Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2016, la préfète du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lille du 7 janvier 2016 en tant qu'il prononce cette annulation ;
2°) de rejeter les conclusions correspondantes de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.
Elle soutient que :
- le premier juge a retenu à tort que la décision fixant l'Afghanistan comme le pays à destination duquel M. A... pourrait être reconduit avait été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite de son interpellation le 3 janvier 2016 à Coquelles, à proximité immédiate du site d'Eurotunnel, M.A..., qui s'est déclaré de nationalité afghane, a fait l'objet, le lendemain, d'un arrêté par lequel la préfète du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office et a décidé le placement de celui-ci en rétention administrative ; que la préfète du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 7 janvier 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, en tant qu'il a annulé la décision fixant l'Afghanistan comme pays de renvoi ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé qu'il appartenait, en principe, au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées, à charge ensuite pour les autorités administratives " de dissiper les doutes éventuels " au sujet de ces éléments ( 28 février 2008, Saadi c. Italie, n° 37201/06, paragraphes 129-131 et 15 janvier 2015, AA. c. France, n°18039/11) ;
3. Considérant que M.A..., qui a seulement déclaré, à l'occasion de son interpellation, avoir fui son pays d'origine au mois d'octobre 2015 en raison " de la guerre et de Daesh " et qui a précisé devant le tribunal administratif de Lille avoir craint pour sa vie en raison de l'offensive des talibans et des bombardements américains, s'est borné à invoquer, devant ce tribunal, la dégradation de la situation sécuritaire de son pays depuis son départ et notamment de celle de la province de Kunduz, dont il se prétend originaire, en se référant à des informations publiées par des organisations non gouvernementales ; que, toutefois, alors que l'intéressé est démuni de toute pièce permettant de justifier de son identité et de sa nationalité, il n'a assorti ses allégations d'aucune précision circonstanciée tirée de sa situation particulière, ni d'aucun commencement de preuve de leur réalité ; qu'il n'établit ainsi pas de manière probante qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Afghanistan ; que, par suite et alors même que la province de Kunduz, et particulièrement la ville du même nom, pourrait être actuellement regardée comme caractérisée, depuis l'offensive menée par les talibans le 28 septembre 2015, par un contexte de violence généralisée, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que M.A..., qui n'a au demeurant présenté aucune demande d'asile en France, ni dans un autre pays de l'Union européenne, serait personnellement exposé à un risque avéré de subir des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu, pour annuler la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la violation de ces stipulations ;
4. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A...devant le tribunal administratif de Lille au soutien des conclusions qu'il dirigeait contre la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;
5. Considérant que, par un arrêté du 22 décembre 2015, publié le même jour au recueil spécial n° 85 des actes administratifs de la préfecture, la préfète du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D...C..., chef de la section éloignement du bureau de l'immigration et de l'intégration de la préfecture, à l'effet de signer notamment les " arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté ;
6. Considérant qu'il ressort des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reproduire des formules préétablies, citent, sous le visa des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'intégralité des quatre premiers alinéas de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indiquent que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi et alors même qu'ils ne détaillent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation particulière de l'intéressé, ces motifs comportent les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office ; que cette décision est, par suite, suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
7. Considérant que, si M. A...se prévaut, à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la préfète du Pas-de-Calais est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 4 janvier 2016 en tant qu'il fixe le pays à destination duquel M. A...pourra être reconduit d'office ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 7 janvier 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, en tant qu'il prononce l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office, est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille et dirigées contre cette décision sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....
Copie en sera adressée, pour information, à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juillet 2016.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,
Signé : P.-L. ALBERTINI
Le greffier,
Signé : I. GENOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Isabelle Genot
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N°16DA00717