Procédure devant la cour :
       Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2015, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
       1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 2 novembre 2015 ;
       2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen.
       Il soutient que M. B...n'ayant pas déposé de demande d'asile, son arrêté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
       La requête a été communiquée à M.B..., pour qui il n'a pas été produit de mémoire en défense.
       Vu les autres pièces du dossier.
       Vu :
       - la Constitution ;
       - la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
       - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
       - la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
       - la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000 ;
       - le code de justice administrative.
       Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
       Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
       Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique. 
       1. Considérant que le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 2 novembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, à la demande de M.B..., ressortissant albanais né le 20 janvier 1994, annulé les arrêtés du 29 octobre 2015 obligeant ce dernier à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention administrative ;
       2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office " ;
       3. Considérant que si M. B...a produit une attestation de domiciliation postale rédigée le 26 octobre 2015 par l'association France-Terre d'Asile, et fait valoir qu'il aurait obtenu un rendez-vous à la préfecture le 24 novembre 2015, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de son audition par les services de police que l'intéressé, qui a été interpellé le 29 octobre 2015 à bord d'un camion dans la zone d'accès restreint de la gare maritime du Havre, avait l'intention de gagner la Grande-Bretagne et n'envisageait manifestement pas de se rendre à la préfecture pour déposer une quelconque demande d'asile ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté, M. B..., qui n'avait pas effectivement déposé de demande d'asile, pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du 29 octobre 2015 ; 
       4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...à l'encontre de la décision de placement en rétention administrative ;
       Sur l'obligation de quitter le territoire français : 
       5. Considérant que l'arrêté du 29 octobre 2015 énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté ; 
       6. Considérant que le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers, spécifiquement au sujet d'une décision d'éloignement, lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision d'éloignement soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par l'intéressé dans le cadre de la procédure de retenue instituée par les dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. B...a été entendu le 29 octobre 2015 par les services de police en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches dans son pays d'origine et en France, les raisons et conditions de son entrée en France ainsi que ses conditions d'hébergement ; que l'intéressé a eu ainsi la possibilité, au cours de cet entretien, de faire valoir utilement ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ; 
       7. Considérant que M. B...fait valoir que l'arrêté en litige méconnaîtrait le principe d'admission au séjour, serait entaché de détournement de pouvoir et méconnaîtrait tant les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève que le droit constitutionnel d'asile ; que, toutefois, et comme il a été dit au point 3, il n'établit pas avoir effectivement présenté de demande d'asile ; que les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et dispositions doivent donc être écartés ; 
       8. Considérant que si M. B...soutient être entré en France en possession de son passeport biométrique valide, il ressort des pièces du dossier qu'il a déclaré aux services de police, durant son audition, avoir jeté son passeport afin de ne pas retourner en Albanie ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de la convention d'application de l'accord Schengen du 19 juin 1990 et du règlement 536/2001 du Conseil du 15 mars 2001 modifié par le règlement UE n° 1091/2010 du parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010, permettant aux ressortissants albanais titulaires d'un passeport biométrique valide d'être dispensés de l'obligation de visa pour les séjours de moins de trois mois dans l'espace Schengen ; qu'il en est de même du moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de fait en considérant qu'il n'était pas en situation régulière ; 
       9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est célibataire, sans charge de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Albanie où résident ses parents et ses frères et soeurs ; qu'il est dépourvu de domicile fixe et d'attaches familiales en France ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ne peut qu'être écarté ; 
       Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire : 
       10. Considérant que, par un arrêté du 2 septembre 2015, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à Mme D...A..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, les obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire, les décisions fixant le pays de destination, ainsi que les décisions ordonnant le placement en rétention ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté ;
       11. Considérant que le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;
       12. Considérant qu'il ressort de ce qui a été dit aux points 5 à 9, que le moyen tiré de ce que la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire serait illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté ; 
       13. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.B..., les dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles s'est fondé le préfet de la Seine-Maritime pour lui refuser un délai de départ volontaire, qui fixent des critères objectifs permettant de penser que l'étranger faisant l'objet de la mesure d'éloignement est susceptible de prendre la fuite, ne sont pas incompatibles avec celles de la directive 2008/115/CE que la loi du 16 juin 2011 a eu pour objet de transposer ; qu'en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans un des cas définis par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger, à même d'assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec la directive 2008/115/CE doit être écarté ;
       14. Considérant que M. B...était dépourvu de document de voyage ; qu'il a déclaré, lors de son audition par les services de police, ne plus vouloir retourner en Albanie ; que, dès lors, en application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et compte tenu des circonstances de l'espèce, le risque que M. B...puisse se soustraire à la mesure d'éloignement prise à son encontre doit être regardé comme établi ;
       Sur la décision fixant le pays de renvoi : 
       15. Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision fixant le pays de destination ; que ladite décision comporte, au demeurant, l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de son défaut de motivation ne peut qu'être écarté ; 
       16. Considérant qu'il ressort de ce qui a été dit aux points 5 à 9, que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté ; 
       17. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
       18. Considérant que si M. B...fait valoir qu'il encourt des risques en cas de retour en Albanie, il ne produit toutefois aucun élément au soutien de ses allégations et, ainsi, n'établit pas qu'il serait directement et personnellement exposé à des risques de persécution en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il a, au demeurant, déclaré lors de son audition par les services de police avoir quitté son pays en raison de problèmes familiaux ; que, par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
       Sur le placement en rétention administrative : 
       19. Considérant que l'arrêté portant placement en rétention administrative de M. B...énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; que la circonstance qu'il ne vise pas les articles L. 561-1 et L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatifs à l'assignation à résidence est sans incidence sur sa légalité ; que le moyen tiré du défaut de motivation ne peut, par suite, qu'être écarté ;
       20. Considérant qu'il ressort de ce qui a été dit aux points 5 à 9, que le moyen tiré de ce que l'arrêté portant placement en rétention administrative serait illégal du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté ;
       21. Considérant que, comme il a été dit au point 14, M.B..., est dépourvu de document de voyage et a déclaré être sans domicile fixe ; que, par suite, l'intéressé ne présente pas de garanties effectives de représentation ; que dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
       22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ses arrêtés du 29 octobre 2015 obligeant M. B...à quitter le territoire français sans délai et le plaçant en rétention administrative ; 
DÉCIDE :
       Article 1er : Le jugement du 2 novembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.
       Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
       Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B....
       Copie sera adressée à la préfète de la Seine-Maritime.
       Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
       - M. Michel Hoffmann, président de chambre,
       - M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
       - M. Laurent Domingo, premier conseiller.
       Lu en audience publique le 19 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. F...Le président de chambre,
Signé : M. E...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
       La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque       
''
''
''
''
3
N°15DA01901