Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er février 2016, MmeE..., représentée par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 24 novembre 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 juin 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'annulation de la décision de refus de titre de séjour aura nécessairement pour effet de priver de base légale la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- cette décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office est insuffisamment motivée en fait et en droit ;
- l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français aura nécessairement pour effet de priver de base légale la décision de fixation du pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2016, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Albertini, président de chambre,
- et les observations de Me A...C..., substituant Me B...D..., représentant Mme E....
Sur la décision de refus de titre de séjour :
1. Considérant que la décision refusant un titre de séjour à MmeE..., ressortissante de la République démocratique du Congo, comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (....) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories (...) qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
3. Considérant que MmeE..., qui déclare être entrée en France le 18 octobre 2013, fait valoir qu'elle y réside de manière habituelle depuis cette date, et qu'elle y entretient une relation avec un ressortissant congolais titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2019, avec lequel elle vit en concubinage depuis la fin de l'année 2013, qu'elle a conclu avec celui-ci un pacte civil de solidarité et qu'ils ont entrepris une procédure de fécondation in vitro ; que, néanmoins, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces éléments étaient antérieurs à la décision attaquée ; qu'elle ne démontre pas non plus qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt ans, et où résident ses deux enfants ; que dans ces conditions et eu égard au caractère récent de son séjour, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de l'Eure n'a, par suite, pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
5. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit au point 4, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme E...au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de l'Eure n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
6. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
7. Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel Mme E...pourrait être reconduite d'office comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que Mme E...ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques personnels, directs et actuels qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet de l'Eure n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeF..., au ministre de l'intérieur et à Me B...D....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 23 juin 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 7 juillet 2016.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
président rapporteur,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
''
''
''
''
3
N°16DA00209