Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2015, Mme F..., représentée par Me D...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 3 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 18 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'une insuffisance de motivation en fait ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 13 de la décision n°1/80 du conseil d'association et l'article 41 du protocole additionnel ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de tire de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendue.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2016, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le règlement CEE n° 2760/72 du Conseil du 19 décembre 1972 portant conclusion du protocole additionnel ainsi que du protocole financier, signés le 23 novembre 1970, annexés à l'accord susvisé ;
- la décision n°1/80 du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C...F..., ressortissante turque née le 17 septembre 1991, relève appel du jugement du 3 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2015 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ;
3. Considérant qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission provisoire de Mme F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Sur le refus de séjour :
4. Considérant que la décision de refus de séjour comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que, par suite, le préfet, qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation de la requérante, a suffisamment motivé sa décision ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le représentant de l'Etat se serait abstenu de procéder à l'examen particulier de la situation de l'intéressée ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la décision du Conseil d'association du 19 septembre 1980 relative au développement entre la Communauté économique européenne et la Turquie : " Les Etats membres de la Communauté et la Turquie ne peuvent introduire de nouvelles restrictions concernant les conditions d'accès à l'emploi des travailleurs et de leurs familles qui se trouvent sur leur territoire respectif en situation régulière en ce qui concerne le séjour et l'emploi " ;
6. Considérant qu'il est constant que Mme F...ne justifiait pas d'une situation régulière en France à la date de l'arrêté attaqué ; qu'elle ne peut, dès lors, utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article 13 de la décision du Conseil d'association du 19 septembre 1980, celles-ci n'étant invocables que par les ressortissants turcs en situation régulière en France ;
7. Considérant que les stipulations de l'article 41 du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970, à l'accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie par lesquelles les parties signataires s'abstiennent d'établir de nouvelles restrictions en matière de liberté d'établissement et de prestations de services, ne sont pas de nature à conférer à un ressortissant turc un droit d'établissement, celui-ci restant régi par le droit national ; que, par suite, l'intéressée ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations ;
8. Considérant que Mme F...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance, tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation que comporterait la décision attaquée sur sa situation personnelle ; qu'il y a lieu de les rejeter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Rouen ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant qu'en raison du rejet des conclusions dirigées contre le refus de séjour, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté ;
10. Considérant que la requérante a sollicité son admission au séjour ; qu'elle a donc été mise à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligée à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; que, par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Mme F... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...épouseF..., au ministre de l'intérieur et à Me D...A....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. G...Le président de chambre,
Signé : M. E...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01892