Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2015, M.A..., représenté par Me D... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 novembre 2014 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Pas-de-Calais d'effacer les données relatives à sa situation de tout fichier européen lié à une entrée irrégulière ou à une mesure d'éloignement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- il n'était pas en situation de transit ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit ;
- la décision de placement en rétention administrative doit être annulée en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2015, la préfète du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention d'application de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
- le règlement (CE) n° 562/2006 du 15 mars 2006 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
1. Considérant que la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ; qu' aux termes de l'article L. 211-1 du même code : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Sous réserve des conventions internationales (...) des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; / (...) " et que l'article R. 211-27 du même code précise la nature des documents qu'un étranger, qui n'est pas rendu en France pour des motifs familiaux, doit présenter selon que sa venue a des motifs touristiques, médicaux, professionnels ou de recherche ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que si les ressortissants albanais qui détiennent, comme M.A..., un passeport biométrique, sont exemptés de l'obligation de visa pour des séjours dont la durée totale n'excède pas trois mois au sein de l'espace Schengen, ils doivent cependant, y compris pour des séjours inférieurs à trois mois, d'une part, justifier de l'objet et des conditions de leur séjour, d'autre part, disposer des moyens de subsistance suffisants ou démontrer être en mesure de les acquérir légalement, enfin, être à même de produire une attestation de prise en charge, par un opérateur d'assurance agréé, des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'ils pourraient engager durant toute la durée de leur séjour en France ; qu'en outre, dans l'hypothèse où leur entrée sur le territoire français est seulement effectuée à l'occasion d'un transit vers un autre pays de l'Union, les ressortissants albanais concernés doivent justifier qu'ils satisfont aux conditions d'entrée dans le pays de destination ;
4. Considérant que M. A...a été interpellé le 2 novembre 2014 par les services de la police nationale à l'intérieur dans la zone d'accès restreint du port de Calais ; que l'intéressé, qui a déclaré aux services de police être entré en France dans le seul but de se rendre clandestinement en Grande-Bretagne, n'a pas justifié de l'objet et du motif de son séjour sur le territoire français ; que si M. A...se prévaut de la possession de la somme de 2 100 euros en espèces, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposait de moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour pour une période qui pouvait aller légalement jusqu'à trois mois et garantissant également son rapatriement à défaut de titre de transport couvrant son voyage de retour de la France vers l'Albanie ; que la préfète a donc pu à bon droit estimer que l'intéressé n'était pas régulièrement entré sur le territoire français et décider de prononcer une mesure d'éloignement sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) " ; que selon les termes de l'article R. 211-3 du même code : " Lorsque l'entrée en France est motivée par un transit, l'étranger justifie qu'il satisfait aux conditions d'entrée dans le pays de destination " ; qu'enfin, en vertu des dispositions de l'article L. 511-2 du même code, un ressortissant étranger peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement fondée sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du même code lorsqu'il n'a pas rempli les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement du 15 mars 2006 ;
6. Considérant qu'eu égard aux déclarations mentionnées dans le procès-verbal de police établi le 1er novembre 2014, la préfète du Pas-de-Calais a également pu légalement considérer que M. A...se trouvait en situation de transit au sens des dispositions précitées du règlement du 15 mars 2006 et de l'article R. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne justifiait pas satisfaire aux conditions d'entrée sur le territoire britannique ; que, par suite, il pouvait également décider d'éloigner le requérant pour ce motif sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de l'erreur de doit être écarté ;
Sur le placement en rétention administrative :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision plaçant M. A...en rétention administrative doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être écarté ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...était dépourvu de tout domicile fixe ; qu'ainsi, il ne pouvait être regardé comme présentant, à la date de l'arrêté en litige, des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet ; que, par suite, en ne l'assignant pas à résidence conformément à l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais en le plaçant en rétention administrative sur le fondement de l'article L. 551-1 de ce code, la préfète du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à Me D...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 juin 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Isabelle Genot
''
''
''
''
1
2
N°15DA00537
1
3
N°"Numéro"