Par une requête enregistrée le 23 mai 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 septembre 2018, M. B..., représenté par la SELARL CDMF-Avocats, affaires publiques, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler la décision du 23 mai 2014 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer une carte professionnelle d'agent immobilier ainsi que la décision du 6 août 2014 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative de réexaminer sa demande et de lui délivrer la carte professionnelle d'agent immobilier, dans les 10 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit en exigeant la production d'un diplôme sanctionnant trois années d'études supérieures compte tenu de ce que pour les étudiants en sciences de gestion, l'arrêté du 24 mars 1971 prévoyait que le deuxième cycle des études était composé, non pas d'une licence et d'une maîtrise, mais de la maîtrise uniquement en deux ans ; pour ces étudiants, aucun diplôme universitaire ne venait sanctionner la troisième année d'études supérieures ;
- le préfet a entaché sa décision d'une discrimination en portant atteinte au principe d'égalité de traitement avec les étudiants des autres cycles juridiques universitaires ; le préfet n'établit pas que les étudiants de sciences de gestion aient acquis moins de savoirs ou d'aptitudes que tout étudiant des autres cycles universitaires ; cette différence de traitement ne répond pas à l'objet de la loi et apparaît disproportionnée en tant qu'elle impose aux étudiants de gestion de justifier d'un cursus d'un tiers plus long que les autres étudiants ; le préfet ne pouvait exiger que la justification de la validation des trois premières années d'étude de gestion ;
- il justifie de la validation de trois années d'études supérieures en sciences de gestion ;
- l'article 11 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 est illégal dès lors qu'il a placé certains étudiants dans une situation différente des autres étudiants dont la troisième année d'étude était sanctionnée par l'obtention d'une licence ; la licence délivrée en droit et en économie équivaut à une validation de la troisième année en sciences de gestion et désormais un étudiant validant sa troisième année se voit délivrer le diplôme de licence ;
- contrairement à ce qu'affirme le préfet, les conditions de diplôme prévues par l'article 11 ne sauraient être compensées par les conditions d'expérience des articles 12, 14 et 15 du décret du 20 juillet 1972 ;
- il ne peut être soutenu que les étudiants de droit, d'économie et de sciences de gestion n'ont pas les mêmes compétences en fin de troisième année alors qu'ils ont les mêmes compétences en fin de quatrième année ;
Par un mémoire enregistré le 1er août 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- sur l'exception d'illégalité de l'article 11 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 : il a souhaité faire un effort particulier en envisageant la compensation de l'année manquante par un examen de l'expérience professionnelle de l'intéressé ; les conditions de diplôme de l'article 11 du décret sont compensées par les conditions d'expérience des articles 12, 14 et 15 du même décret ; il n'existe par suite pas d'inégalité de traitement entre étudiants ; l'article 11 du décret ne méconnaît pas le principe d'égalité de traitement dès lors que deux individus suivant deux cursus d'études supérieures sont dans une situation différente ; l'article 11 du décret créée des conditions de justificatif de diplôme propre à chaque cursus universitaire ; l'exercice des professions de l'immobilier suppose la maîtrise de nombreuses compétences et l'acquisition de ces compétences suppose d'avoir suivi l'ensemble du cursus de maîtrise en sciences de gestion ; la différence de traitement ne peut pas être considérée comme disproportionnée compte tenu des objectifs poursuivis ;
- sur l'illégalité du refus de délivrance de la carte professionnelle : le justificatif d'une inscription régulière en deuxième année de maîtrise ne saurait être considéré comme un diplôme ; l'article 11 du décret créée une différence de traitement quant à la justification des aptitudes professionnelles et est en rapport avec la loi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce ;
- le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce ;
- l'arrêté du 26 mars 1971 portant création de la maitrise de sciences de gestion ;
- l'arrêté du 16 janvier 1976 portant dispositions relatives au deuxième cycle des études universitaires ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me C...substituant MeA..., représentant M.B....
1. Considérant que M. B...a souhaité, après avoir exercé la profession d'agent commercial indépendant, poursuivre son activité en qualité de gérant d'une agence immobilière ; que, le 4 avril 2014, il a sollicité la délivrance d'une carte professionnelle d'agent immobilier en produisant une attestation d'admission au brevet de technicien supérieur " distribution et gestion commerciale " obtenu en 1974 et une attestation d'inscription en 1ere et 2ème année de maîtrise de gestion de l'université des sciences sociales de Grenoble II pour l'année universitaire 1977-1978 ; que, par décision du 23 mai 2014, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande au motif qu'il ne justifiait pas de l'aptitude professionnelle requise par la présentation de l'un des diplômes exigés par le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce ; que, le 2 juin 2014, il a formé un recours gracieux qui a été rejeté le 6 août 2014 ; que M. B...relève appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 mai 2014 et de la décision du 6 août 2014 rejetant son recours gracieux ;
Sur la légalité des décisions contestées :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 11 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce, " Sont regardées comme justifiant de l'aptitude professionnelle requise pour obtenir la carte professionnelle prévue à l'article 1er les personnes qui produisent : 1° Soit un diplôme délivré par l'Etat ou au nom de l'Etat, d'un niveau égal ou supérieur à trois années d'études supérieures après le baccalauréat et sanctionnant des études juridiques, économiques ou commerciales ; 2° Soit un diplôme ou un titre inscrit au répertoire national des certifications professionnelles d'un niveau équivalent (niveau II) et sanctionnant des études de même nature ; 3° Soit le brevet de technicien supérieur professions immobilières ; 4° Soit un diplôme de l'institut d'études économiques et juridiques appliquées à la construction et à l'habitation. " ;
3. Considérant que, par arrêté du 26 mars 1971, a été créée une maitrise de sciences de gestion qui sanctionne une formation sur l'étude des processus de décision et l'application des méthodes de gestion dans différentes organisations ; qu'aux termes de l'article 2 de cet arrêté, " La maîtrise de sciences de gestion sanctionne un deuxième cycle d'études d'une durée de deux années, sous réserve des dispositions prévues à l'article 10 " ;
4. Considérant que M. B...soutient que l'article 11 du décret du 20 juillet 1972 est illégal dès lors qu'il méconnait le principe d'égalité devant la loi en subordonnant la délivrance de la carte professionnelle d'agent immobilier à la détention d'un diplôme d'un niveau égal à trois années d'études supérieures après le baccalauréat alors que, sous l'empire de l'arrêté du 26 mars 1971, la maîtrise de sciences de gestion sanctionnait un deuxième cycle d'études au terme d'une durée de deux années, aucun diplôme universitaire ne venant sanctionner la première année de ce deuxième cycle et donc la troisième année d'études supérieures ;
5. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce qu'une disposition règlementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raison d'intérêt général, à la condition que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet du texte qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la subordination de l'exercice de l'activité d'agent immobilier à la production d'un diplôme délivré par l'Etat ou au nom de l'Etat, d'un niveau égal ou supérieur à trois années d'études supérieures après le baccalauréat est motivée par la nécessité de professionnaliser cette activité en exigeant une qualification supérieure ; que si, sous l'empire de l'arrêté du 26 mars 1971, le diplôme universitaire de maîtrise de sciences de gestion n'était délivré qu'à l'issue d'une période de deux années d'études, cette spécificité, qui a été maintenue par l'article 25 de l'arrêté du 16 janvier 1976 portant dispositions relatives au deuxième cycle des études universitaires, était justifiée par la cohérence globale du cursus de deux années suivi au sein de cette maîtrise qui comportait 1 000 heures d'enseignement, non compris les stages d'une durée minimum de deux mois, les candidats devant justifier, pour s'inscrire en vue de l'obtention de ce diplôme de maîtrise, à la fois d'un diplôme universitaire du premier cycle et d'un certificat préparatoire aux études de gestion ; que la différence de traitement découlant des dispositions de l'article 11 du décret du 20 juillet 1972 entre les personnes pouvant justifier d'une licence ou d'un autre diplôme sanctionnant un niveau égal à trois années d'études supérieures et celles dont le cursus d'études en sciences de gestion ne comportait pas de diplôme entre le diplôme d'études universitaires générales sanctionnant la deuxième année d'études universitaires et la maîtrise obtenue au terme de quatre années d'études supérieures après le baccalauréat est ainsi, eu égard à la différence de contenu des études suivies, en rapport direct avec l'objet du décret du 20 juillet 1972 qui l'établit et n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs qui le justifient ; que, par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la loi ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant que si M. B...fait valoir que le préfet de la Haute-Savoie a commis une erreur de droit en exigeant la production d'un diplôme sanctionnant trois années d'études supérieures après le baccalauréat et ce alors qu'il ne saurait être soutenu que les étudiants en droit, en économie ou en sciences de gestion n'auraient pas les mêmes compétences à l'issue de trois années d'études, il résulte des dispositions précitées de l'article 11 du décret du 20 juillet 1972 que la justification de l'aptitude professionnelle permettant la délivrance d'une carte d'agent immobilier est conditionnée par la détention d'un diplôme délivré par l'Etat ou au nom de l'Etat, d'un niveau égal ou supérieur à trois années d'études supérieures après le baccalauréat ; que M. B... ne justifie pas de l'obtention d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures après le baccalauréat et ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il a validé sa troisième année d'études supérieures pour avoir été admis en deuxième année de maîtrise de sciences de gestion ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Savoie aurait commis une erreur de droit doit être écarté ;
8. Considérant que la circonstance que désormais la licence sanctionne par un diplôme la troisième année d'études supérieures en sciences de gestion est sans incidence sur la légalité des décisions du préfet de la Haute-Savoie ;
9. Considérant que M. B...soutient encore que le préfet aurait entaché ses décisions d'une discrimination ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 janvier 2019.
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N° 17LY02140