Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2016, et un mémoire, enregistré le 20 avril 2016, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 février 2016 ;
2°) de rejeter la demande de M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Philippe Pouzoulet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel jugement du 17 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 16 décembre 2015 faisant à M. A...obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
3. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M.A..., de nationalité géorgienne, est entré irrégulièrement en France, n'a pas sollicité l'asile ni n'a sollicité un titre de séjour sur un autre fondement de sorte que l'intimé n'a pas déjà eu la possibilité de présenter son point de vue sur les conditions de son séjour en France. Par suite, le droit d'être entendu impliquait que l'autorité administrative mette l'intéressé à même de présenter ses observations sur la mesure d'éloignement envisagée à son encontre. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de son audition par la gendarmerie nationale, le 16 décembre 2015, M.A..., assisté d'un interprète en langue géorgienne, a été dûment informé qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prononcée à son encontre et invité à présenter ses " observations écrites ou orales ". M. A...a déclaré n'avoir pas d'observations à formuler, se bornant à mentionner qu'il " avait besoin d'un traitement ". C'est dès lors à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté attaqué au motif que le droit de M. A...d'être entendu et de présenter des observations écrites avait été méconnu.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M.A....
6. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français contestée vise les textes qui la fondent, notamment les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. A...et indique les éléments de la situation personnelle de l'intéressé qui ont été pris en considération, notamment ceux relatifs aux conditions irrégulières de son entrée et de son séjour en France ainsi que l'absence de démarche visant à régulariser sa situation. Une telle motivation énonce suffisamment les considérations de fait et de droit qui ont conduit le préfet à l'obliger à quitter le territoire. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
7. En second lieu, il ne ressort pas des éléments mentionnés dans la décision litigieuse, ni des autres pièces du dossier, que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen de la situation personnelle de M.A....
8. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant de nationalité géorgienne, né le 21 septembre 1970, a déclaré lors de son audition du 16 décembre 2015 par la gendarmerie nationale, durant laquelle il était assisté par une traductrice, qu'il était entré irrégulièrement en France en 2014, qu'il ne comprenait pas la langue française et qu'il avait pour seule famille sa fille majeure vivant à Gurjaani (Géorgie). Par ailleurs, si M. A...a déclaré lors de cette audition qu'il avait quitté son pays en 2012 pour des raisons de santé il n'apporte aucun élément, en appel comme en première instance, sur la nature et la gravité des troubles du foie dont il affirme être atteint en raison d'une hépatite C. Aussi bien, M. A...n'a pas sollicité le séjour en qualité d'étranger malade. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A.... Pour les mêmes motifs, M.A..., qui ne peut être regardé comme remplissant les conditions de délivrance de plein droit d'une carte temporaire de séjour sur le fondement du 7° l'article L. 313-11, n'est pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait légalement l'obliger à quitter le territoire français sans méconnaître ces dispositions.
9. Enfin M.A..., à supposer qu'il soit regardé comme se prévalant du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne fournit aucune justification permettant d'établir que ces dispositions ont été méconnues par le préfet.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".
11. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, tout en réservant l'hypothèse de circonstances particulières, ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008. Ainsi le moyen tiré de ce que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers auraient méconnu les stipulations de la directive doit être écarté.
12. En deuxième lieu, la décision de refus de délai de départ volontaire vise les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, notamment celles du a) et du f) et indique qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à son éloignement dès lors qu'il ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes car il est entré irrégulièrement en France, il n'y a jamais sollicité son admission au séjour et il ne présente aucun document d'identité. En outre, comme cela a été dit au point 6 du présent arrêt, le préfet a également rappelé les principaux éléments de la situation personnelle et familiale du requérant. Une telle motivation énonce suffisamment les considérations de fait et de droit qui ont conduit le préfet à refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
13. En troisième lieu, il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Par suite, M. A...ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 prévoyant une procédure contradictoire, qui ne sont pas applicables.
14. En quatrième lieu, il ne ressort pas de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne, qui a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M.A..., se serait estimé tenu de lui refuser un délai de départ volontaire.
15. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui est entré en France irrégulièrement et n'a pas sollicité de titre de séjour, ne présente aucun document d'identité ni ne justifie d'aucun lieu de résidence effective ou permanente. Contrairement à ce qu'il soutient, la circonstance tenant à ce qu'il n'a pas fait l'objet d'un placement en rétention administrative ne permet pas d'établir qu'il n'existe aucun risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français en litige. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne, en ayant estimé que M. A...pouvait être regardé comme présentant un risque établi de se soustraire à son obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. Enfin, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
17. La décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement de M. A...vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre elle relève que l'intéressé est un ressortissant de nationalité géorgienne faisant d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.
18. La motivation de la décision révèle que le préfet s'est livré à un examen de la situation personnelle de l'intéressé au regard des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine.
19. Enfin, M.A..., qui n'a assorti le moyen d'aucune précision, ne justifie pas des risques personnels qu'il encourrait en cas de retour en Géorgie. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté.
20. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 16 décembre 2015 obligeant M. A...à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi.
21. Par suite, les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A...titre des frais de procès.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1505928 du 17 février 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que ses conclusions présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
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N° 16BX00709