1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 janvier 2016 ;
2°) de condamner la commune de Cenon au paiement, à titre principal, de la somme de 957 449,64 euros TTC et, subsidiairement, de la somme de 522 771,69 euros TTC, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2010 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cenon la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
- le décompte général du marché n'est pas devenu définitif et que sa requête n'est pas tardive ;
- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que les juges se sont fondés sur un mémoire de la commune produit postérieurement à la clôture de l'instruction, qui comportait des conclusions nouvelles et qui ne lui a pas été communiqué ;
- les retards qu'elle a subis dans le démarrage, l'exécution et l'achèvement des travaux résultent de fautes de la commune liées à son choix d'allotir les travaux, au calendrier des appels d'offre, à la fixation des dates de démarrage de ces travaux, au choix de confier les études d'exécution aux entreprises de travaux et à celui de faire effectuer des travaux modificatifs.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mai 2016, 18 octobre 2016 et le 1er mars 2017, la commune de Cenon, représentée par MeG..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Léon Grosse Aquitaine en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, subsidiairement, à ce qu'elle soit garantie par les sociétés BTuA et WSP France des condamnations prononcées à son encontre et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge, solidairement, des sociétés BTuA et WSP France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle avait présenté des conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative antérieurement au mémoire litigieux, qu'en tout état de cause, l'absence de communication de ce mémoire n'a d'incidence que sur l'article du dispositif relatif aux frais irrépétibles, que les moyens de la requête ne sont pas fondés et qu'en tout état cause, elle est fondée à appeler en garantie les entreprises chargées de la maîtrise d'oeuvre dont les erreurs de conception du marché, l'imprécision des études et les manquements dans la coordination du chantier sont seuls responsables des préjudices subis par l'appelante sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise.
Par des mémoires, enregistrés les 5 août 2016 et 16 avril 2018, la société BTuA, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Léon Grosse Aquitaine au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens, et, subsidiairement, à ce qu'elle soit garantie par la société Technip TPS des condamnations prononcées à son encontre.
Elle soutient qu'en application du CCAG-travaux, le recours juridictionnel présenté par la société Léon Grosse Aquitaine est tardif dès lors que le délai de recours contre la décision du maître de l'ouvrage rejetant sa réclamation était expiré à la date de ce recours ; que les retards pris dans le démarrage, l'exécution et l'achèvement des travaux sont dus à d'autres entreprises intervenant sur le chantier ainsi qu'au maître de l'ouvrage et à la société GT construction elle-même tandis que seule une expertise permettrait de déterminer quel corps d'état était en retard pour la production de ses plans de réservation ; que le groupement de maîtrise d'oeuvre n'était pas un groupement solidaire et que la société Technip TPS était en charge des prestations litigieuses.
Par un mémoire, enregistré le 12 janvier 2017, la société WSP France, venant aux droits et obligations de la société Technip TPS, représentée par MeH..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Léon Grosse Aquitaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, subsidiairement, à ce qu'elle soit garantie par la société BTuA et par la commune de Cenon des condamnations prononcées à son encontre et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société BTuA et de la commune de Cenon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'en application du CCAG-travaux, le recours juridictionnel présenté par la société Léon Grosse Aquitaine est tardif dès lors que son mémoire en réclamation a été adressé au maitre d'oeuvre postérieurement à l'expiration du délai de 45 jours suivant la notification du décompte général, que ce décompte est, par conséquent, devenu définitif et que le délai de recours contre la décision du maître de l'ouvrage rejetant sa réclamation était expiré à la date de ce recours ; que le retard dans le démarrage des travaux résulte de fautes commises par la commune de Cenon et de la demande de l'appelante tendant à un démarrage anticipé des travaux ; que l'allongement de la durée de ces travaux résulte de manquements de la commune et de la signature d'un avenant par l'appelante ; que le groupement de maîtrise d'oeuvre était un groupement solidaire et que la société BTuA était en charge du lot n°2 ainsi que des tâches de contrôle et de direction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.E...,
- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la société Léon Grosse Aquitaine, de MeB..., représentant la commune de Cenon, et de MeA..., représentant la société WSP France venant aux droits de la SAS TECNIP TPS.
Une note en délibéré a été enregistrée pour la société Léon Grosse Aquitaine le 26 avril 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 3 avril 2006, la commune de Cenon a confié au groupement des entreprises BTuA, Technip TPS, aux droits et obligations de laquelle vient la société WSP France, une mission de maîtrise d'oeuvre dans le cadre du marché de construction d'un pôle culturel et de spectacles sur le site du parc Palmer. Par acte d'engagement du 12 décembre 2007, la commune de Cenon a, par ailleurs, confié à la société GT Construction, aux droits de laquelle est venue la société Léon Grosse Aquitaine, l'exécution du lot n° 2 " Fondations - Gros oeuvre - Dallage -Démolition " du marché de travaux correspondant. Ces travaux ont été réceptionnés avec réserves le 19 juillet 2010. Par une ordonnance n° 13BX00573 du 7 novembre 2013, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a condamné la commune de Cenon à verser à la société GT Construction la somme de 522 771,60 euros toutes taxes comprises à titre de provision sur le montant des préjudices qu'elle a subis du fait des retards qui ont affecté le démarrage et l'achèvement des travaux. La société Léon Grosse Aquitaine demande à la cour d'annuler le jugement du 11 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté, au fond, sa demande indemnitaire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative: " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction. " Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, d'un mémoire ou d'une pièce, émanant d'une partie à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production pour déterminer s'il y a lieu de rouvrir l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire et de pouvoir en tenir compte dans le jugement de l'affaire. S'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité.
3. Il résulte de l'instruction que la commune de Cenon a, pour la première fois, sollicité qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société GT Construction en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative aux termes d'un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 10 juillet 2014, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 11 février 2014. Ce mémoire, qui ne concernait pas le bien fondé de la demande présentée par la société GT Construction, ne lui pas été communiqué mais a été analysé par le tribunal, lequel, aux termes de l'article 2 du dispositif du jugement attaqué, a mis à la charge de la société GT Construction une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés pour l'instance. Par suite, les conclusions nouvelles contenues dans ce mémoire n'ayant pas été soumises à un débat contradictoire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative, la société Léon Grosse Aquitaine est fondée à demander l'annulation de l'article 2 du dispositif du jugement attaqué sans que la commune de Cenon puisse utilement faire valoir que, dans un précédent mémoire, elle avait demandé au tribunal de " juger ce que de droit sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ". En revanche, l'irrégularité ainsi commise n'est pas de nature à entraîner l'annulation de la totalité du jugement attaqué dès lors qu'il résulte de l'instruction que le tribunal ne s'est pas fondé, dans les motifs de son jugement, sur des éléments de droit ou de fait qui n'auraient été contenus que dans ce mémoire et que la société GT Construction n'aurait pas eu la possibilité de discuter.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour de se prononcer par voie d'évocation sur les conclusions présentées devant le tribunal administratif par la commune de Cenon et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de la société Léon grosse Aquitaine tendant à la condamnation de la commune de Cenon et sur les conclusions présentées devant la cour par les autres parties.
Sur la responsabilité de la commune de Cenon :
5. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
6. Il résulte de l'instruction et notamment de la demande présentée devant le tribunal administratif par l'appelante ainsi que de son mémoire en réclamation adressé à la commune de Cenon le 9 février 2011, que, concernant le décalage du coulage des voiles bétons du 23 juin au 23 juillet 2008, elle attribuait, dans ce mémoire et devant les premiers juges, les préjudices dont elle s'estime victime " à un problème de diffusion des plans [de réservation] gérés par l'OPC à la charge du maître d'oeuvre selon le CCAP " ainsi qu'il ressort également de l'avis rendu le 14 novembre 2011 par le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics de Bordeaux, selon lequel ce retard est également dû " aux retards dans la production des plan de réservation des autres entreprises " et qu'elle recherchait la responsabilité du maître de l'ouvrage, en ce qui concerne le coût engendré par la prolongation de la durée des travaux de la fin du mois de septembre 2009 au 8 août 2010, non pas à raison des fautes qu'il aurait commise mais au motif qu'il lui appartiendrait, par principe, de l'indemniser des préjudices qu'elle a subis à raison des manquements commis par d'autres intervenants au marché. Cependant, il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt, qu'en l'absence de faute commise par le maître de l'ouvrage et de bouleversement de l'économie du marché, il appartient seulement au titulaire du marché de rechercher devant le juge administratif la responsabilité quasi-délictuelle des intervenants fautifs.
7. La société appelante soutient, dorénavant, d'une part, que le décalage du coulage des voiles bétons résulterait d'une faute de la commune à raison du retard pris pour l'attribution d'un des lots du marché ainsi que de la notification échelonnée du démarrage des travaux et, d'autre part, que la prolongation de la durée de ces travaux résulterait d'un défaut de conception du marché dès lors que la commune a choisi à tort d'allotir ce marché, de confier les études d'exécution aux entreprises titulaires des différents lots et de demander de multiples modifications au cours de la réalisation des travaux. Toutefois, elle n'établit pas que le seul fait d'allotir le marché ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 10 du code des marchés publics ou de confier les études d'exécution aux entreprises caractériserait en lui-même une faute du maître de l'ouvrage alors qu'il résulte au demeurant de l'instruction, notamment des écritures de la société WSP France, que le premier appel d'offre pour le lot n° 4 est demeuré infructueux en raison d'une estimation largement insuffisante des coûts correspondants " compte tenu du contexte local de forte charge des entreprises à cette période et de l'augmentation importante du prix de la matière première ", qui engage la responsabilité du maître d'oeuvre à raison de sa mission d'assistance à la passation des marchés telle qu'elle est prévue par les dispositions de l'article 6 du décret n°93-1268 du 29 novembre 1993. De plus, l'appelante ne conteste pas sérieusement que les modifications demandées par le maître de l'ouvrage, soit visaient à remédier à des malfaçons des entreprises titulaires des marchés de travaux ou du maître d'oeuvre, soit sont demeurées sans incidence sur la durée des travaux, soit, pour ceux qui la concernaient, ont fait l'objet d'avenants signés au marché dont elle était titulaire.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non recevoir soulevées par les sociétés BTuA et WSP France, que la société Léon Grosse Aquitaine n'est pas fondée à chercher la responsabilité fautive de la commune de Cenon dans la survenue des préjudices qu'elle a subis à raison des retards pris dans le démarrage et l'exécution du marché dont s'agit. Par suite, les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses demandes indemnitaires et celles tendant à la condamnation de la commune de Cenon à l'indemniser de ces préjudices doivent être rejetées.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de mettre à la charge de la commune de Cenon la somme que réclame la société Léon Grosse Aquitaine au titre des frais exposés pour l'instance. Dans les mêmes circonstances, il y a en revanche lieu de mettre à la charge de la société Léon Grosse Aquitaine et au bénéfice de la commune de Cenon une première somme de 1 500 euros au titre des frais que cette dernière a exposé pour l'instance devant le tribunal administratif de Bordeaux et une seconde somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune devant la cour. Dans les mêmes circonstances, il y a également lieu de mettre à la charge de l'appelante et au bénéfice des sociétés BTuA et WSP France une somme de 1 500 euros chacune, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 11 janvier 2016 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Léon Grosse Aquitaine est rejeté.
Article 3 : La société Léon Grosse Aquitaine versera à la commune de Cenon deux sommes de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La société Léon Grosse Aquitaine versera à la société BTuA et à la société WSP France une somme de 1 500 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Léon Grosse Aquitaine, à la commune de Cenon, à la société BTuA et à la société WSP France.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2018
Le rapporteur,
Manuel E...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°16BX00899