Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 mai 2014 et 27 juillet 2015, le syndicat de copropriétaires de la résidence Le Crystal, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 mars 2014 ;
2°) d'annuler cette décision de non-opposition tacite du 3 octobre 2012 ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Antibes une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le dossier de déclaration, qui ne comporte pas de plan de masse, coté en 3 dimensions conformément à l'article R. 431-36 b) du code de l'urbanisme, était incomplet ;
- la déclaration adressée à l'Agence Nationale des Fréquences (ANFR), ni à fortiori l'accord de cette agence, n'étaient joints au dossier ;
- le projet méconnaît l'article 5 de la charte de l'environnement, compte tenu de la configuration des lieux et d'une implantation dans un secteur d'urbanisation dense, et ce en méconnaissance du principe de précaution ;
- le projet méconnaît l'article R. 111-2 et l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme ;
- ce projet compte tenu de son défaut d'insertion dans un site inscrit méconnaît l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ;
- le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne s'opposant pas aux travaux litigieux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 octobre 2014 et 31 juillet 2015, la commune d'Antibes conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat de copropriétaires de la résidence Le Crystal une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable pour défaut de qualité à agir du syndicat des copropriétaires de la résidence Le Crystal ;
- les moyens du syndicat requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2015, la société Bouygues Télécom conclut au rejet de la requête et au versement par le syndicat requérant d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable tant pour défaut de qualité à agir de la société Cap Agence, qui déclare représenter le syndicat requérant, que pour défaut d'intérêt à agir des membres du syndicat ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Josset, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,
- et les observations de Me B... représentant la commune d'Antibes.
1. Considérant que le syndicat de copropriétaires de la résidence Le Crystal a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision tacite du maire d'Antibes en date du 3 octobre 2012 de ne pas s'opposer à la réalisation par la société Bouygues Télécom de travaux de création d'un site de radiophonie à implanter sur la toiture terrasse d'un immeuble ; que le syndicat de copropriétaires de la résidence Le Crystal, voisine de cet immeuble, fait appel du jugement du 20 mars 2014 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;
2. Considérant que le projet tend à l'installation, sur le toit-terrasse de l'immeuble de trois antennes radio dissimulées sous deux fausses cheminées, avec un faisceau hertzien d'un diamètre de 30 cm, d'une hauteur de 3,50 m ainsi que les éléments techniques y afférents, composés de coffrets d'une hauteur de 1,80 m et d'armoires techniques d'une hauteur de 1,54 m ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la déclaration comprend (...):/b) un plan de masse coté dans les trois dimensions lorsque le projet a pour effet de créer une construction ou de modifier le volume d'une construction existante (...) " ;
4. Considérant que ce projet, portant sur l'édification d'ouvrages techniques situés sur le toit d'un immeuble, n'en modifie ni l'emprise au sol ni la hauteur, laquelle est régie par les dispositions de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme ; qu'ainsi, c'est bon droit, que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce que le plan de masse joint au dossier de demande de permis de construire n'était pas coté dans les trois dimensions comme inopérant ;
5. Considérant que les articles R. 431-36 et R. 431-37 du code de l'urbanisme fixent de façon limitative les pièces que doit comprendre le dossier joint à la déclaration, au nombre desquelles ne figurent ni la déclaration adressée à l'ANFR ni l'accord de cette Agence ; que le moyen tiré de l'absence au dossier de ces documents doit donc être écarté ;
6. Considérant que, comme l'admet le syndicat requérant, l'avis de l'architecte des bâtiments de France a été sollicité ; que la circonstance que le sens de cet avis intervenu tacitement serait selon lui " mal venu " est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;
7. Considérant qu'il est énoncé à l'article 5 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 que : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage " ; que ces dispositions s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs ; que l'article R. 111-15 du code de l' urbanisme prévoit que le permis de construire ou la décision prise sur la déclaration préalable de travaux doit respecter les préoccupations définies par l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui se réfère au principe de précaution " selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable " ; que s'il appartient, dès lors, à l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, les dispositions de l' article 5 de la Charte de l'environnement ne permettent pas, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en oeuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus ;
8. Considérant, d'une part, que comme en première instance, le syndicat requérant se prévaut des risques généraux dus aux antennes relais et n'invoque que les circonstances tirées, d'une part, de ce que l'installation en litige est prévue au coeur d'un quartier résidentiel dans lequel existe aussi un lycée, et, d'autre part, la mitoyenneté de l'immeuble d'implantation des antennes avec l'immeuble du syndicat requérant, dont le mur pignon du dernier niveau est plus élevé ; que ces circonstances, alors qu'il n'est pas davantage contesté en appel qu'en première instance que l'installation répond aux normes et seuils en vigueur sur le territoire national, ne permet pas d'établir l'existence d'éléments circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier une opposition à la déclaration en litige ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de la Charte de l'environnement ;
9. Considérant, d'autre part, que le syndicat requérant, en se bornant à soutenir que du fait de son caractère incomplet, le dossier de demande ne permettait pas de connaître la superficie totale de l'installation et que le projet exposerait à des risques les techniciens appelés à intervenir sur le toit-terrasse pour vérifier les autres ouvrages techniques déjà présents, n'établit ni que le projet méconnaît les dispositions précitées de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, ni les préoccupations définies par les articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement auxquelles se réfère cet article, ni que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, que les risques sur la santé humaine résultant des effets des champs électromagnétiques provoqués par les antennes-relais de téléphonie mobile soient avérés ; qu'en l'absence de risques sérieux prouvés pour la santé publique, le syndicat requérant, ainsi qu'en a jugé à bon droit le tribunal, ne peut soutenir que le maire d'Antibes a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en ne s'opposant pas au projet ou en n'assortissant pas sa décision de non-opposition de prescriptions particulières sur le fondement de l'article R. 111-2 précité et ce alors même que la station en cause est implantée à proximité d'un environnement urbanisé ;
11. Considérant que l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Antibes dispose : " les constructions faisant l'objet d'une protection particulière et répertoriée par un symbole ( étoile) dans le document graphique ne peuvent être démolies ; les travaux susceptibles d'entraîner une modification des caractéristiques esthétiques ou historiques de ces constructions sont interdits, à l'exception des travaux de sécurité et de salubrité. ... les éléments techniques tels que les conduits de VMC, les extracteurs, les climatiseurs...seront masqués" ; que la société Bouygues fait valoir en défense, sans être utilement contredite, que le bâtiment sur lequel doivent être réalisés les travaux en litige n'est pas répertorié par un tel symbole et qu'il ferait de ce fait l'objet d'une protection particulière ; qu'au demeurant, les antennes seront masquées par de fausses cheminées peintes dans le coloris de la façade de l'immeuble et les autres éléments de la station, en retrait par rapport à l'aplomb de la façade, sont peu visibles depuis l'espace public ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut être qu'écarté ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leurs architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales." ;
13. Considérant que si le syndicat requérant soutient que le projet méconnaît les dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, il ressort des pièces du dossier et notamment des photomontages joints au dossier que l'implantation des antennes masquées en fausses cheminées et leurs éléments techniques implantés en retrait par rapport au bord du toit-terrasse sont peu visibles et s'intègrent dans les lieux avoisinants, constitués dans un quartier central de la commune d'ensembles immobiliers, sans porter atteinte au caractère ou à l'intérêt desdits lieux ou au site, quand bien même ce dernier serait inscrit au titre de la loi de 1930, dès lors que l'architecte des Bâtiments de France régulièrement consulté est réputé avoir émis un favorable ; que, par suite, le maire, en prenant la décision contestée, n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il ne soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que le syndicat des copropriétaires de la résidence Le Crystal n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté son recours contre la décision tacite de non-opposition en date du 3 octobre 2012 par laquelle le maire d'Antibes a autorisé la société Bouygues Telecom à installer un site de radiophonie en toiture-terrasse de l'immeuble Aryana ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune d'Antibes qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse quelque somme que ce soit au syndicat de copropriétaires de la résidence Le Crystal ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du syndicat de copropriétaires de la résidence Le Crystal le versement à la commune d'Antibes et à la société Bouygues Télécom d'une somme de 1 500 euros chacune au titre de ces mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat de copropriétaires de la résidence Le Crystal est rejetée.
Article 2 : Le syndicat de copropriétaires de la résidence Le Crystal versera une somme de 1 500 euros à la commune d'Antibes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le syndicat de copropriétaires de la résidence Le Crystal versera une somme de 1 500 euros à la société Bouygues Télécom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat de copropriétaires de la résidence Le Crystal, à la commune d'Antibes et à la société Bouygues Télécom.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, où siégeaient :
- M. d'Hervé , président de chambre,
- Mme Josset, présidente-assesseure,
- M. Gonneau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
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N° 14MA02207