Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2016, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1503704 du tribunal administratif de Toulouse en date du 22 janvier 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 7 mai 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant l'instruction de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant arménien né en 1951, est entré en France le 11 septembre 2013 en compagnie de son petit-fils né le 17 avril 1997. La Cour nationale du droit d'asile a rejeté le 25 novembre 2014 son recours dirigé contre le refus opposé le 21 janvier 2014 par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à sa demande d'asile, examinée selon la procédure prioritaire. M. C...a déposé le 19 janvier 2015 une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il relève appel du jugement du 22 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn du 7 mai 2015 portant refus de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué qu'il a suffisamment répondu aux moyens soulevés par M.C..., qui ne précise au demeurant pas sur quel point les premiers juges auraient omis de se prononcer.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 mai 2015 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, M. C...soutient que le refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé en l'absence de mention des motifs pour lesquels un titre de séjour ne lui a pas été délivré en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et au regard de la motivation stéréotypée du rejet de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Il ressort cependant de la motivation de l'arrêté, d'une part, qu'un titre de séjour n'a pu lui être délivré sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il n'a pas fait valoir de motifs particuliers lui permettant de bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour et, d'autre part, que s'agissant de son état de santé, le préfet, après avoir rappelé la teneur de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, reprend les conclusions des réponses du conseiller santé à la direction régionale des étrangers en France du ministère de l'intérieur et de l'ambassade de France en Arménie, lesquelles contredisent l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé sur l'existence du traitement requis en Arménie. Cet arrêté comporte en outre l'énoncé de l'ensemble des considérations de droit et de fait fondant le refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, la motivation de l'arrêté litigieux, qui prend également en compte la situation familiale de M.C..., révèle que le préfet du Tarn a procédé à un examen de sa situation personnelle.
5. En troisième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence(...)". Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ". En vertu de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, le médecin de l'agence régionale de santé chargé d'émettre un avis doit préciser : " - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.
7. D'une part, si M. C...soutient que le préfet du Tarn n'a pu avoir connaissance de son état de santé qu'en levant le secret médical, il ne conteste pas avoir joint à sa demande de titre de séjour le certificat médical du 18 novembre 2013 produit par le préfet du Tarn, qui indique que M. C...présente une hypertension artérielle et une hypercholestérolémie à l'origine de deux infarctus du myocarde en 1992 et 2005 et d'un AVC hémorragique en 2011 et qu'en raison d'un Quantiferon positif son état de santé nécessitait une consultation en pneumologie. Ce même certificat précise que le traitement requis comporte du Kardegic, du Bisoprolol, de la Trinitrine, du Perindopril et du Tahor. Par ailleurs M. C...n'établit ni même n'allègue présenter d'autres pathologies. Ainsi, le préfet du Tarn a pu avoir connaissance de l'état de santé de l'intéressé sans violer le secret médical.
8. D'autre part, selon l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 23 janvier 2015, l'état de santé de M. C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité alors qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contredire l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé sur l'existence du traitement requis en Arménie, le préfet du Tarn se fonde sur les réponses apportées par le ministère de l'intérieur et l'ambassade de France en Arménie à sa demande de renseignements, lesquelles comportent une note sur le traitement médicamenteux de l'insuffisance cardiaque, des liens Internet vers des hôpitaux et cliniques soignant en Arménie les pathologies dans le domaine cardio-vasculaire et dans le domaine des maladies métaboliques, des copies d'écran du site Internet du centre d'expertise scientifique des médicaments et de la technologie médicale d'Arménie démontrant que les médicaments requis sont disponibles en Arménie. En outre, il ressort du certificat médical du 18 novembre 2013 que M. C...souffre de ces pathologies depuis au moins 1992 et qu'il a donc nécessairement bénéficié du traitement requis en Arménie jusqu'en 2013, date de son départ pour la France. Dans ces conditions, et alors que M. C...ne produit aucune pièce susceptible de corroborer l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Tarn doit être regardé comme rapportant la preuve de l'existence en Arménie du traitement requis par l'état de santé de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C...n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Arménie, où réside son frère cadet. En outre, s'il se prévaut de la présence en France de son épouse et de ses deux fils majeurs accompagnés de leurs épouses respectives, qui sont arrivés en France le 12 mai 2014, il ressort des pièces du dossier que leurs demandes d'asile étaient pendantes à la date de l'arrêté en litige. En outre, si son petit-fils avait été placé à l'aide sociale à l'enfance, il était, à la date de l'arrêté litigieux, devenu majeur. Dans ces circonstances, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M.C..., le refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, pour ces motifs et ceux énoncés au point 8, le refus de titre de séjour opposé par le préfet du Tarn n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M.C....
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C...ne peut soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire serait privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. ". Il résulte de ces dispositions que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette obligation de quitter le territoire fait suite au rejet de sa demande de titre de séjour du 19 janvier 2015 conformément au 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or l'arrêté litigieux vise l'article L. 511-1 de ce code et il résulte de ce qui a été énoncé au point 3 que le refus de titre de séjour est suffisamment motivé. Par ailleurs, il résulte de ce qui est énoncé au point 8 que la situation de M. C...ne relève pas du champ d'application des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le défaut de visa de ces dispositions, qui ne constituent pas le fondement de l'obligation de quitter le territoire français, ne saurait en tout état de cause révéler un défaut de motivation. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
12. En troisième lieu, il résulte de ce qui est énoncé au point précédent que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
13. En quatrième lieu, si M. C...soutient qu'il encourt un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Arménie, il ne peut utilement invoquer ces stipulations à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, qui ne désigne pas le pays de renvoi.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.
15. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français et désigne le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d 'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite. Par suite, la méconnaissance de la loi du 12 avril 2000, sans que ne soit au demeurant précisé l'article invoqué, ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
16. En troisième lieu, l'arrêté contesté vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Schengen du 19 juin 1990, la convention de Genève du 28 juillet 1951 et les articles L. 741-1 à L. 741-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté rappelle que la demande d'asile de M. C...a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile et que l'intéressé n'a obtenu ni la protection subsidiaire ni le statut de réfugié ou d'apatride. L'arrêté ajoute qu'il n'établit pas que sa vie ou sa liberté soient menacées ou qu'il soit exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Arménie. La décision fixant le pays de renvoi, qui énonce ainsi les circonstances de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est donc suffisamment motivée.
17. En dernier lieu, M. C...se borne à soutenir qu'il risque de subir des violences, des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie sans toutefois préciser dans ses écritures le risque encouru. S'il joint à ces dernières son " récit de vie ", ce dernier n'est corroboré par aucune autre pièce, de sorte que l'existence d'un risque réel, actuel et personnel en cas de retour en Arménie ne ressort pas des pièces versées au dossier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Tarn en date du 7 mai 2015. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
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No 16BX00623