Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 février et 3 avril 2018, M.B..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2017 par lequel le préfet de la Drôme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet, si l'arrêté contesté est annulé pour un motif de forme, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, si l'arrêté est annulé pour un motif de fond, de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre n'a pas a été pris à l'issue d'un examen préalable et sérieux de sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de délivrance de titre de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Alfonsi, rapporteur ;
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant tunisien né le 24 octobre 1991, est entré en France selon ses déclarations en 2011. Il a sollicité, le 2 février 2016, un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français. Le préfet de la Drôme a pris à son encontre un arrêté du 10 octobre 2017, refusant de lui octroyer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. M. B...relève appel du jugement du 28 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Il ne ressort pas des termes de la décision contestée que le préfet aurait omis de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de M.B... avant de statuer sur sa demande de titre de séjour.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L.313-2 soit exigé ".
4. M. B...est père d'une enfant de nationalité française, née le 19 juillet 2015, qu'il a reconnue le 11 décembre 2015. Il est séparé de la mère de son enfant, selon ses déclarations contradictoires dans ses écritures, depuis le mois de janvier ou de mai 2016. En se bornant à produire des attestations peu circonstanciées d'un commerçant de son quartier ou de proches, des factures d'achat de lait, de vêtements et de jouets, il n'établit pas de façon suffisamment probante le caractère effectif de sa contribution financière à l'entretien de l'enfant et son implication dans son éducation. Dans ces conditions, et alors, en outre, qu'il ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, postérieure à la décision attaquée, qu'il a saisi le juge aux affaires familiales le 4 décembre 2017 en vue de se voir reconnaître l'exercice de l'autorité parentale sur cet enfant, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Drôme a, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou commis une erreur manifeste d'appréciation.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. B...ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française, depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. M.B... fait valoir qu'il réside en France depuis 2012, sans le justifier, comme le relève le préfet dans la décision en litige. Il ne démontre pas être dépourvu de liens dans son pays d'origine où résident, selon ses propres déclarations, ses parents et ses trois frères. Dans ces conditions, M. B...n'est fondé à soutenir ni que la décision en litige a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ni, pour les mêmes motifs, qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. B...ne démontre pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans ni ne justifie de l'intensité des liens qu'il aurait noués avec celle-ci à la date de la décision contestée. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que l'intérêt supérieur de son enfant n'aurait pas été suffisamment pris en compte.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M.B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M.B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme E...C..., première conseillère.
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 janvier 2019.
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N° 18LY00428