Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 mai 2018, Mme F... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2018 ;
2°) d'annuler cette décision de la préfète de la Côte-d'Or du 30 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Côte-d'or d'examiner sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve de renonciation à percevoir l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que c'est à tort que la préfète s'est appuyée sur les informations contenues dans le fichier Visabio et une précédente demande de visa pour contester son identité et refuser de procéder à l'examen de sa demande de titre de séjour, alors qu'elle présentait à l'appui de celle-ci, conformément à l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des documents justifiant de son état civil et de sa nationalité. La préfète doit en outre démontrer que le passeport qu'elle a présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour n'est pas authentique.
Mme B... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 mai 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2018, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevé n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... D..., ressortissante de la République démocratique du Congo, est entrée en France à la fin de l'année 2014, où elle a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Côte-d'Or en qualité de mineure isolée. Le 29 juin 2017, elle a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par courrier du 30 octobre 2017, la préfète de la Côte-d'Or a informé Mme B... D... que, compte tenu du caractère incomplet de sa demande, elle refusait de l'examiner ainsi que de lui délivrer un récépissé et a l'a invitée à compléter son dossier dans un délai de trois mois par la production de " documents d'état civil authentiques et correspondant à sa véritable identité ". Mme B... D... relève appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 30 octobre 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans (...) est tenu de se présenter (...) à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article R. 313-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2, les pièces suivantes : / 1° Les documents, mentionnés à l'article R. 211-1, justifiant qu'il est entré régulièrement en France ; / 2° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 ; / 3° Un certificat médical délivré dans les conditions fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'immigration sauf exemptions prévues par le présent code. La présentation du certificat médical est différée au moment de la remise du titre de séjour à l'étranger ; / 4° Trois photographies de face, tête nue, de format 3,5 × 4,5 cm, récentes et parfaitement ressemblantes ; / 5° Un justificatif de domicile. ".
3. Il ressort des termes de la décision en litige que, pour refuser d'examiner la demande de l'intéressée et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, la préfète de la Côte-d'Or s'est fondée sur la circonstance que les documents d'identité versés à l'appui de la demande de l'intéressée étaient entachés de nombreuses incohérences, qu'ils ne permettaient pas d'établir sa véritable identité et que l'intéressée était connue dans Visabio sous une identité différente avec une autre date de naissance. La préfète a en outre invité Mme B... D... à compléter son dossier dans un délai de trois mois par la production de " documents d'état civil authentiques et correspondant à sa véritable identité ". Toutefois, alors que Mme B... D... avait produit des documents d'identité et d'état civil conformément aux dispositions précitées de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Côte-d'Or, à laquelle il appartenait d'instruire cette demande avant de se prononcer, le cas échéant, sur l'authenticité des documents d'état civil produits, ne pouvait légalement refuser de procéder à cette instruction et de statuer sur celle-ci sans méconnaître les dispositions citées au point 2.
4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 30 octobre 2017 refusant de procéder à l'instruction de sa demande et à demander l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Et aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
6. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que si la préfète de la Côte-d'Or a déjà enregistré la demande de titre de séjour présentée par Mme B... D..., elle n'a pas procédé à son instruction et n'a pas pris de décision suite à la décision notifiée par le courrier du 30 octobre 2017 en litige. Dans ces conditions, l'annulation de cette décision, eu égard aux motifs qui la fondent, implique qu'il soit enjoint au préfet de la Côte-d'Or de reprendre l'instruction de la demande de titre de séjour de la requérante ainsi que de se prononcer à nouveau sur sa situation au regard du séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a également lieu d'enjoindre au préfet de délivrer à Mme B... D... un récépissé dans le délai de quinze jours à compter de cette notification. Eu égard au fondement de la demande de titre de séjour en litige, l'article R. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'implique pas la délivrance d'un récépissé autorisant son titulaire à travailler.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à l'avocat de Mme B... D... au titre des frais exposés, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2018 est annulé.
Article 2 : La décision du 30 octobre 2017 par laquelle la préfète de la Côte-d'Or a refusé d'examiner la demande de titre de séjour de Mme B... D... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de reprendre l'instruction de la demande de titre de séjour de Mme B... D... et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans un délai de quinze jours, un récépissé de demande valant autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D..., au ministre de l'intérieur et à Me E... C....
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 janvier 2019.
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N° 18LY01827
mg