Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2016, M. A...C..., représenté par la SCP Breillat - Dieumegard - Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
5°) subsidiairement, dans l'hypothèse où M. C...n'obtiendrait pas l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Sabrina Ladoire a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant azerbaïdjanais, né le 6 août 1985, déclare être entré en France le 15 octobre 2012, accompagné de sa femme, Mme B...D.... Le 30 novembre 2012, il a présenté une demande d'asile, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 14 avril 2014 et par la Cour nationale du droit d'asile le 13 novembre 2014. Le 23 juin 2014, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté en date du 13 août 2015, le préfet de la Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à écarter cet avis médical.
3. Il ressort des certificats médicaux produits par M. C...que ce dernier est suivi en psychiatrie depuis 2013 au centre médico-psychologique Lautrec en raison d'un syndrome de stress post traumatique, d'un syndrome anxio-dépressif ainsi que d'une suspicion de psychose schizophrénique associée à de l'irritabilité et des troubles du comportement à type d'hétéro-agressivité. Dans l'avis qu'il a émis le 25 février 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé devaient, en l'état, être poursuivis pendant six mois. Afin d'écarter cet avis médical, le préfet de la Vienne a indiqué, dans l'arrêté en litige, que selon les éléments qu'il détenait en provenance de l'Organisation Mondiale de la santé et de l'ambassade de France en Azerbaïdjan, l'intéressé pourrait bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine. Le préfet n'a cependant pas produit les éléments invoqués. Il s'est en outre prévalu, en première instance, d'une fiche établie par le ministère de l'intérieur du Royaume des Pays-Bas, en date du 29 novembre 2010, selon laquelle il existe en Azerbaïdjan, et notamment à Baku, des hôpitaux prenant en charge les problèmes psychiatriques. Ce document à caractère général, antérieur de près de cinq ans à la date de la décision attaquée, ne suffit pas à établir la disponibilité, à la date de l'arrêté attaqué, d'un traitement psychiatrique approprié à la situation médicale particulière du requérant. Le préfet de la Vienne ne saurait davantage se prévaloir d'une recommandation du ministère de la santé du 9 septembre 2014 faisant état de la moindre efficacité des traitements contenant des benzodiazépines sur le long terme, dès lors que cette circulaire ne comporte aucun élément concernant la disponibilité des soins requis dans le pays d'origine de M.C.... S'il ressort enfin des pièces du dossier et notamment des ordonnances versées au dossier, que depuis 2015, les traitements prescrits à M. C...sont moins lourds qu'auparavant, ce qui témoignerait d'une amélioration de son état de santé, ces documents ne sont pas non plus de nature à remettre en cause la nécessité pour l'intéressé, de bénéficier d'une prise en charge médicale en France. Dans ces conditions, le préfet ne justifiant pas suffisamment des motifs qui l'on conduit à écarter l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, la décision de refus de séjour en litige a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 13 août 2015 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. Eu égard aux incertitudes sur l'état de santé actuel de M.C..., il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Vienne de réexaminer la situation de M. C...dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. M. C...a obtenu le bénéficie de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Masson, avocat de M.C..., de la somme de 1 200 euros au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 décembre 2015 et l'arrêté du préfet de la Vienne du 13 août 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de réexaminer la situation de M. C...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Masson en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.
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N° 16BX00120