Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2014, Mme B...A..., représentée par la SELARL Enard-Bazire, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 mai 2014 du tribunal administratif de Rouen ;
2°) d'annuler la décision du 27 septembre 2012 ;
3°) de condamner l'IDEFHI à lui verser la somme de 50 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable, en réparation de divers préjudices qu'elle soutient avoir subis ;
4°) d'ordonner à l'IDEFHI de la réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière ;
5°) de mettre à la charge de l'IDEFHI une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ont été méconnues dès lors que le jugement ne cite pas les dispositions du code de justice administrative dont il fait application ;
- le jugement a omis de statuer sur ses conclusions tendant à la condamnation de l'IDEFHI en réparation du harcèlement moral qu'elle a subi ;
- la composition du conseil de discipline est irrégulière en l'absence d'un agent ayant un grade identique au sien ;
- son dossier personnel était incomplet ;
- la décision la licenciant est entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle a été affectée sur un emploi qui ne correspondait pas au grade qu'elle détenait ;
- l'illégalité de la décision prononçant son licenciement constitue une faute ;
- le changement d'affectation dont elle a fait l'objet est fautif dès lors que les fonctions qui lui ont été confiées ne ressortissaient pas à son grade ;
- avoir fait l'objet de harcèlement moral et sexuel ;
- l'IDEFHI a commis une faute consistant en un défaut d'organisation du service qui a failli dans son obligation de protéger un de ses agents objet de harcèlement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2015, le directeur général de l'Institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion, représenté par la SELARL Eden avocats, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la diminution du quantum des conclusions indemnitaires de la requérante et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est régulier ;
- les autres moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le décret n° 93-652 du 26 mars 1993 ;
- le décret n° 93-657 du 26 mars 1993 ;
- le décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public.
Sur la régularité du jugement :
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ;
2. Considérant qu'en visant les dispositions du code de justice administrative, le tribunal administratif de Rouen a satisfait aux prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative précité ;
3. Considérant qu'il résulte du jugement attaqué que les premiers juges ont statué sur les conclusions de Mme A...tendant à la condamnation de l'Institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap à l'indemniser, au titre du harcèlement moral qu'elle soutient avoir subi ; que Mme A...n'est donc pas fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision de licenciement :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;
5. Considérant que Mme A...recrutée puis titularisée à compter du 1er avril 2004 dans le corps des moniteurs-éducateurs par le centre départemental de Canteleu devenu depuis le 1er janvier 2008 l'institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion (IDEFHI), a fait l'objet par une décision du 27 septembre 2012 d'un licenciement pour insuffisance professionnelle ; que, si un rapport établi par le docteur Pigache n'aurait pas figuré dans le dossier personnel de Mme A..., dont elle a pris connaissance le 28 août 2012, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué que cette absence aurait pu avoir une influence sur le sens de la décision prise ou aurait privé l'intéressée d'une garantie ;
6. Considérant qu'en vertu de l'article 88 de la loi du 9 janvier 1986, un licenciement pour insuffisance professionnelle, ne peut intervenir qu'après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire ; qu'aux termes de l'article 83 de la loi précitée : " Le conseil de discipline ne comprend en aucun cas des fonctionnaires d'un grade inférieur à celui du fonctionnaire déféré devant lui, à l'exception des fonctionnaires d'un grade hiérarchiquement équivalent au sens de l'article 20-1 de la présente loi. Il comprend au moins un fonctionnaire du grade de ce dernier ou d'un grade équivalent.(...) " ; qu'aux termes de l'article 20-1 de cette même loi : " Les corps, grades et emplois de la même catégorie sont classés en groupes et répartis en sous-groupes à l'intérieur de ces groupes. Les corps, grades et emplois d'un même sous-groupe sont hiérarchiquement équivalents pour l'application de la présente section et de l'article 83 de la présente loi. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. " ; qu'en vertu de l'article 2 du décret du 18 juillet 2003 relatif aux commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière, la CAP5 contient un groupe unique et un sous groupe unique contenant les assistants socio-éducatifs et les moniteurs-éducateurs ;
7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que la circonstance que les représentants du personnel ayant siégé au sein du conseil de discipline réuni le 14 septembre 2012, en application de l'article 88 de la loi du 9 janvier 1986, étaient tous des assistants socio-éducatifs, n'est pas de nature à vicier la procédure suivie ;
En ce qui concerne la légalité interne :
8. Considérant que la décision en litige est motivée par les difficultés de l'intéressée à exercer ses fonctions, caractérisées par son incapacité à dissocier la sphère privée de la sphère professionnelle et à adopter une posture professionnelle adaptée, par son incapacité à identifier, les besoins des personnes accueillies ou accompagnées et à y répondre en offrant aux usagers et à leur famille un cadre à la fois rassurant et protecteur, mais aussi ferme et structurant, par son incapacité à garantir la sécurité des personnes, et notamment la sienne ainsi que celle des personnes vulnérables dont elle avait la charge, par ses difficultés à travailler en équipe pluridisciplinaire, son incapacité à canaliser et gérer ses émotions, ainsi que sa propension à générer le conflit et son incapacité à se remettre en cause et à évoluer en tenant compte des remarques et conseils prodigués ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'elle était en poste au sein de l'institut médico-éducatif " le Champ du loup ", l'attitude de Mme A...a provoqué des difficultés relationnelles au sein du service, perturbant son fonctionnement ; qu'il avait alors déjà été indiqué à l'intéressée qu'elle devait travailler sur la prise de distance ; que ces difficultés relationnelles ont perduré et ont conduit l'administration à proposer à M. A...une autre affectation au sein de l'unité " SMD-Parentalités Plus ", qu'elle a acceptée ; qu'à nouveau, et alors que le grade qui était le sien devait lui permettre d'exercer les fonctions qui lui étaient dévolues lors de son affectation au sein de ce service, sont apparues des difficultés à travailler en équipe et à entretenir des relations exclusivement professionnelles avec les usagers ; que dans ces circonstances, et alors, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les difficultés professionnelles rencontrées par l'intéressée s'expliqueraient pas le harcèlement moral et sexuel dont elle se dit victime, et d'autre part, que Mme A... aurait obtenu de bonnes notations jusqu'en 2005, le directeur général de l'IDEFHI n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des capacités professionnelles de la requérante en prenant la décision attaquée ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 27 septembre 2012 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que les conclusions indemnitaires de la requête, fondées sur l'illégalité de la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle doivent être rejetées ;
10. Considérant que si les missions qui peuvent être confiées aux assistants socio-éducatifs et au moniteur-éducateur, telles qu'elles résultent des articles 2 des décrets 93-652 et 93-657 du 26 mars 1993 sont légèrement différentes, cette circonstance est insuffisante pour établir que l'administration aurait commis une faute en nommant Mme A...sur un poste de l'unité " SMD-Parentalité Plus " dans des fonctions occupées par des assistants socio-éducatifs ; qu'en outre, Mme A...est à l'origine de la demande de mutation et a accepté ce poste, alors que d'autres fonctions lui avaient été proposées, qu'elle avait refusées ; que, par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que son affectation sur un poste de l'unité " SMD-Parentalité Plus " serait constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de IDEFHI ;
11. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 6ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, que des propos, ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou même, lorsqu'ils atteignent un certain degré de gravité, non répétés, tenus dans le cadre ou à l'occasion du service, non désirés par celui ou celle qui en est le destinataire et ayant pour objet ou pour effet soit de porter atteinte à sa dignité, soit, notamment lorsqu'ils sont le fait d'un supérieur hiérarchique ou d'une personne qu'elle pense susceptible d'avoir une influence sur ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, de créer à l'encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante sont constitutifs de harcèlement sexuel et, comme tels, passibles d'une sanction disciplinaire ;
12. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
13. Considérant que si Mme A...invoque un contexte de harcèlement moral et sexuel, elle ne rapporte aucun élément probant de nature à faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; que, si un supérieur hiérarchique de l'intéressée a pu avoir un comportement inapproprié à son égard dans un contexte professionnel, les faits tels que rapportés au dossier, qui ont en outre cessé dès que la directrice de l'institut médico-éducatif en a été avertie, et alors qu'il ressort également des pièces du dossier que l'attitude de Mme A...pouvait parfois être équivoque, ne sont pas constitutifs d'un harcèlement sexuel ; qu'il ne ressort pas plus des pièces du dossier que l'intéressée aurait été victime d'un harcèlement moral ; que la seule circonstance que Mme A...ait eu des différends avec certaines de ses collègues ne permet pas non plus d'établir l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il s'en suit qu'il n'est pas établi que l'administration aurait commis une faute en étant défaillante dans son obligation de protéger un de ses agents ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 27 mai 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'IDEFHI présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et à l'Institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion.
Délibéré après l'audience publique du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Isabelle Genot
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N°14DA01286 2