Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique, enregistrés le 26 janvier 2015, le 2 décembre 2015 et le 11 février 2016, M. G... E..., Mme L...E..., Mme M...D..., Mme A..., Mme F...D..., Mme K...D..., M. C... et M. I..., représentés par la SELARL Valette-Berthelsen, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 novembre 2014 ;
2°) d'annuler le refus du préfet de l'Hérault d'abroger l'arrêté préfectoral n° 2002-1-737 du 18 février 2002 portant approbation du plan de prévention des risques d'inondation " Basse Vallée de la Mosson " en tant qu'il classe en zone " Bn " leurs parcelles ;
3°) d'enjoindre au préfet de prescrire la révision du plan de prévention des risques d'inondation " Basse vallée de la Mosson " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le PPRI de la "Basse Vallée de la Mosson" classe les parcelles leur appartenant intégralement en zone inondable " Bn " ;
- le PPRI en vigueur a été établi sur la base de données beaucoup moins précises que celles dont ils se prévalent, issues de l'étude " Egis eau " de mars 2010, qui montre que leurs parcelles, dans leur majeure partie, ne sont que peu ou pas du tout affectées par l'aléa inondation de la Mosson ;
- le préfet s'est mépris sur l'interprétation des profils en long versés aux débats en confondant les cotes altimétriques des bords de la rivière et celles des parcelles ;
- les cotes altimétriques retenues ne font l'objet d'aucune critique pertinente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Menasseyre, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de M. E....
Une note en délibéré a été présenté le 25 mai 2016 pour les consorts E...et autres par la SELARL Valette-Berthelsen.
1. Considérant que, par jugement du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande des consorts E...et autres tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé d'abroger l'arrêté du 18 février 2002 portant approbation du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) " Basse Vallée de la Mosson " sur le territoire de la commune de Saint-Jean-de-Vedas, en tant qu'il classe en zone " Bn " les parcelles BN n° 243, 244, 252, 258 et 259 ; que les consorts E...et autres relèvent appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ;
3. Considérant que l'article L. 562-8 du code de l'environnement dispose que : " dans les parties submersibles des vallées et dans les autres zones inondables, les plans de prévention des risques naturels prévisibles définissent, en tant que de besoin, les interdictions et les prescriptions techniques à respecter afin d'assurer le libre écoulement des eaux et la conservation, la restauration ou l'extension des champs d'inondation " ; que pour l'élaboration du PPRI de la basse vallée de la Mosson, le zonage réglementaire a été élaboré à l'échelle du bassin versant de la Mosson en se fondant sur la modélisation d'une crue de référence de ce cours d'eau d'un débit de 400 mètres cubes par seconde, tenant compte des conditions récentes d'aménagement, d'utilisation des sols, d'urbanisation et d'entretien des cours d'eau sur l'ensemble du territoire communal ; que le croisement des hauteurs d'eau et des vitesses d'écoulement des eaux relevées sur le territoire communal avec ce débit a conduit à identifier de façon précise les limites de la zone inondable sur la commune de Saint-Jean-de-Vedas et à définir quatre types de zones exposées aux risques d'inondation ; que la zone " Bn " du PPRI correspond à des terrains situés dans des zones inondables naturelles, peu ou pas urbanisées, exposées à des risques moindres d'inondation correspondant aux champs d'extension des crues et où les hauteurs d'eau pour la crue de référence sont inférieures à 0,50 mètre ; que pour contester ce zonage, les appelants se fondent sur une étude intitulée " cartographie de l'aléa inondation de la Mosson sur les parcelles BN 243-244-252-258-259 à Saint-Jean-de-Vedas " datée de mars 2010, réalisée par le cabinet d'études " Egis Eau " ;
4. Considérant, en premier lieu, que les parties appelantes admettent que la parcelle cadastrée BN n° 259 est entièrement inondable ; qu'elles ne sont, dès lors, pas fondées à soutenir que son classement en zone " Bn " serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que les appelants ont versé aux débats un plan intitulé " cartographie de l'aléa inondation de la Mosson sur les parcelles BN 243-244-252-258-259 " ; que ce plan fait apparaître, sur la parcelle BN n° 243, plus d'une trentaine de cotations du nivellement général de la France (NGF) régulièrement réparties ; qu'ils soutiennent sans être sérieusement contredits que ces cotations ont été établies par un cabinet de géomètre expert ; qu'à l'exception de deux cotations, toutes deux situées à l'extrémité occidentale de la parcelle et s'établissant à 19,657 et 19,601 mètres, l'ensemble des points correspond à une altimétrie supérieure à 20 mètres, variant de 20,357 à 23,916 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'extrémité nord de la parcelle, le niveau de la crue centennale, correspondant au " profil " 10 de l'étude réalisée par le cabinet " Egis Eau " correspond à une altimétrie de 19,68 mètres NGF, que ce niveau, dans la partie plus méridionale correspondant au " profil " 9 s'élève à 19,58 mètres NGF et qu'à l'extrémité sud de la parcelle, correspondant au " profil " 8, le niveau de la crue centennale correspond à une altimétrie de 19,48 mètres NGF ; qu'il résulte de ces éléments, et compte tenu de l'emplacement où se trouvent situés les points les plus bas de la parcelle, que cette dernière, classée en zone " Bn " n'était manifestement pas soumise à un risque d'inondation ; que, par suite, en refusant de reconsidérer ce classement, le préfet de l'Hérault a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant, en troisième lieu, que les appelants ont également produit à l'appui de leurs prétentions un relevé topographique de la parcelle cadastrée BN n° 258, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il a été établi par le géomètre expert Servel en 1986 ; que ce relevé fait apparaître que l'altimétrie de la moitié orientale de la parcelle est supérieure à 19,50 mètres alors que le niveau de la crue centennale, correspondant au " profil " 7 au Nord et au " profil " 6 au Sud, est compris entre 19,37 et 19,23 mètres, de sorte que toute la partie Est de la parcelle n'est, manifestement, pas inondable ; qu'en refusant de reconsidérer le classement en zone " Bn " de cette partie de la parcelle, le préfet de l'Hérault a donc, également, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que les documents versés aux débats par les requérants pour contester les éléments précis ayant présidé au classement en litige ne permettent pas, en revanche, d'apprécier l'altimétrie des parcelles cadastrées BN n° 244 et n° 252 ; qu'en particulier les " profils en travers " 7, 8 et 9, qui traversent ces parcelles ne permettent pas de déterminer quelle partie de ces profils leur correspond ; que pour remédier à ce manque de précision les appelants se prévalent d'un document établi en février 2016 émanant de la société Egis Eau indiquant que, sur les " profils de travers " 6, 7, 8 et 9, les données altimétriques des terrains situés entre 0 mètre et 80 mètres, correspondant, selon ce document, à la largeur de la zone étudiée, feraient apparaître que les terrains se trouvent au-dessus des cotes des plus hautes eaux centennales ; que cette affirmation n'apparaît cependant pas corroborée par l'examen de ces " profils ", sur lesquels aucun repère ne permet de se représenter les limites des parcelles concernées pas plus que l'emplacement exact des rives alors qu'ils indiquent porter sur une distance de 600 mètres ; qu'il apparaît, dès lors, peu plausible, au vu de la cartographie avec laquelle il convient de rapprocher les profils invoqués, que les parcelles en cause ne correspondent qu'à la représentation, sur l'axe des abscisses, des terrains situés entre la distance 0 et la distance 80 ; que l'observation de ces profils fait apparaître que cinq sixièmes des terrains qui y sont représentés sont situés sous le niveau de la crue centennale, sans qu'il soit établi que la partie de ces terrains située au-dessus correspond aux parcelles en litige ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que si les appelants se prévalent des conclusions de l'étude établie en mars 2010 par " Egis Eau ", le texte de six pages que compte ce document ne comporte aucune conclusion, la rubrique " résultats de calcul " se limitant à un tableau de treize lignes et quatorze colonnes inexploitable en tant que tel ; que la production par les appelants, dans leur mémoire d'appel complémentaire, d'un courrier établi en novembre 2015 par un salarié de la société Egis Eau et mentionnant, cinq ans plus tard, les conclusions qu'il convient, selon lui, de tirer de ce document, est privée de toute valeur démonstrative et ne permet pas davantage de conclure que les parcelles en cause ne seraient pas, contrairement à ce qui ressort de l'examen du PPRI, inondables ; que cette démonstration n'est pas rapportée, non plus, par la référence à un constat d'huissier établi un mois après des crues de la Mosson survenues les 23 septembre et 6 octobre 2014 alors qu'il n'est nullement démontré que ces crues auraient été de niveau centennal sur le secteur en question ; qu'enfin, si les appelants se prévalent d'un extrait de la carte des territoires à risque important d'inondation établie en 2013 dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive 2007/60/CE, dite " directive inondation ", cette cartographie ne concerne que les principaux cours d'eau, sans les affluents ; qu'eu égard à son caractère partiel, elle n'est pas de nature à établir l'erreur manifeste affectant le classement des parcelles cadastrées BN n° 244 et BN n° 252 ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts E...et autres sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande en tant qu'elle portait sur le refus du préfet de l'Hérault d'abroger l'arrêté du 18 février 2002 portant approbation du PPRI " Basse vallée de la Mosson ", dans la mesure où il classait les parcelles BN 243 et BN 258 en zone " Bn " ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que l'article L. 911-2 du même code dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
11. Considérant que la présente décision rejette les conclusions tendant à l'annulation du refus du préfet d'abroger l'arrêté du 18 février 2002 portant approbation du PPRI " Basse vallée de la Mosson ", en tant qu'il porte sur les parcelles BN 244, BN 252 et BN 259 ; qu'elle n'implique aucune mesure d'exécution sur ce point ;
12. Considérant, en revanche, que la présente décision annule le refus du préfet de l'Hérault d'abroger le classement en zone " Bn " de la parcelle BN 243 dans sa totalité et de la parcelle BN 258 pour partie ; que les requérants demandent qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de prescrire la révision du plan de prévention des risques d'inondation " Basse vallée de la Mosson ", alors que la présente décision implique seulement que le préfet de l'Hérault, qui se trouve, dans la mesure de l'annulation prononcée, ressaisi de la demande d'abrogation des appelants, réexamine leur demande tendant à l'abrogation du classement des parcelles concernées ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder à cet examen dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les consorts E...et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le refus du préfet de l'Hérault d'abroger partiellement l'arrêté du 18 février 2002 portant approbation du PPRI " Basse vallée de la Mosson " est annulé en tant qu'il porte sur le classement en zone " Bn " des parcelles BN 243 et BN 258.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de se prononcer à nouveau sur la demande d'abrogation dont il a été saisi par les consorts E...et autres, en tant qu'elle porte sur le classement en zone " Bn " des parcelles BN 243 et BN 258, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 novembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des consorts E...et autres est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E..., à Mme L...E..., à Mme M...D..., à Mme H...A..., à Mme F...D..., à Mme K...D..., à M. B... C..., à M. J... I..., et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2016, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme N..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 juin 2016.
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N° 15MA00317 2
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