Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 avril 2019, M. A...okoso, représenté par Me C... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 19 février 2019 ordonnant son transfert aux autorités espagnoles ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'enregistrer sa demande d'asile, dans le délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...okoso, né le 7 avril 1995, de nationalité congolaise, interjette appel du jugement du 22 mars 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime ordonnant son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) ; / 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens ; / (...). / Les présidents des cours administratives d'appel (...) et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement (...) ".
Sur la motivation de l'arrêté de transfert :
3. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
5. L'arrêté attaqué vise le règlement n° 604/2013, indique que la consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait déposé une demande d'asile en Espagne, préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France, qu'une demande de prise en charge a été adressée aux autorités espagnoles le 18 décembre 2018 en application de l'article 13-1 de ce même règlement, que cette demande a été implicitement acceptée le 19 février 2019, ce dont elles ont été informées par message du même jour, et que les autorités espagnoles doivent être regardées comme responsables de l'examen de la demande d'asile de M. A... okoso. La décision contestée permet ainsi d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III du règlement n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.
Sur l'entretien individuel :
6. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tous cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ". Aux termes de l'article 35 du même règlement : " (...) 3. Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement ". Aux termes de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : " 1. Les Etats membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / (...) / 3. Les Etats membres veillent à ce que le personnel de l'autorité responsable de la détermination visée au paragraphe 1 soit dûment formé (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'il soutient, M. A...okoso a bénéficié d'un entretien individuel au cours duquel il a pu faire valoir l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle. Il ressort du résumé de cet entretien qu'il s'est déroulé le 4 décembre 2018, dans les locaux de la préfecture de la Seine-Maritime, et a été conduit par " un agent qualifié de la préfecture ", lequel doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien, alors même que son nom n'est pas précisé dans le résumé. Il ressort du même document que l'entretien s'est déroulé avec l'assistance d'un interprète en langue lingala, langue que M. A...okoso a déclaré comprendre et parler. Dans ces conditions, il est établi que l'entretien individuel dont a bénéficié M. A...okoso, qui a, au demeurant, signé le résumé sans formuler d'observation, s'est déroulé selon les prescriptions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 laquelle, contrairement à ce que soutient le requérant, a été intégralement transposée en droit interne par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 et ne peut donc, en tout état de cause, pas être directement invoquée à l'encontre de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
Sur les autres moyens :
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas établi par M. A...okoso que la préfète de la Seine-Maritime se serait abstenue de procéder à un examen sérieux de sa situation avant de prendre l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.
9. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.
10. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
11. La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
12. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que la préfète de la Seine-Maritime, qui a notamment relevé que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. A...okoso ne relevait pas des dérogations prévues par l'article 17 du règlement précité, a effectivement pris en compte la possibilité que la France examine la demande d'asile de l'intéressé alors même qu'elle n'en était pas responsable. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.
13. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent, et en l'absence de tout élément versé par M. A...okoso sur sa situation personnelle et familiale en France, que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation, ni examiné la possibilité de traiter sa demande d'asile, ni, en l'absence d'éléments de nature exceptionnelle ou humanitaire invoqués, qu'elle aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A...okoso est manifestement dépourvue de fondement. Il convient, dès lors, de la rejeter au titre du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative cité au point 2, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...okoso est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A...okoso et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°19DA00984