Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 mars 2018, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 du préfet de la Gironde susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- la commission du titre de séjour en application des articles L. 312-2 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aurait dû être saisie ;
- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public dès lors que les faits qui lui sont reprochés sont anciens ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : il s'est marié avec une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant ;
- le préfet ne pouvait lui opposer l'absence de possession d'un visa de long séjour alors que les ressortissants géorgiens en sont dispensés depuis le 1er mars 2017 ;
- la décision a été prise en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation familiale dès lors qu'il justifie de sa résidence en France depuis 2005, qu'il a trois enfants qui résident régulièrement en France issus d'un premier lit et qu'il est marié depuis 2016 avec une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant le 6 août 2017 ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- il entre dans la catégorie des personnes pouvant bénéficier d'un titre de séjour de plein droit et ne pouvait donc être éloigné ;
- la décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens présentés par le requérant n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 février 2018.
Par ordonnance du 15 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 19 avril 2018 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation et le règlement (UE) n° 2017/372 du Parlement européen et du Conseil du 1er mars 2017 le modifiant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le
26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., né le 13 janvier 1979, de nationalité géorgienne, est entré en France en 2005 selon ses déclarations. Il a sollicité à deux reprises la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces demandes ont été rejetées et assorties d'une obligation de quitter le territoire français par décisions des 10 juillet 2012 et
9 octobre 2015, confirmées par deux jugements du tribunal administratif de Bordeaux. Le 26 octobre 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des alinéas 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 juin 2017, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois.". Aux termes de l'article L. 211-2-1 de ce code : " (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour." Il résulte de ces dispositions que si, pour obtenir une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", un étranger marié à une ressortissante de nationalité française doit produire un visa long séjour, cette demande de visa peut toutefois être effectuée en France à la condition que l'étranger y séjourne avec son conjoint depuis plus de six mois et qu'il justifie de son entrée régulière sur le territoire national.
3. M. C...n'établit pas être entré régulièrement en France lorsqu'il devait justifier de la délivrance d'un visa. Et s'il fait valoir qu'il aurait pénétré sur le territoire français après l'entrée en vigueur du règlement (UE) n° 2017/372 du 1er mars 2017 modifiant le règlement (CE) n° 539/2001 du 15 mars 2001 susvisés, en vertu duquel les ressortissants géorgiens titulaires d'un passeport biométrique sont dispensés de l'obligation de visa pour des séjours de moins de trois mois au sein de l'espace Schengen, il ne justifie pas de son entrée régulière en produisant un passeport biométrique délivré le 7 septembre 2017 postérieurement à la date de l'arrêté attaqué. Par suite le préfet a pu légalement lui opposer l'irrégularité de son entrée en France pour refuser de lui délivrer le titre de séjour demandé en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ".
5. Le requérant fait valoir qu'il réside en France depuis 2005, et qu'il est père de trois enfants résidant régulièrement sur le territoire et qu'il s'est marié le 24 septembre 2016 avec une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant né en août 2017. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, le mariage du requérant était récent et qu'il ne produit aucune pièce de nature à établir sa vie commune avec son épouse avant leur mariage. Il ressort également des pièces du dossier que le requérant a séjourné en 2008 en Suède et n'établit pas, par les pièces produites avoir séjourné habituellement en France depuis cette date. Par ailleurs, en se bornant à produire les actes de naissance et les certificats de scolarité de ses trois enfants nés d'une précédente union, des attestations datées de 2015 indiquant qu'il emmène ses enfants à l'école, alors que ces derniers résidaient avec leur mère qui en a la garde à
Maisons-Alfort à la date de la décision attaquée et une attestation de son ex épouse rédigée en 2017 dans le cadre d'une demande de logement social indiquant qu'il reçoit ses enfants au cours des vacances scolaires, il n'établit pas l'intensité des liens entretenus avec ses enfants. Enfin,
M. C...n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. Dans ces circonstances, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus qui lui ont été opposés et le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
6. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. M. C...soutient que la décision portant refus de séjour porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants. Toutefois, d'une part, aucun enfant du couple n'était né à la date de la décision contestée, d'autre part, la circonstance que les trois enfants du requérant nés de sa précédente union qui résident en région parisienne lui rendraient visite à certains moments au cours de l'année ne suffit pas à établir une relation suffisamment stable, durable et intense dans des conditions telles que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à ces articles et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il est dit
ci-dessus, le requérant ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant aux étrangers d'obtenir une carte de séjour temporaire. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande à ce titre.
9. En cinquième lieu, le requérant reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, sans faire état d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal administratif.
10. Enfin, il ressort de l'arrêté attaqué que pour refuser un titre de séjour au requérant, le préfet s'est fondé sur les circonstances que le requérant a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement auxquelles il n'a pas déféré, qu'il ne peut bénéficier d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, qu'il ne peut bénéficier d'un titre de séjour à aucun autre titre et qu'il ne justifie pas de menaces en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, à supposer même que le requérant ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas retenu ce motif.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
11. Dans les circonstances précédemment exposées, le moyen tiré de ce que le droit au bénéfice d'un titre de séjour faisait obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement doit être écarté.
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7 du présent arrêt, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ni qu'elle porterait atteinte à l'intérêt de ses enfants.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
13. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou
dégradants ". Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
14. Le requérant, dont les demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, ne justifie pas de la réalité de risques personnels en cas de retour en Géorgie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu par voie de conséquence de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et MeA....
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme. Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 juin 2018.
Le rapporteur,
Caroline GaillardLe président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 18BX00959