Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 août 2014 et 16 octobre 2014, M. C...A..., représenté par Me B...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 juillet 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du Préfet de la Savoie du 30 janvier 2014 ;
3°) d'enjoindre au Préfet de la Savoie, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois et de lui délivrer, sous huitaine, une autorisation provisoire au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- sur la décision portant refus de titre de séjour :
. cette décision est insuffisamment motivée ;
. elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'erreurs de droit en ce qu'elle lui a opposé l'absence de visa de long séjour et le défaut de mention du métier sur la liste des métiers sous tension laquelle comprend en tout état de cause le métier d'éleveur soigneur de chevaux ;
. elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne qu'il n'a jamais travaillé en France alors qu'il a travaillé de manière déclarée en qualité de saisonnier ;
. elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
- sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :
. cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour qui la fonde ;
. elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle conduirait à un éclatement de la cellule familiale dès lors que l'arrêté pris à l'encontre de son épouse a été annulé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2014, le Préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- l'arrêté en cause est suffisamment motivé ;
- sur la décision portant refus de titre de séjour :
. cette décision n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'une erreur de fait ; M. A... ayant produit une promesse d'embauche il a examiné sa demande sur le fondement de l'article L. 313-10 de ce code ; l'intéressé n'a pas fait état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; il n'avait pas connaissance que M. A...travaillait sans autorisation, ce dernier ne lui ayant fourni qu'une promesse d'embauche ;
. elle ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 27 août 2015 la clôture d'instruction a été fixée au 18 septembre 2015, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les observations de MeD..., représentant M.A....
1. Considérant que M. C...A..., ressortissant albanais né le 20 avril 1973, est selon ses déclarations, entré en France en 2010 ainsi que son épouse, ressortissante albanaise, et leurs deux enfants nés en 2000 et 2003 ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2010, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 juin 2011 ; que, par arrêté du 11 août 2011, le préfet de la Savoie lui a refusé un titre de séjour au titre de l'asile ; qu'il a obtenu des autorisations provisoires de séjour d'octobre 2012 au 9 janvier 2014 en qualité d'accompagnant de son épouse malade ; que, par arrêté du 30 janvier 2014, le préfet de la Savoie a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A...sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 15 juillet 2014 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision portant refus de titre de séjour mentionne les motifs de droit et de fait qui la fondent alors que le préfet de la Savoie n'était pas tenu de viser l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que la production d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois n'est pas exigée pour l'obtention d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code ;
4. Considérant qu'il ne ressort pas des termes de la décision de refus de titre de séjour, qui ne vise pas l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne refuse pas un titre de séjour sur ce fondement et qui précise que M. A...a sollicité une régularisation de sa situation à titre humanitaire, que le préfet aurait, ainsi qu'il le soutient, refusé un titre de séjour au requérant sur le fondement de l'article L. 313-10 de ce code ;
5. Considérant que pour refuser un titre de séjour à M. A...mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Savoie s'est fondé sur les motifs tenant à ce que M. A...ne justifie pas être entré en qualité de salarié et sous couvert du visa d'une durée supérieure à trois mois prévu par l'article L. 311-7 de ce code, à ce qu'il présente une promesse d'embauche en qualité de palefrenier soigneur soit pour un métier qui ne figure pas dans la liste des métiers sous tension fixée par arrêté du 18 janvier 2008, à ce que n'ayant jamais travaillé en France, il ne démontre pas la réalité et la durée de son activité professionnelle antérieure et à ce qu'il ne fait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ;
6. Considérant qu'en supprimant à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la référence au troisième alinéa de l'article L. 313-10 du même code, le législateur a entendu, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 16 juin 2011, ne plus limiter le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national, alors annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir qu'en lui refusant un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux motifs que la promesse d'embauche qu'il a présentée ne portait pas sur métier figurant sur la liste des métiers en tension et qu'il ne justifie pas d'un visa de long séjour, le préfet de la Savoie a entaché sa décision d'erreurs de droit ; que, toutefois, pour refuser à M. A...le titre de séjour sollicité, le préfet de la Savoie s'est également fondé sur les motifs tirés de ce que n'ayant jamais travaillé en France, il ne démontre pas la réalité et la durée de son activité professionnelle antérieure et de ce qu'il ne fait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; que si M. A...fait valoir que la décision en cause comporte une erreur de fait en indiquant qu'il n'a jamais travaillé en France, les éléments qu'il produit au dossier, n'établissent qu'il n'a travaillé que d'octobre 2013 à janvier 2014, soit sur une très courte période ; qu'il résulte de l'instruction que, pour ces seuls derniers motifs le préfet de la Savoie pouvait légalement rejeter sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que, selon ses déclarations, M. A...ne résidait en France, avec son épouse et leurs deux enfants, que depuis moins de quatre ans à la date de la décision lui refusant un titre de séjour ; que s'il fait valoir que le tribunal administratif a annulé le refus de séjour opposé à son épouse en qualité d'étrangère malade, cette annulation a été motivée par le défaut de production de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé or il résulte de cet avis, établi le 10 décembre 2013 et produit au dossier, que si l'état de santé de Mme E...épouse A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et peut voyager en avion ; qu'il n'est pas établi par la seule production du certificat médical du 25 février 2014 joint au dossier, qu'un retour de Mme A...aggraverait ses troubles dès lors qu'aucune pièce du dossier ne vient établir que les troubles dont elle souffre trouveraient leur origine dans des évènements traumatiques qu'elle aurait subis en Albanie ; que, dans ces conditions, la décision refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour n'a pas, compte tenu notamment de la durée et des conditions de son séjour, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs de cette mesure ; qu'il n'est, dès lors, fondé à soutenir ni que cette décision a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;
11. Considérant que le refus de titre de séjour opposé à M. A...n'a ni pour objet ni pour effet de le séparer de ses enfants mineurs ; que, par ailleurs, il n'est pas établi que ces derniers ne pourraient poursuivre leur scolarisation en Albanie ; que, dès lors, la décision litigieuse n'a pas été prise en méconnaissance de leur intérêt supérieur et des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que M. A... s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
13. Considérant qu'il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
14. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;
15. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français faite à M. A...ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus en ce qui concerne la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour alors, qu'en outre, il n'est pas établi que M. et Mme A...ne pourraient poursuivre, avec leurs enfants, leur vie familiale en Albanie ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au Préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
MmeTerrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2016.
''
''
''
''
2
N° 14LY02664