane juridique / Legal Shelter ", dans la mesure où elle conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête, justifie, eu égard à son objet statutaire et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance ; que son intervention est, par suite, dans cette mesure, recevable ; qu'en revanche, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint aux préfets du Nord et du Pas-de-Calais de prendre toutes mesures utiles pour rendre la procédure d'enregistrement des demandes claire et effectivement accessible aux demandeurs d'asile, qui ont un objet différent de celui des conclusions présentées par M.A..., sont irrecevables ;
Sur les conclusions de la requête de M.A... :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.A..., ressortissant afghan, s'est vu délivrer, le 30 août 2017, par le préfet des Hautes-Pyrénées, une attestation de demandeur d'asile dans le cadre de la procédure prévue par l'article 29 du règlement (UE)
n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite
dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit règlement
" Dublin III " ; que, par deux arrêtés en date du 16 octobre 2017, le préfet des Hautes-Pyrénées a décidé, d'une part, de le transférer aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, de l'assigner à résidence dans ce département pour une durée de 45 jours ; que, par un jugement du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Pau a rejeté la requête formée par M. A...à l'encontre de ces deux arrêtés ; que, le 30 octobre 2017, les autorités bulgares ont délivré un laissez-passer à l'intention de M. A..., valable jusqu'au 31 décembre 2017 ; que, le 6 novembre 2017, l'intéressé s'est vu notifier un document de voyage afin de permettre son réacheminent en Bulgarie, prévu le 28 novembre suivant ; qu'il ne s'est présenté ni à l'embarquement, ni à la police aux frontières ; que, le 1er décembre, la préfecture, estimant que cette absence de présentation était constitutive d'une situation de fuite au sens du règlement " Dublin III ", a informé les autorités bulgares de la prolongation du délai de transfert à 18 mois ; que, le 20 septembre 2018, l'intéressé s'est présenté auprès des services de la préfecture du Pas-de-Calais afin de faire enregistrer une demande d'asile en procédure " normale " ; que le préfet du Pas-de-Calais a refusé de procéder à l'enregistrement de sa demande, au motif qu'il n'était pas compétent et que la demande devait être présentée au préfet du Nord ; que M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de
48 heures à compter de l'ordonnance à venir, de lui remettre un dossier d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sous le même délai, et de lui délivrer une attestation provisoire de séjour en procédure normale en sa qualité de demandeur d'asile, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, d'autre part, d'enjoindre au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir à son profit le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et de lui verser l'allocation de demandeur d'asile à titre rétroactif à compter de février 2018, et ce dans un délai de trois jours à compter de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; que, par une ordonnance du 3 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
4. Considérant qu'aux termes de l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (métropole), dans sa rédaction issue de l'arrêté du 6 janvier 2016, le préfet du Nord est compétent pour enregistrer la demande d'asile d'un étranger et procéder à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande pour les départements du Nord et du
Pas-de-Calais ; que ces dispositions n'ont pas été remises en cause par celles de l'arrêté
du 20 décembre 2017 portant expérimentation de la régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région
Hauts-de-France, qui étend les compétences du préfet du Nord, notamment, à la détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile pour les demandes d'asile enregistrées par le préfet de l'Oise ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Lille a estimé que le préfet du Pas-de-Calais n'avait pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en refusant d'enregistrer sa demande et en l'invitant à se présenter au guichet de la préfecture du Nord ; que, s'il est soutenu que des informations contradictoires auraient été portées à la connaissance de M.A..., le
20 septembre 2018, lors de sa venue à la préfecture du Pas-de-Calais, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit si elle est avérée, ne caractérise pas davantage, en l'espèce, une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'au demeurant, l'intéressé a été parfaitement éclairé sur le cadre juridique applicable dès l'instance devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille ; qu'il lui appartient, dès lors, de solliciter du préfet du Nord l'enregistrement de sa demande d'asile et, le cas échéant, en cas de rejet, de former tout recours utile devant le tribunal administratif de Lille ;
5. Considérant, par ailleurs, qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le juge des référés du tribunal administratif de Lille, lesquels ne sont pas utilement critiqués en appel, de rejeter les conclusions aux fins d'injonction de M. A... tendant à ce que l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui rétablisse, avec effet rétroactif, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête d'appel de
M. A...doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sans qu'il y ait lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de l'association " La Cabane juridique / Legal Shelter " est admise en tant qu'elle conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête de M.A... ; le surplus de ses conclusions n'est pas admis.
Article 2 : La requête de M. A...est rejetée.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C...A..., à l'association " La Cabane juridique / Legal Shelter ", au ministre de l'intérieur et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.