2°) de condamner la commune de Courtenay à leur verser la somme de 101 000 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 24 juillet 2013 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Courtenay la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune ne peut revendiquer le bénéfice de la prescription quadriennale dès lors que seul le maire aurait pu prendre une décision opposant cette prescription ; le délai de la prescription court à compter du dépôt du rapport d'expertise établissant clairement la cause des dommages ;
- il est incontestable que la perte de constructibilité de la parcelle est imputable à la défectuosité de l'ouvrage de collecte des eaux ;
- le lien de causalité est établi et la vulnérabilité ou la fragilité de l'immeuble ne peut, ainsi que l'a jugé le tribunal, être prise en considération pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage ;
- aucune faute ne peut leur être imputée dès lors que la commune n'a proposé que des solutions minimalistes et inadaptées pour résorber les désordres ;
- la distance réglementaire de 50 mètres imposée entre le bâtiment d'élevage et les habitations doit être décomptée à partir de l'angle de la stabulation qui se situe à l'arrière de la remise ; les parcelles AM 313 et AM 315 sont à plus de 50 mètres du seul bâtiment d'élevage encore présent à proximité ; les anciens bâtiments d'élevage ne doivent pas être pris en compte pour l'application des règles de distance ;
- il ne leur appartient pas de prendre à leur charge les travaux de reconfiguration d'un système de collecte des eaux pluviales mis en place par la commune et impropre à sa destination ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation quant à l'évaluation des préjudices subis en retenant la somme de 10 000 euros ; la majeure partie du tènement pour un usage d'habitation est constructible ; si l'expertise hydraulique réalisée en 2008 indique que les écoulements d'eau n'apparaissent sur les parcelles AM 313 et AM 315 que sur une largeur limitée de 1 m à 1, 5 m, cette même expertise fait état de ce que les écoulements d'eau sont beaucoup plus étendus sur les parcelles AM 133 et AM 134 ; l'ensemble du tènement se situe en zone NB du POS ; en conséquence, la perte de constructibilité affecte une surface beaucoup plus importante que ce qu'a retenu le tribunal ; la valeur agronomique des parcelles se trouve largement atteinte par cette situation ; la somme allouée par le tribunal est inférieure au coût minimal des travaux tel qu'estimé par M. D...dans son rapport d'expertise ;
Par des mémoires, enregistrés le 31 janvier, le 18 mars et le 11 avril 2019, la commune de Courtenay, représentée par MeE..., conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble et au rejet des demandes présentées par les époux I...devant le tribunal administratif de Grenoble et, à titre subsidiaire, à ce que la somme à laquelle elle a été condamnée soit ramenée à de plus justes proportions et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des époux I...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'action des époux I...est prescrite ; aucun texte ne prévoit que le délai de prescription peut être considéré comme suspendu du seul fait d'une attitude d'une personne publique ; le fait générateur des préjudices remonterait à la date d'acquisition de leur terrain puisque le ruissellement occasionnel apparaissant sur leurs parcelles existe de temps immémorial ; le délai de prescription était expiré depuis le 23 décembre 1973 soit quatre ans après la date d'acquisition des parcelles ; les époux I...avaient connaissance du ruissellement pluvial sur leur terrain dès la date d'acquisition des parcelles ; aucun échange n'a eu lieu concernant ce ruissellement pluvial dans le délai de quatre ans à compter de la date d'acquisition ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que la perte de constructibilité du terrain des époux I...résultant de l'application de la règle de réciprocité prévue par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ne pouvait être prise en compte pour déterminer le lien de causalité entre les préjudices allégués et le fonctionnement défectueux de l'ouvrage public ; le lien entre le dommage subi, à savoir le refus de permis de construire et le caractère inconstructible du terrain, et le fonctionnement de l'ouvrage de traitement des effluents pluviaux du réseau public est inexistant dès lors que le refus de permis de construire n'est pas directement lié au caractère inondable du terrain mais repose principalement sur la distance d'éloignement entre la construction projetée et les bâtiments agricoles ;
- sur le préjudice allégué tiré de l'inconstructibilité du terrain, le terrain s'avère inconstructible du fait de sa proximité avec des bâtiments agricoles ; le terrain faisait partie d'une propriété plus grande affectée à l'agriculture et se situe à proximité immédiate d'une annexe à un bâtiment agricole soumise au règlement sanitaire départemental imposant une distance d'éloignement de 50 mètres pour l'implantation d'habitations destinées à des tiers de sorte que les époux I...ne peuvent construire aucun bâtiment sur leur terrain ; le bâtiment implanté à l'angle de la parcelle n° 55 implique le respect d'une distance d'éloignement de 50 mètres pour l'implantation d'habitations et se situe à une distance de moins de 50 mètres du projet d'implantation décrit dans la demande de permis de construire ; par suite, les époux I...ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice lié à une contrainte dans le choix d'implantation d'une construction ;
- le rapport d'expertise fait apparaître le caractère limité des désordres allégués ; il est établi que le ruissellement d'eaux pluviales n'existe que sur une bande de terrain d'une largeur ne dépassant pas 1 à 1, 5 m située en limite de propriété de sorte que ce prétendu désordre n'entraîne pas de contrainte dans le choix d'implantation d'une construction ;
- le simple fait que le terrain soit inconstructible ne démontre pas le caractère anormal et spécial du préjudice dès lors que les communes n'ont aucune obligation de rendre constructible une terrain soumis à des risques d'inondation ; la constructibilité de la zone NB du plan d'occupation des sols (POS) de la commune est conditionnée par le fait que la construction n'implique pas la réalisation d'équipements publics nouveaux ; le POS prévoit que, dans cette zone, les aménagements relatifs aux eaux pluviales sont à la charge du propriétaire de la parcelle ;
- le terrain en cause est soumis à l'aléa " ruissellement " indépendamment des aménagements relatifs aux eaux pluviales ainsi qu'en atteste le rapport de présentation de la carte des aléas naturels ;
- les époux I...n'ont pas démontré en première instance la réalité du trouble de jouissance dès lors que des animaux ont toujours été présents sur ce terrain depuis son acquisition ; elle fait son possible pour réduire le prétendu ruissellement pluvial en réalisant des travaux consistant en la mise en place d'un " by-pass " détournant les eaux au nord du hameau et en un détournement des eaux de la fontaine et de la rase de la RD 140a. hors de l'assiette des consortsI... ;
- les époux connaissaient le phénomène de ruissellement des eaux pluviales et ont acquis leur terrain en connaissance de cause ;
- les époux ont commis des fautes en refusant systématiquement toute autorisation à la commune pour la réalisation des travaux d'entretien et de réfection du drain et du bac de décantation ainsi que toutes les solutions techniques proposées par la commune ;
- l'évaluation du prix du terrain appartenant aux époux I...réalisée par un expert privé a été effectuée dans le cadre d'une potentielle constructibilité du terrain et abstraction faite des motifs retenus par le maire pour refuser la délivrance d'un permis de construire ; cette évaluation n'a pas été réalisée au contradictoire de la commune et ne peut être prise en compte pour l'évaluation des préjudices.
Le mémoire, enregistré le 3 mai 2019, présenté par M. et Mme I...n'a pas été communiqué.
II - Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017 sous le n° 17LY04033, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 31 janvier, le 18 mars et le 11 avril 2019, la commune de Courtenay, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble et de rejeter les demandes présentées par les époux I...devant le tribunal administratif de Grenoble ;
2°) à titre subsidiaire, de ramener la condamnation prononcée à son encontre à de plus justes proportions ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme I...la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'action des époux I...est prescrite ; aucun texte ne prévoit que le délai de prescription peut être considéré comme suspendu du seul fait d'une attitude d'une personne publique ; le fait générateur des préjudices remonterait à la date d'acquisition de leur terrain puisque le ruissellement occasionnel apparaissant sur leurs parcelles existe de temps immémorial ; le délai de prescription était expiré depuis le 23 décembre 1973 soit quatre ans après la date d'acquisition des parcelles ; les époux I...avaient connaissance du ruissellement pluvial sur leur terrain dès la date d'acquisition des parcelles ; aucun échange n'a eu lieu concernant ce ruissellement pluvial dans le délai de quatre ans à compter de la date d'acquisition ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que la perte de constructibilité du terrain des époux I...résultant de l'application de la règle de réciprocité prévue par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ne pouvait être prise en compte pour déterminer le lien de causalité entre les préjudices allégués et le fonctionnement défectueux de l'ouvrage public ; le lien entre le dommage subi, à savoir le refus de permis de construire et le caractère inconstructible du terrain, et le fonctionnement de l'ouvrage de traitement des effluents pluviaux du réseau public est inexistant dès lors que le refus de permis de construire n'est pas directement lié au caractère inondable du terrain mais repose principalement sur la distance d'éloignement entre la construction projetée et les bâtiments agricoles ;
- sur le préjudice allégué tiré de l'inconstructibilité du terrain, le terrain s'avère inconstructible du fait de sa proximité avec des bâtiments agricoles ; le terrain faisait partie d'une propriété plus grande affectée à l'agriculture et se situe à proximité immédiate d'une annexe à un bâtiment agricole soumise au règlement sanitaire départemental imposant une distance d'éloignement de 50 mètres pour l'implantation d'habitations destinées à des tiers de sorte que les époux I...ne peuvent construire aucun bâtiment sur leur terrain ; le bâtiment implanté à l'angle de la parcelle n° 55 implique le respect d'une distance d'éloignement de 50 mètres pour l'implantation d'habitations et se situe à une distance de moins de 50 mètres du projet d'implantation décrit dans la demande de permis de construire ; par suite, les époux I...ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice lié à une contrainte dans le choix d'implantation d'une construction ;
- le rapport d'expertise fait apparaître le caractère limité des désordres allégués ; il est établi que le ruissellement d'eaux pluviales n'existe que sur une bande de terrain d'une largeur ne dépassant pas 1 à 1,5 m située en limite de propriété de sorte que ce prétendu désordre n'entraîne pas de contrainte dans le choix d'implantation d'une construction ;
- le simple fait que le terrain soit inconstructible ne démontre pas le caractère anormal et spécial du préjudice dès lors que les communes n'ont aucune obligation de rendre constructible une terrain soumis à des risques d'inondation ; la constructibilité de la zone NB du POS de la commune est conditionnée par le fait que la construction n'implique pas la réalisation d'équipements publics nouveaux ; le POS prévoit que, dans cette zone, les aménagements relatifs aux eaux pluviales sont à la charge du propriétaire de la parcelle ;
- le terrain en cause est soumis à l'aléa " ruissellement " indépendamment des aménagements relatifs aux eaux pluviales ainsi qu'en atteste le rapport de présentation de la carte des aléas naturels ;
- les époux I...n'ont pas démontré en première instance la réalité du trouble de jouissance dès lors que des animaux ont toujours été présents sur ce terrain depuis son acquisition ; elle fait son possible pour réduire à néant le prétendu ruissellement pluvial en réalisant des travaux consistant en la mise en place d'un " by-pass " détournant les eaux au nord du hameau et en un détournement des eaux de la fontaine et de la rase de la RD 140a. hors de l'assiette des consortsI... ;
- les époux connaissaient le phénomène de ruissellement des eaux pluviales et ont acquis leur terrain en connaissance de cause ;
- les époux ont commis des fautes en refusant systématiquement toute autorisation à la commune pour la réalisation des travaux d'entretien et de réfection du drain et du bac de décantation ainsi que toutes les solutions techniques proposées par la commune ;
- l'évaluation du prix du terrain des époux I...réalisée par un expert privé a été effectuée dans le cadre d'une potentielle constructibilité du terrain et abstraction faite des motifs retenus par le maire pour refuser la délivrance d'un permis de construire ; cette évaluation n'a pas été réalisée au contradictoire de la commune et ne peut être prise en compte pour l'évaluation des préjudices.
Par des mémoires, enregistrés le 19 décembre 2018, le 21 février et le 4 avril 2019, M. et MmeI..., représentés par MeB..., concluent, à titre principal au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 21 septembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a que partiellement fait droit à leur demande et de condamner la commune de Courtenay à leur verser la somme de 101 000 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 24 juillet 2013, en réparation des préjudices subis et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Courtenay en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune ne peut revendiquer le bénéfice de la prescription quadriennale dès lors que seul le maire aurait pu prendre une décision opposant cette prescription ; le délai de la prescription court à compter du dépôt du rapport d'expertise établissant clairement la cause des dommages ;
- il est incontestable que la perte de constructibilité de la parcelle est imputable à la défectuosité de l'ouvrage de collecte des eaux ;
- le lien de causalité est établi et la vulnérabilité ou la fragilité de l'immeuble ne peut, ainsi que l'a jugé le tribunal, être prise en considération pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage ;
- aucune faute ne peut leur être imputée dès lors la commune n'a proposé que des solutions minimalistes et inadaptées pour résorber les désordres ;
- la distance réglementaire de 50 mètres imposée entre le bâtiment d'élevage et les habitations doit être décomptée à partir de l'angle de la stabulation qui se situe à l'arrière de la remise ; les parcelles AM 313 et AM 315 sont à plus de 50 mètres du seul bâtiment d'élevage encore présent à proximité ; les anciens bâtiments d'élevage ne doivent pas être pris en compte pour l'application des règles de distance ;
- il ne leur appartient pas de prendre à leur charge les travaux de reconfiguration d'un système de collecte des eaux pluviales mis en place par la commune et impropre à sa destination ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation quant à l'évaluation des préjudices subis en retenant la somme de 10 000 euros ; la majeure partie du tènement pour un usage d'habitation est constructible ; si l'expertise hydraulique réalisée en 2008 indique que les écoulements d'eau n'apparaissent sur les parcelles AM 313 et AM 315 que sur une largeur limitée de 1 m à 1, 5 m, cette même expertise fait état de ce que les écoulements d'eau sont beaucoup plus étendus sur les parcelles AM 133 et AM 134 ; l'ensemble du tènement se situe en zone NB du POS ; en conséquence, la perte de constructibilité affecte une surface beaucoup plus importante que ce qu'a retenu le tribunal ; la valeur agronomique des parcelles se trouve largement atteinte par cette situation ; la somme allouée par le tribunal est inférieure au coût minimal des travaux tel qu'estimé par M. D...dans son rapport d'expertise ;
Le mémoire, enregistré le 3 mai 2019, présenté par M. et Mme I...n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Terrade, rapporteur public,
- et les observations de MeF..., représentant M. et MmeI..., de Me C..., représentant la commune de Courtenay et de M. G...maire la commune de Courtenay.
Une note en délibéré présentée par la commune de Courtenay a été enregistrée le 6 juin 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées, présentées par M. et Mme I...d'une part, par la commune de Courtenay d'autre part, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. Les époux I...sont propriétaires depuis 1969 des parcelles cadastrées section AM n° 136, 313, 314, 315 et 133 sur le territoire de la commune de Courtenay (département de l'Isère) au lieudit " Le Brocquet ". A une date antérieure à cette acquisition, un réseau d'assainissement unitaire communal a été mis en place sous la route départementale 140a, ce collecteur aboutissant dans un bac de décantation implanté sur la parcelle AM 315. En 1979, des travaux de réfection et d'agrandissement du champ d'épandage ont été entrepris, les eaux pluviales ayant été maintenues dans l'ancien collecteur unitaire. En 2000, les eaux usées ont été déviées et reliées au tout à l'égout. Estimant que, depuis la réalisation de ces travaux, les eaux pluviales provenant des fonds supérieurs sont canalisées vers le bac de décantation, ce qui a pour effet d'inonder la parcelle AM 315 et les parcelles adjacentes et de les rendre inconstructibles, les époux I...ont confié au cabinet HTV la réalisation d'une étude hydraulique afin de " se rendre compte de l'origine et de la nature du rejet, d'établir la constructibilité de la zone et si nécessaire d'établir les pistes d'aménagement des eaux pluviales ". Le rapport de ce cabinet a été remis aux époux I...en avril 2008. Le 24 juillet 2013, ils ont sollicité du tribunal administratif de Grenoble la désignation d'un expert aux fins de déterminer les causes, l'étendue et la nature des désordres ainsi que les mesures permettant d'y mettre fin. Par ordonnance du 19 décembre 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné M. D...en qualité d'expert. Celui-ci a remis son rapport le 4 septembre 2014. Les époux I...et la commune de Courtenay relèvent appel, par deux requêtes distinctes, du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Courtenay à verser à M. et Mme I... une somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2015.
Sur l'exception de prescription quadriennale :
3. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 3 de la même loi, " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".
4. Il résulte des dispositions de la loi du 31 décembre 1968 que l'administration ne peut renoncer à opposer la prescription, sauf à en relever le créancier selon la procédure ou pour les motifs qu'elles prévoient. Ces dispositions ne déterminent pas l'autorité ayant qualité pour l'opposer ni ne régissent les formes dans lesquelles cette autorité peut l'invoquer devant la juridiction du premier degré. Ni ces dispositions, ni aucun élément tenant à la nature de la prescription ne font obstacle à ce que celle-ci soit opposée par une personne ayant reçu de l'autorité compétente une délégation ou un mandat à cette fin. En particulier, l'avocat, à qui l'administration a donné mandat pour la représenter en justice et qui, à ce titre, est habilité à opposer pour la défense des intérêts de cette dernière toute fin de non-recevoir et toute exception, doit être regardé comme ayant été également mandaté pour opposer l'exception de prescription aux conclusions du requérant tendant à la condamnation de cette administration à l'indemniser. Par suite, M. et Mme I...ne peuvent faire valoir que seul le maire de la commune de Courtenay aurait pu prendre une décision opposant la prescription quadriennale.
5. La commune de Courtenay entend opposer la prescription quadriennale à compter de la date d'acquisition des parcelles cadastrées section AM n° 136, 313, 314, 315 et 133 par les époux I...en 1969. Il n'est pas contesté que le système initial d'assainissement fonctionnait correctement et était suffisamment dimensionné pour recevoir les eaux collectées, selon l'expertise hydraulique réalisée en avril 2008, sans occasionner de gêne pour son propriétaire. Cependant, il résulte de ce même rapport d'expertise hydraulique, qui n'est pas sérieusement contesté sur ce point, que depuis les travaux d'assainissement entrepris en 2000 et les divers travaux de voirie améliorant la collecte des eaux pluviales, le réseau de drains n'est plus suffisamment dimensionné pour permettre d'absorber la totalité des eaux pluviales collectées en provenance des fonds supérieurs. Dès lors, la commune ne peut se prévaloir de la prescription quadriennale à compter de la date d'acquisition des parcelles en 1969 en arguant de la préexistence d'un collecteur sur ces parcelles et ce alors que le système d'assainissement mis en place et les travaux de voirie améliorant la collecte des eaux pluviales ont modifié sensiblement, à compter de 2000, les conditions d'évacuation des eaux pluviales.
Sur la responsabilité de la commune de Courtenay :
6. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise hydraulique qu'à la suite des travaux d'assainissement, " à l'occasion de pluviométrie importante, le réseau de drain n'est pas en mesure d'absorber la trop grande quantité d'eaux pluviales qui lui sont imposées alors le bac répartiteur déborde sur la parcelle AM 315. S'en suit un ruissellement sur la parcelle AM 315 puis à travers les parcelles AM 313, 134 et 133. (...) Aujourd'hui, le réseau de drain initialement prévu pour les eaux usées n'est pas suffisant pour absorber toutes les eaux pluviales. En effet, son dimensionnement n'a initialement pas été conçu pour recevoir des eaux pluviales ". Ces constatations sont également partagées par M.D..., expert désigné par ordonnance du 19 décembre 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, qui souligne que " ce sont bien les ouvrages publics d'assainissement d'évacuation des eaux pluviales qui sont à l'origine des dommages allégués, l'inondation des parcelles ". Si la carte des aléas sur la commune de Courtenay fait état de ce qu'une partie des eaux pluviales qui ont suivi la route du village se répand aussi sur un pré situé dans l'angle sud-ouest du croisement, cette circonstance ne saurait remettre en cause le lien de causalité entre le sous-dimensionnement et le caractère inadapté du réseau de collecte des eaux pluviales et les dommages subis par les épouxI.... Par suite, l'insuffisance et l'inadaptation du réseau communal de collecte des eaux pluviales doivent être regardées comme étant la cause du ruissellement des eaux pluviales sur la parcelle AM 315 puis à travers les parcelles AM 134 et 133.
8. La commune de Courtenay fait encore valoir que le lien entre le dommage subi résultant du caractère inconstructible du terrain et le fonctionnement de l'ouvrage n'est pas établi dès lors que le refus de délivrance du permis de construire sollicité le 21 avril 2007 n'est pas lié au caractère inondable du terrain mais repose principalement sur la distance d'éloignement entre la construction projetée et les bâtiments agricoles. Les époux I...objectent que les parcelles litigieuses sont à plus de 50 mètres du seul bâtiment d'élevage encore présent. Les époux I...ne fondant pas leur demande indemnitaire sur la responsabilité de la commune du fait de l'illégalité fautive dont serait entaché le refus du maire de délivrer le permis de construire qu'ils sollicitaient, il n'appartient en tout état de cause pas à la cour de se prononcer sur le bien-fondé du motif résultant de l'application de la règle de réciprocité prévue par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime opposé aux époux I...dans la décision du 14 juin 2007 portant refus de permis de construire. Il est constant que le terrain, dans sa partie située au-delà du respect de la règle de distance minimale d'éloignement, est soumis à un ruissellement des eaux pluviales résultant de l'insuffisance et de l'inadaptation du réseau communal de collecte des eaux pluviales. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la perte de constructibilité et de valeur du terrain en lien avec le fonctionnement de l'ouvrage public est susceptible d'engager la responsabilité de la commune en tant que cette perte affecte la partie du tènement se situant au-delà des règles de distance de recul prévues par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et que cette partie se trouve effectivement affectée par le ruissellement d'eaux pluviales.
9. Il résulte ce qui a été dit au point 7 que les dommages subis par les épouxI..., qui ont la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public constitué par le réseau de collecte et d'évacuation des eaux pluviales, ne sont pas liés à l'existence même ni au fonctionnement ou à l'entretien normal de cet ouvrage. En conséquence, ils présentent le caractère non d'un dommage permanent mais d'un dommage accidentel de travaux publics. Par suite, les épouxI..., qui n'ont pas à établir le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent, sont fondés à rechercher la responsabilité de la commune de Courtenay en raison des conséquences dommageables de ces ruissellements.
10. Si la commune soutient que les époux I...connaissaient le phénomène de ruissellement des eaux pluviales lorsqu'il ont acquis leur terrain en 1969, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 5, que le système initial d'assainissement fonctionnait correctement et était suffisamment dimensionné pour recevoir les eaux collectées, sans occasionner de gêne pour son propriétaire et que ce n'est qu'à la suite des travaux d'assainissement entrepris en 2000 et des divers travaux de voirie améliorant la collecte des eaux pluviales que le réseau de collecte des eaux pluviales est devenu inadapté pour recueillir la totalité des eaux pluviales provenant des fonds supérieurs et ce alors, selon l'analyse réalisée en 2001 par les services de la direction départementale de l'équipement de l'Isère, que " les terrains litigieux sont peu perméables et inaptes à constituer un ouvrage d'infiltration ". Par suite, les époux I...ne peuvent être regardés comme ayant accepté le risque lié à la présence et au fonctionnement de l'ouvrage public litigieux. La commune de Courtenay ne saurait en conséquence voir sa responsabilité exonérée ou atténuée de ce fait.
11. Si la commune fait encore valoir que les époux I...ont adopté un comportement fautif en refusant systématiquement toute autorisation pour la réalisation des travaux d'entretien et de réfection du drain et du bac de décantation et en rejetant toutes les solutions techniques qu'elle a pu proposer, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise réalisé par M.D..., que " la proposition de la commune de détourner certains apports et d'alléger ainsi le réseau peut diminuer la fréquence des débordements mais ne peut pas les empêcher sauf à démontrer par une étude hydraulique détaillée que les surfaces collectées n'amèneraient à l'exutoire du réseau d'eau pluvial qu'un débit de ruissellement très largement inférieur à la capacité d'infiltration du terrain " et que pour régler définitivement le problème il faut soit canaliser l'effluent des eaux pluviales jusqu'au point de rejet situé en aval des terrains Moyne-Bressand soit détourner le réseau public d'assainissement pluvial vers un autre point de la commune à déterminer. Dans ces conditions, et alors que la commune n'établit pas suffisamment que les travaux envisagés permettaient de remédier définitivement au ruissellement des eaux pluviales sur les parcelles litigieuses, le refus des époux I...d'autoriser la commune à effectuer sur son terrain les travaux n'a pas contribué à la survenance ou à la persistance du dommage et ne peut être retenu comme cause exonératoire de la responsabilité de la commune.
12. Il résulte de l'instruction que les terrains litigieux sont classés en zone NB, zone naturelle, du plan local d'urbanisme. Selon le règlement afférent à cette zone, des constructions nouvelles peuvent y être admises " si par leurs situation ou leur importance, les constructions à usage d'habitation n'imposent pas, soit la réalisation par la commune d'équipements publics nouveaux, soit un surcroît important de dépenses de fonctionnement des services publics ". La commune ne peut se prévaloir de ce que la construction d'un bâtiment à usage d'habitation ne pourrait être autorisée dans la mesure où elle imposerait la réalisation d'équipements publics nouveaux consistant dans les travaux préconisés par l'expert pour remédier au phénomène d'écoulement des eaux pluviales sur les parcelles litigieuses, dès lors qu'en l'espèce il s'agit seulement d'assurer le fonctionnement normal du réseau d'évacuation des eaux pluviales.
La commune soutient enfin, sans être contredite, qu'elle a mis fin définitivement au ruissellement des eaux pluviales sur le terrain des époux I...en réalisant, à compter de la fin de l'année 2018, des travaux consistant en la mise en place d'un " by-pass " détournant les eaux au nord du hameau et en une déviation des eaux de la fontaine et de la rase de la RD 140a hors de l'assiette du terrain des consortsI..., ainsi qu'il ressort d'une attestation de son maire en date du 9 janvier 2019. Cependant, il n'en demeure pas moins que les épouxI..., lesquels avaient envisagé d'édifier une construction sur les parcelles en cause, ont subi, de 2000 à la fin de l'année 2018, un préjudice lié à la perte de constructibilité et de valeur du terrain affectant la partie du tènement se situant au-delà des règles de distance applicables.
Sur l'évaluation des préjudices :
13. Les époux I...font valoir que l'écoulement des eaux pluviales le long des parcelles AM 313, AM 315 sur 60 à 70 mètres de long puis, de façon diffuse, sur les parcelles AM 133 et AM 134 induit une perte de constructibilité et une perte de valeur agronomique des terrains qu'ils évaluent à 101 000 euros en se fondant sur une étude réalisée, en octobre 2015, par le cabinet d'expertise Ramuz.
14. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise hydraulique, que la largeur de l'écoulement des eaux pluviales ne dépasse pas 1 m à 1, 5 m sur les parcelles AM 313 et AM 315 mais que les écoulements " se dispersent un peu plus " sur les parcelles AM 133 et AM 134. Ces désordres ont eu pour seul effet, au-delà de la partie du terrain imposant le respect d'une distance de recul prévue par les dispositions de l'article L. 111-3 du code du rural et de la pêche maritime, et pour la période comprise entre 2000 et la fin de l'année 2018, d'imposer une contrainte de constructibilité des tènements en partie supérieure sans pour autant interdire la possibilité d'y édifier une construction. Par ailleurs, les époux I...n'établissent pas que ce ruissellement des eaux pluviales a été la cause d'une perte de valeur agronomique du terrain à l'état de pré. Par suite, c'est par une juste appréciation, qui n'est ni excessive ni sous-évaluée, que le tribunal administratif a fixé à 10 000 euros le montant de l'indemnité réparant le préjudice subi résultant du ruissellement des eaux sur les parcelles litigieuses. C'est également à juste titre qu'il a retenu comme point de départ des intérêts aux taux légal dus sur cette somme le 26 janvier 2015, date d'introduction de la requête au fond et non le 24 juillet 2013, date d'introduction de la requête en référé en vue de la désignation d'un expert.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les époux I...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a limité le montant de la condamnation de la commune de Courtenay à la somme de 10 000 euros. La commune de Courtenay n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à réparer les préjudices subis par les époux I...à hauteur de ce montant.
Sur les frais liés au litige :
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme I...ainsi que la requête de la commune de Courtenay sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... I..., à Mme H... I... et à la commune de Courtenay.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 juillet 2019.
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N° 17LY04026,...