Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2016, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Didier Péano a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...A..., de nationalité dominicaine, entrée irrégulièrement en France le 21 novembre 2011 selon ses déclarations, a fait l'objet le 17 janvier 2014 d'un arrêté par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 1400111 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 17 janvier 2014 du préfet de la Guadeloupe et a condamné l'Etat à verser à Mme B... A...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ". Aux termes de l'article L. 623-1 du même code : "Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, (...) est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende. Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. (...) ".
3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Selon ses déclarations, Mme B...A...a donné naissance le 17 décembre 2012 à un enfant reconnu dès le 16 octobre 2012 par un ressortissant français. Toutefois, il ressort des déclarations faites par Mme B...A...et ce ressortissant français devant un officier de police judiciaire que cette reconnaissance est intervenue dans le but qu'elle obtienne un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Le rapport établi le 22 novembre 2013 par les services de la police aux frontières fait état d'incohérences quant aux déclarations de ces personnes notamment en ce qui concerne la date de leur rencontre, le début de leur relation intime, la date de conception de l'enfant ainsi que les lieux de rendez-vous. En outre Mme B... A...a refusé de se soumettre à un test ADN qui permettrait de prouver que le ressortissant français est bien le père biologique de son enfant, est inconnue de la famille de cette personne qui cependant prétend la connaître depuis 2011 et elle et le ressortissant français ont déclaré vivre séparément. Enfin, les documents produits à l'appui de la demande de titre de séjour et devant la juridiction sont insuffisants pour attester de la contribution effective de ce ressortissant français à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, voire de la réalité des liens avec cet enfant et avec Mme B...A.... Dans ces conditions, en estimant que la reconnaissance de paternité a été souscrite de manière frauduleuse dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour, le préfet, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à l'intéressée le titre de séjour qu'elle sollicitait sur ce fondement. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que Mme B...A...était fondée à obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français et s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 17 janvier 2014.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés contre l'arrêté litigieux par Mme B...A....
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
6. Mme B...A...soutient que la décision portant refus de titre de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale méconnaissant ainsi les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Toutefois, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. En l'espèce, Mme B...A...est célibataire, ni mariée, ni "pacsée" au ressortissant français, qui a reconnu son enfant. Elle ne justifie pas, du fait de la seule présence de sa soeur en Guadeloupe, de l'intensité de ses liens en France alors qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 35 ans, selon ses dires, et a par ailleurs conservé l'essentiel de ses liens familiaux en République Dominicaine à savoir, ses deux enfants, son père, sa mère ses deux soeurs ainsi que ses trois frères. Si elle fait valoir qu'elle vit désormais avec un autre ressortissant français avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité le 5 mars 2015, une telle circonstance à la supposer établie, postérieure à l'intervention de l'arrêté attaqué, est inopérante pour en contester la légalité qui s'apprécie à la date à laquelle il a été signé. Dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme B... A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En conséquence, elle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, ce refus n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. La motivation de la mesure d'éloignement prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se confond avec celle du refus de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant de l'assortir d'une mesure d'éloignement ont été rappelées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de motivation n'est pas fondé.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. Il en va de même des moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à Mme B...A...de quitter le territoire porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale méconnaissant ainsi les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et qu'elle méconnaît les dispositions du 6° et du 11° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme B...A...ne peut pas davantage se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012, qui est dépourvue de caractère réglementaire.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
9. A l'appui de sa demande d'annulation, Mme B...A...allègue qu'elle est suivie au service ophtalmologie du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Abymes depuis deux ans. Toutefois elle n'a pas fait valoir son état de santé lors du dépôt de sa demande de titre de séjour et cette circonstance qui n'a pas été portée à la connaissance de l'administration ne peut être utilement invoquée pour contester l'arrêté du 17 janvier 2014. En outre, Mme B... A... n'établit pas que la pathologie dont elle souffre ne peut être soignée dans son pays d'origine.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 17 janvier 2014 et a condamné l'Etat à verser à Mme B... A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1400111 du tribunal administratif de la Guadeloupe en date du 17 décembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...A...devant le tribunal administratif de la Guadeloupe est rejetée.
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No 16BX00667