Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 décembre 2015 et le 24 mai 2016, Mme F..., représentée par Me D...G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 3 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2015 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet de la Seine-Maritime n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle au regard des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien en ce qui concerne son accès effectif aux soins ;
- la décision de refus de titre de séjour en litige méconnaît les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 du même accord et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations du b) de l'article 7 bis du même accord ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2016, la préfète de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme F...ne sont pas fondés.
Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller.
1. Considérant que MmeF..., ressortissante algérienne, née le 23 novembre 1950, entrée en France le 17 septembre 2013 sous couvert d'un visa de type C d'une durée de trente jours, a le 7 juillet 2014, demandé son admission au séjour sur le fondement des 5) et 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et du b) de l'article 7 bis du même accord ; que Mme F...relève appel du jugement du 3 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2015 du préfet de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;
Sur le refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;
3. Considérant que pour refuser la demande de certificat de résidence algérien présentée par MmeF..., le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie du 15 janvier 2015 selon lequel, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut néanmoins effectivement bénéficier d'un traitement médical approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé et se serait ainsi abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante au regard de son état de santé ; que ni les certificats médicaux produits par MmeF..., insuffisamment circonstanciés, ni les ordonnances de prescription médicale ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation de l'autorité administrative quant à la disponibilité en Algérie d'un traitement approprié à la pathologie d'hypertension artérielle dont elle souffre ; qu'en particulier, et contrairement à ce que soutient la requérante, l'acebutolol 200 figure sur la liste des médicaments essentiels en Algérie et le doliprane est distribué dans ce pays ainsi qu'il ressort de la liste produite par l'intéressée elle-même ; que le principe actif du médicament Ixprim, en l'occurrence le paracétamol, est également mentionné sur la liste des médicaments essentiels et qu'il en est de même de médicaments contre l'hypertension artérielle dont les propriétés sont analogues au médiatensyl ; qu'enfin, si la requérante fait valoir qu'elle est isolée dans son pays et ne dispose pas, du fait de son absence de ressources, d'un accès effectif aux soins, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que Mme F...se trouvait dans l'impossibilité de bénéficier, avant son arrivée en France à l'âge de 63 ans, de l'assistance tant financière que matérielle de ses autres enfants demeurés en Algérie voire même de celle des nombreux membres de sa fratrie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ;
5. Considérant que si Mme F...fait valoir qu'elle est séparée de son époux depuis l'année 1994, que plusieurs membres de sa famille résident sur le territoire français, en particulier sa fille de nationalité française, son gendre et leurs trois enfants ainsi qu'une nièce également de nationalité française, il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme F...n'est entrée sur le territoire français que le 17 septembre 2013 et ne justifie d'aucune présence antérieure sur le territoire national ; qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache familiale en Algérie où résident notamment quatre de ses cinq enfants et ses frères et soeurs et où elle a elle-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 63 ans ; que dans les circonstances de l'espèce et eu égard notamment tant à la brève durée qu'aux conditions de séjour en France de l'intéressée, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour du préfet aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et aurait ainsi méconnu tant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour (...) b) (...) aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge (...) " ;
7. Considérant que si Mme F...fait valoir qu'elle est hébergée par sa fille qui la prend en charge et qu'elle ne dispose d'aucune ressource personnelle, il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée en France dépourvue de visa de long séjour et qu'elle ne justifie pas avoir reçu une aide de sa fille, antérieurement à son entrée en France ; que sa fille et son gendre, qui ont trois enfants mineurs à leur charge, ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu ; que la rémunération brute mensuelle prévue par le contrat de travail de sa fille s'élève à la somme de 1 238,90 euros et son époux ne perçoit que l'allocation d'aide au retour à l'emploi ; qu'ainsi, le préfet de la Seine-Maritime, en estimant que Mme F...ne remplissait pas les conditions requises pour lui délivrer le titre de séjour demandé, n'a pas méconnu les dispositions précitées du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;
9. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, Mme F...n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement prononcée à son encontre aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;
Sur le pays de destination :
10. Considérant que si Mme F...soutient que la décision en litige est insuffisamment motivée, toutefois, ce moyen, qui n'est assorti d'aucune précision nouvelle en appel, a été à bon droit écarté par le tribunal administratif, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point ;
11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, la décision fixant le pays de destination serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeF... ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F..., au ministre de l'intérieur et à Me D...G....
Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. C...Le président de chambre,
Signé : M. E...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA02060