Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 février 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée à défaut de se conformer à ladite obligation ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative
et 37, deuxième alinéa, de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- il n'est pas justifié de ce que le signataire de l'arrêté aurait disposé d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- le collège de médecins de l'OFII n'était pas compétent pour se prononcer sur son état de santé, eu égard à la date à laquelle elle a présenté sa demande ;
- la procédure suivie a été irrégulière, notamment en ce que le directeur de l'agence régionale de santé n'a pas pu donner son avis sur l'existence d'une situation humanitaire exceptionnelle ;
- c'est à tort que le préfet lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;
- ainsi, il n'existe pas de traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;
- de plus, sa situation personnelle et familiale justifie que son titre de séjour soit renouvelé, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale par l'effet de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- en tout état de cause, la décision portant obligation de quitter le territoire résulte d'une erreur manifeste d'appréciation.
- cette décision méconnaît, en outre, les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du
code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Par ordonnance du 8 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de Mme A...ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante de la République du Congo née le 23 août 1963, est entrée en France le 5 juillet 2013 sous couvert d'un visa de court séjour et y a ensuite obtenu la délivrance de deux titres de séjour en qualité" d'étranger malade ", dont le dernier était valable du 1er août 2016 au 1er février 2017. Elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour
le 30 novembre 2016, mais, par arrêté du 26 juin 2017, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et d'une décision fixant le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Elle relève appel du jugement du 15 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :
2. En l'absence d'éléments nouveaux en appel venant au soutien du moyen soulevé devant le tribunal tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige du 15 novembre 2017, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux faits du litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, (...). ". Enfin, conformément au VI de l'article 67 de la loi
du 7 mars 2016, le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue du 3° de l'article 13 de cette loi, s'applique aux demandes présentées après son entrée en vigueur.
Quant à la légalité externe :
4. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que Mme A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en tant qu' " étranger malade " le 30 novembre 2016. Par conséquent, l'instruction de sa demande impliquait de recueillir l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et non, comme l'a fait le préfet de la Gironde, d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
5. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. Contrairement à ce que soutient l'appelante et ainsi que l'a estimé le tribunal, la circonstance que l'avis rendu sur sa demande a été émis par un collège de médecins plutôt que par le seul médecin de l'agence régionale de santé n'est pas de nature à l'avoir privée d'une garantie. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que cet avis, défavorable au renouvellement du titre de séjour concerné, aurait été différent s'il avait émané du seul médecin de l'agence régionale de santé.
7. Par ailleurs, si l'appelante soutient, pour la première fois en appel, que l'application de la procédure applicable aux demandes présentées après le 1er janvier 2017 a eu aussi pour conséquence de supprimer la faculté pour le directeur général de l'agence régionale de santé d'émettre un avis complémentaire motivé s'il estimait qu'il y avait lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, ce qui l'aurait privée d'une garantie, elle ne fait elle-même état d'aucune circonstance humanitaire exceptionnelle qui aurait pu conduire à émettre un tel avis. Du reste, les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2017 ne prévoyaient l'intervention de cet avis qu'à la demande du préfet. Dans ces conditions, elle ne saurait utilement soutenir avoir été privée d'une garantie en raison de l'application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des dispositions de l'article R. 313-22 du même code.
8. Enfin, et contrairement à ce que persiste à soutenir en appel MmeA..., le préfet a produit en première instance l'avis émis le 3 avril 2017 par le collège des médecins de l'OFII. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas justifié avoir recueilli l'avis préalable du collège des médecins de l'OFII doit être écarté.
Quant à la légalité interne :
9. Mme A... soutient, en premier lieu, que, souffrant d'une connectivité à type de syndrome de Gougerot Sjören, elle ne pourra bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie en République du Congo et que sa situation médicale, à l'origine de la délivrance de ses deux titres de séjour, n'a pas évolué depuis 2015, alors que, par son avis du 3 avril 2017, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut risquait d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pourrait y bénéficier d'un traitement approprié.
10. Si Mme A... a produit, en première instance, un certificat médical
du 24 février 2017 du professeur Richez, professeur des universités et praticien hospitalier du service de rhumatologie du groupe hospitalier Pellegrin à Bordeaux, indiquant qu'" il est peu probable que le suivi de sa maladie au Congo permette de maintenir la rémission d'autant plus que l'accessibilité du Methotrexate et de l'Hydroxychloroquine est discutable ", ce document n'est pas suffisant pour remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins quant à l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Cette appréciation n'est pas davantage sérieusement combattue par la production en appel d'articles de presse, dont certains datent de plusieurs années, faisant état de divers dysfonctionnements des établissements hospitaliers congolais. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En second lieu, Mme A...reprend en appel les moyens tirés de l'existence d'une atteinte disproportionnée à son droit à meneur une vie privé et familiale et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Cependant, elle ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le jugement attaqué.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que c'est à bon droit que le préfet de la Gironde a refusé de délivrer à l'appelante un titre de séjour. Dès lors, celle-ci ne saurait soutenir que la décision d'éloignement dont elle fait l'objet serait privée de base légale.
13. En deuxième lieu et pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés concernant la décision de refus de titre de séjour, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
14. En troisième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été exposé au point 10 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 novembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter, d'une part, les conclusions présentées par l'appelante à fin d'injonction, d'autre part, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi
du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mai 2018.
Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le président
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00498