Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille du 23 février 2016 en tant qu'il annule sa décision fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
Elle soutient que M. C...n'établit pas être exposé à des risques en cas de retour dans son pays d'origine.
La requête a été communiquée à M.C..., pour qui il n'a pas été produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Laurent Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 9 octobre 2015 dans l'enceinte de la gare ferroviaire du lien fixe Transmanche de Coquelles par les services de la police nationale, M. C..., de nationalité soudanaise, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète du Pas-de-Calais pris le même jour lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 23 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé qu'il appartenait en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments (28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. C. France, n° 18039/11) ;
3. Considérant que, si M. C...a déclaré lors de son audition par les services de police être né au Darfour, les déclarations succinctes et peu circonstanciées qu'il a faites à cette occasion ne permettent pas d'établir qu'il serait bien originaire de cette province alors qu'il est demeuré mutique sur son lieu de naissance et sa résidence habituelle au Soudan ; qu'il ne justifie pas davantage être membre de l'ethnie zaghawa, appartenance dont il n'a fait au demeurant état que devant les premiers juges ; que, dès lors, à supposer même que la situation prévalant dans la région du Darfour soit caractérisée par une violence généralisée résultant d'un conflit armé, M. C... n'est pas fondé à prétendre qu'il serait exposé à une menace grave en cas de retour dans ce pays et que la préfète du Pas-de-Calais aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a, par l'article 1er du jugement attaqué, prononcé l'annulation, au motif de la méconnaissance de ces stipulations, de la décision fixant le pays à destination duquel M. C... sera éloigné ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Lille ;
5. Considérant que, par un arrêté n° 2015-10-54 du 16 février 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 16 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. E...B..., chef de la section éloignement, à l'effet de signer, les notamment, les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire, les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et les décisions de placement en rétention administrative ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté ;
6. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel M. C...est éloigné, qui vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne l'intégralité des quatre premiers alinéas de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte ainsi les considérations de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle comporte ainsi, également, les considérations de fait qui en constituent le fondement ; que cette décision est, par suite, suffisamment motivée ;
7. Considérant que, si M. C...se prévaut de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il sera éloigné, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille, dont il y a lieu d'adopter les motifs, a rejeté à bon droit ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 9 octobre 2015 en tant qu'il fixe le Soudan comme pays de destination ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 23 février 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il annule la décision du 9 octobre 2015 fixant le Soudan comme pays de destination de l'éloignement de M.C....
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais fixant le pays à destination duquel il sera éloigné est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...C....
Copie sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,
Signé : M. D...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°16DA00502