2°) d'annuler les décisions du 15 juin 2018, par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C... B... soutient que :
- son identité et sa nationalité sont établies, d'autant plus en cause d'appel après production de documents légalisés par l'ambassade de France et de son attestation de passeport biométrique ; la décision litigieuse est donc entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit, notamment quant au pays de destination puisqu'elle est originaire de la République démocratique du Congo et non d'Angola ; elle n'a pu produire immédiatement ces documents, compte tenu du temps nécessaire pour obtenir leur légalisation ;
- le tribunal administratif ne pouvait neutraliser d'office ces illégalités ; ce faisant il a méconnu le principe de contradictoire et des droits de la défense ;
- sa vie privée et familiale est sur le territoire français ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour et méconnait sa vie privée et familiale ;
- elle ne peut être éloignée à destination de l'Angola, pays dont elle ne possède pas la nationalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2019, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens de la requérante ne sont pas fondés ;
- Mme C...B...n'ayant pas produit les actes légalisés au jour de sa décision, il y a eu fraude à l'identité et sa véritable identité n'est pas établie ;
- aucune atteinte à la vie privée et familiale n'est caractérisée ;
- il n'a commis aucune erreur de droit en fixant l'Angola comme pays de destination dès lors qu'il a également mentionné qu'elle pourrait être reconduite d'office à destination de tout autre pays où elle serait légalement admissible.
La demande de Mme C...B...présentée au titre de l'aide juridictionnelle est devenue caduque le 31 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger entré en vigueur le 1er janvier 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... a demandé, le 17 octobre 2017, un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du préfet de la Côte-d'Or du 15 juin 2018, l'obligeant, en outre, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant l'Angola comme pays de destination de cette mesure. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :
2. Pour prendre la décision de refus de titre de séjour litigieuse à l'encontre Mme C... B..., le préfet de la Côte-d'Or a d'abord considéré qu'il était établi que l'intéressée possédait la nationalité congolaise du fait qu'elle disposait d'un passeport délivré par la République démocratique du Congo. Puis, il a considéré que le passeport congolais et l'acte de naissance congolais qu'elle a fourni à l'appui de sa demande de titre de séjour étaient des faux, au motif que les informations recueillies dans le cadre de la consultation de l'application " Visabio " faisaient apparaitre qu'elle était de nationalité angolaise. Il en a déduit que, sa véritable identité n'étant pas établie, elle ne pouvait se prévaloir de liens familiaux avec Mme G..., de nationalité française, qu'elle présente comme sa tante, et avec MM. C... B... etE... D..., qu'elle présente comme ses deux frères et sa soeur. Il a ensuite examiné l'existence de liens en Angola et considéré qu'y résident ses parents et ses deux frères. Il en a déduit que le refus de titre de séjour qu'il lui opposait ne portait pas d'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Il a par ailleurs fixé l'Angola comme pays de destination de la mesure d'éloignement prononcée.
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger entré en vigueur le 1er janvier 2016 : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. "
4. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.
5. Si la consultation de l'application " Visabio " a fait apparaitre des informations entrant en contradiction avec les documents produits par Mme C...B..., qui révèlent en réalité l'utilisation d'un faux passeport pour obtenir la délivrance d'un visa, Mme C... B... produit en appel un acte de naissance congolais ainsi que sa copie intégrale et un jugement supplétif d'acte de naissance du 4 septembre 2017, ainsi qu'un certificat de non-appel à son encontre, tous légalisés tant par les autorités de République démocratique du Congo que par les autorités françaises. Elle produit également une attestation de demande de passeport congolais biométrique, certifiant que les informations qu'il contient, à savoir la date et le lieu de naissance de l'intéressée, figureront dans le passeport biométrique. Il ressort ainsi des pièces du dossier que Mme F...C...B...est née le 29 juillet 1997 à Kinshasa, en République démocratique du Congo, pays dont elle possède la nationalité. Il suit de là que la décision litigieuse, laquelle comprend au demeurant une contradiction de motifs en ce qu'elle admet la nationalité congolaise de la requérante puis lui attribue une nationalité angolaise, est entachée d'erreur de fait.
6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
7. Dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... B... disposerait encore de liens familiaux en République démocratique du Congo ou en Angola, où il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier qu'elle serait légalement admissible bien que sa famille y ait séjourné un temps, et alors qu'elle dispose en France d'une tante ayant obtenu le statut de réfugié puis la nationalité française, avec laquelle elle a vécu depuis 2014 et qui héberge ses deux frères et sa soeur, confiés à son autorité pour les deux enfants encore mineurs, cette décision porte également une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme C...B...et méconnait ainsi le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C...B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Le présent arrêt annule la décision de refus de titre de séjour opposée à Mme C... B... au motif qu'elle méconnait son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il y a lieu, en conséquence, en vertu des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à Mme C... B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Clemang, avocat de Mme C...B..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Clemang renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : Les décisions du 15 juin 2018, par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de délivrer à Mme C... B... un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulées, de même que le jugement du tribunal administratif de Dijon du 28 août 2018.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à Mme C... B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Clemang au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Clemang renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au préfet de la Côte-d'Or, au ministre de l'intérieur et à Me Clemang. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 16 juillet 2019.
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N° 18LY04402
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