Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2016, M. et MmeC..., représentés par Me D...A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme C..., associés de sociétés en participation (SEP) gérées par la SARL Dom Tom Défiscalisation (DTD), ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu au titre de l'année 2009, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt du fait d'investissements réalisés en Outre-Mer par l'intermédiaire de ces SEP, consistant en l'acquisition de centrales données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique ; que cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale, motif pris que, d'une part, le montant des investissements servant de base à cette réduction d'impôt n'était pas cohérent avec la réalité des importations constatées auprès de l'administration des douanes et des entreprises transitaires et, d'autre part, que les installations n'étaient pas raccordées au réseau électrique au 31 décembre 2009 ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant que les suppléments d'impôt sur le revenu en litige procèdent non du rehaussement des quotes-parts des résultats des SEP dont les contribuables sont associés mais exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt dont ils s'étaient prévalus sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; que l'administration n'étant tenue par aucune disposition législative ou réglementaire de procéder à un contrôle sur place des SEP concernées avant d'opérer une telle rectification, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, faute d'une vérification de comptabilité des SEP, ils auraient, aux termes d'un détournement de procédure ou d'un manquement à l'obligation de loyauté, été indirectement privés des garanties attachées à la vérification de comptabilité des sociétés en participation ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;
4. Considérant qu'il ressort des motifs de la proposition de rectification adressée aux requérants que le service y mentionne les bases du rappel d'impôt sur le revenu dont ils ont fait l'objet et indique que les rectifications proposées procèdent de la remise en cause, sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt accordées au titre d'opérations d'investissements portant sur des installations photovoltaïques qui auraient été réalisées par les SEP dont ils sont associés et dont la gestion est confiée à la société DTD ; que cette proposition, sans opérer de confusion entre la SEP dont les requérants sont associés et la SARL DTD ou les sociétés du groupe Lynx, détaille le mécanisme de défiscalisation mis en oeuvre, rappelle la législation applicable et précise, à partir des constats réalisés par l'administration à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de différentes institutions publiques et de transitaires en douane antillais précisément identifiés, les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour opérer la remise en cause de l'avantage fiscal, ainsi que les montants concernés ; que la circonstance que cette proposition de rectification ne précise pas la dénomination sociale de la SEP est sans incidence sur le caractère suffisant de sa motivation dès lors que cette absence de précision n'a pas pu induire en erreur les contribuables sur la nature des redressements opérés par le service, ni ne les a privés de la possibilité de présenter utilement leurs observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait ; que la circonstance, à la supposer établie, que le contenu et la présentation de la proposition de rectification, ainsi que les constatations qu'elle énonce, soient en grande partie identiques à celles figurant dans des propositions de rectification adressées à d'autres contribuables se trouvant dans une situation identique à celle des requérants, ne constitue pas une motivation stéréotypée dès lors que la proposition de rectification mentionne des éléments propres à la situation de M. et MmeC... ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l' article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que cette obligation s'impose à l'administration pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications ;
6. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification que, pour établir l'imposition litigieuse, l'administration s'est uniquement fondée sur les renseignements obtenus par l'exercice de son droit de communication auprès de la société EDF, les 14 décembre 2010 et 17 mars 2011, de l'administration des douanes, le 25 mars 2011, et des transitaires en douanes Géodis Wilson et Pompière SA, le 20 mai 2011 ; que si la société fait valoir que l'administration a exercé son droit de communication auprès de la société Lynx Industrie sans les en informer dès lors que l'administration a mentionné des montants d'importations réalisées par cette société, il ressort des termes même de la proposition de rectification que c'est le droit de communication exercé auprès de la société Géodis qui a permis de constater une valeur en douane déclarée d'un montant de 465 718 euros en 2008 de matériels photovoltaïques à destination de Lynx Industries Caraibes ; que, si l'administration a, par ailleurs, diligenté une vérification de comptabilité de la société DTD, il ne résulte pas de l'instruction que, contrairement à ce que les requérants se bornent à affirmer, elle aurait utilisé des éléments issus de cette vérification pour fonder l'imposition litigieuse ; que si M. et Mme C... ont sollicité la communication des réponses obtenues dans le cadre du droit de communication lors de leur réponse à la proposition de rectification, l'administration fait valoir, sans être contestée, qu'elle a adressé par courrier du 9 mars 2012 l'ensemble de ces éléments en les annexant à sa réponse aux observations du contribuable ; qu'il est constant que ce courrier a été avisé le 13 mars 2012 puis retourné au service faute d'avoir été réclamé ; qu'ainsi, la communication des éléments obtenus dans le cadre du droit de communication doit être regardée comme régulière ; que, dès lors, le moyen tiré par M. et Mme C...de ce qu'en ne les informant pas des renseignements ou documents obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société DTD, l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ou aurait manqué à son devoir de loyauté ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition en litige :
7. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable ou à l'administration, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif de la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées et la date à laquelle le droit à réduction est né ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 K de cette annexe : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer, (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article " ;
9. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'Outre-Mer ; que dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus ; que par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date ; que le raccordement est nécessaire pour une exploitation effective de ces installations, dès lors qu'il n'est pas contesté que l'électricité produite n'avait pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes ; qu'il appartient, comme l'a relevé à bon droit le tribunal, au juge de l'impôt de constater, au terme de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, si un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des renseignements obtenus par l'administration auprès de la société EDF, et qu'il n'est du reste pas contesté, qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre desquelles a été opérée la réduction d'impôt litigieuse n'avait fait l'objet, au cours de l'année 2009, d'un raccordement au réseau électrique, condition pourtant nécessaire à l'exploitation des installations ; que, par suite, et dès lors qu'au 31 décembre de l'année en cause, les investissements litigieux n'étaient pas en capacité d'être productifs, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et sans ajouter à la loi, que l'administration a estimé que les investissements déclarés par les requérants, qui ne sauraient se prévaloir de la seule livraison du matériel, n'avaient pas été effectivement réalisés au cours de l'année 2009 et a remis en cause la réduction d'impôt correspondante ; que, dès lors, les moyens tirés par les requérants de ce qu'ils ne sauraient être tenus pour responsables d'une absence de raccordement au réseau des matériels compte tenu d'un supposé retard de traitement des demandes et d'un moratoire d'installation demandé en matière photovoltaïque par Électricité de France, de ce que l'administration n'aurait pas démontré une quelconque disproportion entre les fonds collectés et les matériels livrés et que les chiffres seraient incohérents ne peuvent qu'être écartés ; que le motif retenu ci-dessus étant, à lui seul, de nature à fonder le rehaussement contesté, le moyen tiré d'une prétendue incohérence dans les différentes données obtenues par l'administration quant aux montants des importations de matériels photovoltaïques est inopérant ;
11. Considérant que si les contribuables contestent également le caractère probant des chiffres retenus par l'administration qui seraient en contradiction avec les informations communiquées par EDF ayant fait état du raccordement de 108 installations photovoltaïques de 36 Kw au réseau de distribution d'électricité, ils n'établissent pas que l'une de ces installations correspondrait à celle devant être louée par la SEP dans laquelle ils ont investi ; qu'en outre, l'exercice du droit de communication exercé auprès d'EDF a permis de constater qu'aucune demande de raccordement au réseau de distribution n'a été présentée avant 2010 ; que, par suite, l'administration a pu, au regard de l'ensemble de ces éléments, à bon droit considérer que l'investissement revendiqué par M. et Mme C...au titre de l'année 2009 ne correspondait pas à du matériel photovoltaïque effectivement livré et susceptible de faire l'objet d'une exploitation effective avant 2010 ;
Sur le bénéficie de la doctrine :
12. Considérant que M. et Mme C...se prévalent de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 dont le paragraphe n° 148, relatif à l'année au titre de laquelle la réduction d'impôt est pratiquée, précise que : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) " ; que, toutefois, il résulte de ce paragraphe qu'il exclut expressément que la réduction d'impôt puisse être pratiquée si l'immobilisation n'a pas été achevée au cours de l'année en cause ; que, des centrales photovoltaïques ne constituant pas, par elles-mêmes, des moyens d'exploitation permanents ou durables capables, avant toute installation, de fonctionner de manière autonome, l'interprétation donnée par la doctrine invoquée de la notion de livraison est, en l'espèce, sans incidence sur le fait générateur du droit à déduction ; que, par suite, la doctrine invoquée ne contient aucune interprétation du texte fiscal différente de celle dont l'administration a fait application en l'espèce ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
6
N°16DA02196