Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 6 novembre 2014 et un mémoire présenté le 3 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest) demande à la cour :
1°) de rétablir les contribuables à l'impôt sur le revenu 'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 juillet 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par les époux Miailhedevant le tribunal administratif.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code rural ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M. et MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. M. D...Miailheest propriétaire du Château Siran, à Margaux. Il a cessé son activité professionnelle agricole le 31 décembre 2007. Sa dernière déclaration de bénéfices agricoles arrêtés à cette date mentionnait une plus-value à court terme de 693 737 euros relative aux plantations et aux bâtiments qu'il a retirés de l'actif de son bilan agricole personnel afin de le clôturer. Il a procédé à la liquidation du stock de vins lui appartenant, et a décidé, le 3 juillet 2007, la conversion en bail à ferme du bail à métayage qu'il avait signé le 30 décembre 1987 avec la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château Siran, société soumise à l'impôt sur les sociétés. Il a considéré que la plus-value à court terme dégagée lors du retour dans son patrimoine non professionnel des biens précédemment immobilisés pouvait bénéficier à hauteur de 486 552 euros de 1'exonération partielle prévue à 1'article 151 septies du code général des impôts au motif que la moyenne de ses recettes des deux années précédentes serait de 279 865 euros et donc inférieure à la limite d'exonération de 350 000 euros. Il avait déclaré comme bénéfices agricoles pour ses deux activités agricoles d'exploitant individuel (vente de vins) et de bailleur à métayage des recettes en 2005 respectivement de 57 827 euros et 239 115 euros (soit au total 296 942 euros) et en 2006 respectivement de 23 835 euros et 238 952 euros (soit au total 267 787 euros). A la suite de la vérification de comptabilité de l'entreprise agricole de M. Miailhe au titre de l'année 2007, 1'administration a évalué les recettes encaissées par M. Miailhe au titre du bail à métayage à 529 349 euros au lieu de 239 115 euros pour 2005 et à 492 641 euros au lieu de 238 952 euros pour 2006, de sorte que la moyenne des recettes des deux années précédant la plus-value litigieuse excédait la limite de 350 000 euros, ce qui rendait cette plus-value taxable dans son intégralité. L'imposition supplémentaire en résultant a été mise en recouvrement le 30 septembre 2011 pour un montant de 233 547 euros (dont 38 924 euros de pénalités). Le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement n° 1202564 du 10 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande des époux Miailhetendant à être déchargés de cette imposition supplémentaire.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Le ministre des finances et des comptes publics soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du montant total des recettes réalisées par le bailleur, M.Miailhe, en vertu du contrat de métayage passé avec la SCEA, et fait valoir que la moyenne biennale des recettes de l'activité de bailleur à métayage de M. Miailhedépassait, à elle seule, le seuil légal d'exonération. Il rappelle également, qu'en vertu de l'article 151 septies du code général des impôts, doit être pris en compte le montant des recettes agricoles, et non celui du bénéfice réalisé, et reproche ainsi à M. Miailhed'avoir mentionné le bénéfice net du métayage dans sa déclaration fiscale portant sur ses bénéfices agricoles, et non le montant des recettes brutes.
3. D'une part, aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts : " I.-Sous réserve des dispositions du VII, les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel. / L'exercice à titre professionnel implique la participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. / II.-Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées pour : (...) 1° La totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à : a) 250 000 euros s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, ou s'il s'agit d'entreprises exerçant une activité agricole ; b) 90 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises ou de titulaires de bénéfices non commerciaux ; / 2° Une partie de leur montant lorsque les recettes sont supérieures à 250 000 euros et inférieures à 350 000 euros pour les entreprises mentionnées au a du 1° et, lorsque les recettes sont supérieures à 90 000 euros et inférieures à 126 000 euros, pour les entreprises mentionnées au b du 1°. Pour l'application de ces dispositions, le montant exonéré de la plus-value est déterminé en lui appliquant : a) Pour les entreprises mentionnées au a du 1°, un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 350 000 euros et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 100 000 euros ; b) Pour les entreprises mentionnées au b du 1°, un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 126 000 euros et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 36 000 euros. / (...) / IV.- Le montant des recettes annuelles s'entend de la moyenne des recettes, appréciées hors taxes, réalisées au titre des exercices clos, ramenés le cas échéant à douze mois, au cours des deux années civiles qui précèdent l'exercice de réalisation des plus-values. / (...) / Lorsque le contribuable exerce plusieurs activités, il est tenu compte du montant total des recettes réalisées dans l'ensemble de ces activités. / Il est également tenu compte des recettes réalisées par les sociétés mentionnées aux articles 8 et 8 ter et les groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés dont il est associé ou membre, à proportion de ses droits dans les bénéfices de ces sociétés et groupements. / Pour l'application des troisième et quatrième alinéas, la globalisation des recettes est effectuée par catégorie de revenus. / Lorsque les plus-values sont réalisées par une société ou un groupement mentionnés au quatrième alinéa, le montant des recettes annuelles s'apprécie au niveau de la société ou du groupement (...) ".
4. D'autre part, en vertu de l'article L. 417-1 du code rural dans sa rédaction applicable : "Le bail à colonat partiaire ou métayage est le contrat par lequel le possesseur d'un héritage rural le remet pour un certain temps à un preneur ou colon qui s'engage à le cultiver, sous la condition d'en partager les produits avec le bailleur ". Et aux termes de l'article L. 417-3 du même code : " Dans le bail, la part du bailleur ou prix du bail ne peut être supérieure au tiers de l'ensemble des produits, sauf décision contraire du tribunal paritaire (...) ".
5. Le bail à métayage est un contrat soumis aux règles des baux ruraux qui se caractérise par le fait que le bailleur et le preneur participent aux profits et aux pertes, en répartissant conventionnellement les produits et les charges de l'exploitation. La quote-part du bénéfice agricole afférent à l'exploitation d'un domaine qui fait l'objet d'un bail à métayage, constitue ainsi le produit d'une activité relevant de la profession d'exploitant agricole. Par suite, les revenus perçus par les parties à ce contrat, dont ceux du bailleur, relèvent, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, de la catégorie des bénéfices agricoles.
6. Il résulte de l'instruction que M. Miailheexerçait deux activités, celle d'exploitant agricole à travers la vente de stocks de vin, et celle de bailleur à métayage dans le cadre du contrat conclu avec la SCEA Château Siran. Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la circonstance que le preneur à bail soit une société civile assujettie à l'impôt sur les sociétés est sans incidence sur la nature des recettes perçues par M. Miailheen sa qualité de bailleur. En effet, les recettes issues du bail à métayage qui devaient, à hauteur du tiers de celles-ci, revenir à M.Miailhe, en sa qualité de bailleur, sont distinctes des dividendes lui revenant en sa qualité d'associé de la SCEA Château Siran, et relèvent des bénéfices agricoles, au même titre que les recettes qu'il a perçues de la vente de ses stocks de vins. Ces recettes tirées du bail à métayage devaient ainsi être prises en considération pour apprécier les seuils d'exonération définis par les dispositions du II de l'article 151 septies du code général des impôts.
7. Enfin, en vertu des dispositions précitées, et comme le soutient à juste titre l'administration, doivent être prises en compte, pour apprécier les seuils d'exonération, les recettes agricoles brutes provenant du bail à métayage et non les bénéfices nets que M. Miailhea seul fait apparaître dans sa déclaration fiscale. Selon le bail à métayage en litige, l'intéressé avait droit au tiers des produits de l'exploitation. Il résulte de l'instruction que les recettes perçues par M.Miaihle, du fait de son activité de bailleur à métayage, s'élevaient à 522 349 euros en 2005, et à 492 641 euros en 2006. Ainsi, leur moyenne biennale dépassait le seuil légal de 350 000 euros lui permettant d'exonérer partiellement la plus-value à court terme dont il a bénéficiée. Il s'ensuit que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 151 septies du code général des impôts pour prononcer la décharge des impositions en litige.
8. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. et Mme Miailheà l'appui de leurs conclusions tendant à être déchargés des rehaussements litigieux.
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). ".
10. La proposition de rectification du 2 juillet 2010 indique le montant des plus-values à long terme et à court terme réalisées par M.Miailhe, rappelle le motif pour lequel l'intéressé a cru pouvoir exonérer une partie de sa plus value à court terme, et indique qu'en vertu de l'article 151 septies du code général des impôts, lorsque le contribuable exerce plusieurs activités, il est tenu compte du montant total des recettes réalisées dans l'ensemble de ces activités. Après avoir notamment rappelé la définition du bail à métayage et précisé que le bail conclu entre M. Miailheet la SCEA Château Siran prévoyait une répartition des produits et des charges à hauteur d'un tiers pour le bailleur et de deux tiers pour le métayer, la proposition de rectification précise qu'il convient de prendre en compte, pour le calcul de la moyenne des recettes de 2005 et de 2006 à retenir pour l'application de l'article 151 septies, les " recettes B.A. exploitation individuelle " dont elle indique les montants pour chacune des années 2005 et 2006 ainsi que les " recettes issues de la SCEA Château Siran revenant à M.Miailhe " dont elle indique également les montants pour chacune des années 2005 et 2006. En se référant aux " recettes issues de la SCEA Château Siran revenant à M.Miailhe " après avoir rappelé la teneur du bail à métayage, la proposition de rectification a clairement entendu viser les recettes procurées à M. Miailhepar ce bail et non pas la quote-part de ce dernier dans les bénéfices de cette société. Dans ces conditions, les termes de la proposition de rectification étaient suffisamment précis pour permettre au contribuable de présenter utilement ses observations sur les rectifications envisagées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification manque en fait.
11. En second lieu, M. Miailhesoutient qu'il a été privé d'une garantie procédurale dans la mesure où la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de la Gironde qu'il avait saisie le 14 octobre 2010 s'est déclarée incompétente en raison, selon lui, des motifs sur lesquels s'est fondée l'administration à ce stade de la procédure pour justifier les rectifications envisagées et auxquels elle aurait substitué de nouveaux motifs devant le juge. Mais, eu égard à ce qui a été dit précédemment, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait procédé à une substitution de motifs qui aurait eu une incidence sur le respect des garanties procédurales s'attachant à la saisine de la commission départementale des impôts.
12. En troisième lieu, l'instruction administrative du 13 mai 2009 dont se prévaut M. Miailhe ne contient aucune interprétation de la loi fiscale qui serait différente de ce qui vient d'être dit et ne peut, dès lors, être opposée à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à M. et Mme Miailhela décharge de l'imposition litigieuse.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
14. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. et Mme Miailhesur leur fondement.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1202564 du 10 juillet 2014 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme Miailheont été assujettis au titre de l'année 2007 est remise à leur charge, en droits et pénalités, à raison du montant dégrevé par le tribunal administratif, soit 233 547 euros.
Article 3 : La demande présentée par M. et Mme Miailhedevant le tribunal administratif de Bordeaux et leurs conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.
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N° 14BX03083