Par un jugement n° 1503559 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande présentée par M. B...J..., Mme H...J..., Mme C...J...et la société MAAF assurances ainsi que la demande de la métropole de Lyon tendant à être garantie de toute condamnation prononcée à son encontre par le département du Rhône.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 juin 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 février 2018, M. B...J..., Mme H...J..., Mme C...J...et la société MAAF assurances SA, représentés par MeI..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 avril 2017 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner la métropole de Lyon à leur verser chacun la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du décès de Mme D...J...le 10 novembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier car entaché d'une contradiction de motifs : il retient une faute exclusive de la victime alors que le considérant 4° reconnaît implicitement l'absence d'entretien normal de l'ouvrage dès lors que la métropole a réalisé postérieurement à l'accident des travaux de restructuration de l'accotement ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- il convient de rendre opposable à la MAAF l'arrêt à intervenir ;
- au moment de l'accident, Mme J...était usagère d'un tronçon de route départementale sous compétence du département du Rhône ; l'entretien de la plaque d'évacuation d'eau pluviale, qui a joué un rôle causal dans l'accident, relève également de la compétence du département ; l'endroit précis de l'accident se trouve sur le territoire de la commune de Mions, laquelle est membre de la métropole de Lyon ; en application de l'article L. 3611-1 du code général des collectivités territoriales, depuis le 1er janvier 2015, la métropole de Lyon s'est substituée au département du Rhône et exerce de plein droit les compétences précédemment assurées par ce dernier ; la seule responsabilité de la métropole de Lyon doit donc être recherchée ; la convention entre la métropole de Lyon et le département du Rhône portant transfert de gestion du réseau routier sur les voies limitrophes de la métropole et du département est postérieure à l'introduction de la demande devant le tribunal administratif ; l'accident a eu lieu sur le territoire de la commune de Mions qui est membre de la métropole de Lyon ;
- sur le défaut d'entretien de la voirie : l'absence de trace de freinage démontre qu'il n'y a pu avoir d'autre élément causal dans la perte brutale du contrôle du véhicule que la déclivité non signalée de l'accotement, la chute brutale de l'enrobé vers un accotement herbeux instable et d'un niveau inférieur et l'important trou formé par la présence du regard de récupération d'eaux pluviales, non signalé ; de très nombreux accidents se sont produits à l'endroit de l'accident ; des travaux de stabilisation de l'accotement ainsi que de signalisation du danger ont été réalisés après l'accident ; un témoin de l'accident indique que la route est mal éclairée et mal entretenue ;
- si des travaux de mise en sécurité avaient été réalisés antérieurement à l'accident, ce dernier aurait pu être évité ;
- il n'est pas établi que la victime aurait commis des fautes ;
- le département du Rhône avait des obligations d'entretien résultant des dispositions de l'article L. 131-7 et R. 131-1 du code de la voirie routière ; l'article R. 131-7 du code de la voirie routière impose au gestionnaire du domaine public routier départemental des techniques de chaussée homogènes en matière de déclivité et de rayon des courbes ;
- l'indemnisation du préjudice moral subi par les parents et la soeur de Mme J...sera évaluée à 20 000 euros pour chacun ;
Par un mémoire, enregistré le 22 août 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 6 avril 2018, la métropole de Lyon, représentée par MeF..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que le département du Rhône la garantisse des condamnations prononcées à son encontre et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des consorts J...et de la MAAF assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête présentée par la MAAF est irrecevable dès lors qu'elle ne justifie pas de son intérêt à agir dans la présente instance ;
- le défaut d'entretien de la route RD 151 n'est pas établi dès lors que l'accotement n'est pas destiné à la circulation et il n'est pas établi que la victime aurait dû emprunter cet accotement en raison de circonstances particulières ; la RD 151 mesure 5, 80 mètres de large permettant ainsi aisément le croisement de deux véhicules ; aucun obstacle n'est signalé sur la route ; la route et son accotement ont fait l'objet d'un entretien normal dès lors que la courbe à droite est signalée par un panneau d'annonce de virage à droite et par un marquage au sol ; la pente de l'accotement n'est pas brutale ; aucun accident n'a été signalé à cet endroit ; la signalisation en place le jour de l'accident était suffisante et de nature à permettre aux usagers de l'emprunter en toute sécurité ;
- à la date de l'accident, si l'accotement herbeux était glissant, il appartient à l'usager de la route d'adapter sa vitesse, ce qui ne semble pas avoir été le cas de la victime ; l'accident subi par Mme J...trouve son origine dans son manque d'attention et son imprudence ;
- les requérants ne démontrent pas en quoi le département du Rhône aurait commis une faute dans l'entretien de la RD 151 sur le fondement de l'article R. 131-1 et L. 131-7 du code de la voirie routière ;
- la RD 151 a été transférée, en application de l'article L. 3651-2 du code général des collectivités territoriales, dans le domaine public métropolitain ; ce transfert de propriété a emporté celui des droits et obligations afférents à ce domaine ; la portion de route sur laquelle est survenu l'accident est une voie limitrophe entre la métropole de Lyon et le département du Rhône ; la gestion de la portion de la RD 151 limitrophe entre Saint Pierre de Chandieu et Mions a été confiée au département du Rhône qui est seul responsable de son entretien ;
Par un mémoire, enregistré le 9 novembre 2017, le département du Rhône, représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête et de l'appel en garantie présenté par la métropole de Lyon et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la métropole de Lyon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le raisonnement des requérants quant à l'irrégularité du jugement est erroné dès lors qu'une collectivité peut parfaitement réaliser des travaux sans entraîner la reconnaissance d'un défaut d'entretien ;
- l'article L. 3651-2 du code général des collectivités territoriales organise un transfert global de la voirie départementale ainsi que les droits et obligations y afférents au profit de la métropole ; si les deux collectivités ont passé une convention traitant principalement des voies limitrophes dont l'entretien relève du département, cette convention n'a eu aucun effet sur l'application des dispositions de l'article L. 3651-2 du code général des collectivités territoriales ; cette convention est postérieure à l'accident de MmeJ... ; la métropole de Lyon est seule gestionnaire de la route départementale en cause et l'appel en garantie est ainsi infondé ;
- il n'est pas établi de chute brutale de l'enrobé routier et rien n'indique que l'accotement routier soit extrêmement instable et d'un niveau considérablement inférieur ; la route n'est pas étroite et la grille de récupération des eaux pluviales se situe sur l'accotement dans une zone interdite à la circulation par le code de la route ; en l'absence de danger, aucune obligation de signalisation ne saurait prévaloir ; les requérants n'établissent pas le défaut de conception de l'ouvrage ;
- les circonstances de l'accident démontrent la faute de la victime ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant les consortsJ..., de Me K..., représentant la Métropole de Lyon et de MeA..., représentant le département du Rhône.
1. Considérant que, le 10 novembre 2013, sur le territoire de la commune de Mions (département du Rhône), Mme D...J..., qui circulait en voiture sur la route départementale 151 dite " route de Valencin " dans le sens Mions-Valencin, a perdu le contrôle de son véhicule à la sortie d'un virage hors agglomération et a percuté l'angle d'une maison située le long de cette route ; que M. et MmeJ..., ses parents, Mme C...J..., sa soeur, et la société MAAF assurances relèvent appel du jugement du 4 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la métropole de Lyon à les indemniser des préjudices subis du fait du décès de Mme D...J... survenu lors de cet accident ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, que si les requérants font valoir que le jugement est irrégulier car entaché d'une contradiction de motifs résultant de ce que les premiers juges ont retenu la faute exclusive de la victime dans la survenue de l'accident alors qu'ils ont implicitement reconnu l'absence d'entretien normal de l'ouvrage en admettant que la métropole de Lyon a réalisé postérieurement à l'accident des travaux de restructuration de l'accotement, la contradiction de motifs ainsi alléguée affecte le bien-fondé du jugement et non sa régularité ;
3. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des énonciations du jugement critiqué que les premiers juges, pour retenir que l'accident était exclusivement imputable à la faute de la victime, ont suffisamment motivé leur décision en prenant notamment en compte les circonstances de l'accident, l'état et les caractéristiques de la voie et la présence d'une signalisation du virage ;
Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :
4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun ; qu'il n'en va pas de même des sociétés d'assurance ; que les conclusions tendant à ce que l'arrêt soit déclaré commun à la société MAAF assurances, laquelle au demeurant est partie à l'instance, ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Sur la responsabilité :
5. Considérant que pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge administratif, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur lui, il incombe au maître de l'ouvrage d'établir soit que l'ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ; que, par ailleurs, les accotements des voies publiques ne sont pas normalement destinés à la circulation et l'administration n'est dès lors pas tenue de signaler aux usagers les dangers qu'ils courent en les empruntant, seuls le mauvais état et l'étroitesse de la route ou des circonstances particulières pouvant, à titre exceptionnel, justifier qu'il y soit empiété, avec toutes les précautions utiles ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'enquête de gendarmerie établie le lendemain de l'accident, que le 11 novembre 2013, vers 17h30, au crépuscule, Mme D... J...a perdu le contrôle de son véhicule dans une longue courbe et a mordu sur l'accotement herbeux rendu glissant par les pluies ; que, selon l'enquête préliminaire de la gendarmerie, la perte de contrôle du véhicule a été amplifiée par une légère déclivité de l'accotement et par une grille recouvrant un regard de récupération des eaux pluviales formant un trou et situé en extrémité d'accotement ; qu'il résulte également de l'instruction que la chaussée, qui ne présentait pas de détérioration particulière contrairement aux allégations des requérants qui font état d'une chute brutale de l'enrobé vers l'accotement, était d'une largeur d'environ 5,80 mètres permettant aisément le croisement de deux véhicules et faisait l'objet d'un marquage au sol visible adapté au virage ; que la courbe à droite était signalée par un panneau d'annonce de virage à droite ; qu'il n'est pas contesté qu'aucun véhicule ne venait en sens inverse ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que Mme J...aurait été contrainte d'emprunter cet accotement ; que si la propriétaire de la maison heurtée par le véhicule a indiqué aux gendarmes dans un procès-verbal du 11 novembre 2013 que " l'axe RD 151 a déjà fait l'objet de nombreux accidents, quatre en quinze jours, cinq avec celui d'hier ", elle souligne également que " les automobilistes, sur cette route, roulent particulièrement vite " ; qu'ainsi, et même si aucune signalisation ne mentionnait la présence d'un regard de récupération des eaux pluviales situé sur l'accotement, les circonstances de l'accident révèlent que l'accident dont Mme J...a été victime a pour seule cause la faute de conduite qu'elle a commise et non le défaut d'entretien normal de la voie ;
7. Considérant que la circonstance que la métropole de Lyon aurait fait procéder, postérieurement à la date de l'accident, à la mise en sécurité de la zone, est par elle-même sans influence sur la solution du litige ; qu'à ce titre, les premiers juges ont pu considérer, sans contrariété de motifs, que la responsabilité de la métropole de Lyon ne pouvait être recherchée en raison d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;
8. Considérant que si les requérants invoquent également la carence fautive du président du conseil départemental du Rhône en matière d'obligations d'entretien de la voirie en se fondant sur les dispositions des articles L. 131-7 et R. 131-1 du code de la voirie routière, leur conclusions sont uniquement dirigées contre la métropole de Lyon ; qu'en tout état de cause, ils n'établissent pas que la voie en cause n'aurait pas fait l'objet d'un entretien conforme à celui exigé par les dispositions invoquées ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la requête en tant qu'elle est présentée par la société MAAF, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions d'appel en garantie :
10. Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, les conclusions d'appel en garantie présentées à titre subsidiaire par la métropole de Lyon contre le département du Rhône sont sans objet ;
Sur les frais liés au litige :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole de Lyon, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. et MmeJ..., Mme C...J...et la société MAAF assurances et non compris dans les dépens ;
12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement à la métropole de Lyon de la somme qu'elle réclame au titre de ces mêmes dispositions ; qu'il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole de Lyon le versement au département du Rhône d'une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. B...J..., Mme H...J..., Mme C... J...et la société MAAF assurances SA est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'appel en garantie formées par la métropole de Lyon à l'encontre du département du Rhône.
Article 3 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la métropole de Lyon et le département du Rhône sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme J..., à Mme C...J..., à la société Maaf assurances SA, à la métropole de Lyon et au département du Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 janvier 2019.
2
N° 17LY02316