- la décision de réadmission litigieuse n'a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de solliciter le statut de réfugié ;
- le juge des référés de première instance ne peut conclure qu'il existe un risque sérieux que M. A... fasse l'objet, durant le traitement de sa demande d'asile, d'une détention dans des conditions constitutives de traitements inhumains et dégradants, alors que, d'une part, il existe une présomption que la Hongrie présente toutes les garanties du respect du droit de solliciter l'asile, et que, d'autre part, le requérant n'apporte aucun élément de preuve concret et précis de nature à renverser cette présomption ;
- le juge des référés a commis une erreur d'appréciation en jugeant que le préfet des Yvelines n'aurait pas recherché à un stade quelconque de la procédure si les craintes du demandeur pouvaient être fondées ;
- le juge des référés n'a pas statué à bon droit en considérant qu'il existe un risque sérieux que la demande d'asile de M. A... ne soit pas examinée par les autorités hongroises en cas de réadmission ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu l'intervention, enregistrée le 13 novembre 2014, présentée par l'association la Cimade, dont le siège social est 64, rue Clisson à Paris (75013), représentée par son président, qui se réfère aux mêmes moyens développés par M.A... ; elle soutient en outre qu'elle a intérêt à agir dès lors qu'elle défend les droits des personnes réfugiées et migrantes ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2014, présenté pour M. A..., qui conclut au rejet du recours ; il soutient qu'il fait état d'éléments précis et circonstanciés de nature à établir un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et que, dans tous les cas, le préfet des Yvelines a porté une atteinte grave et manifestement illégale à ses droits de demandeur d'asile en se dispensant d'organiser un entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement n° 604/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le règlement (UE) n° 604/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur, d'autre part, M. A...et l'association la Cimade ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 17 novembre 2014 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentantes du ministre de l'intérieur ;
- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;
- M. A...;
- le représentant de l'association la Cimade ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;
Sur l'intervention présentée par la Cimade :
1. Considérant que la Cimade a intérêt au maintien de l'ordonnance attaquée ; que son intervention est, par suite, recevable ;
Sur l'appel de M.A... :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;
3. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter la qualité de réfugié, constitue une liberté fondamentale, au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'il implique que l'étranger qui sollicite la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission au séjour en France d'un demandeur d'asile, lorsque la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat membre de l'Union européenne, en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ; que, toutefois, le dernier alinéa du même article prévoit que " les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013/UE : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " ;
4. Considérant qu'il ressort des déclarations à l'audience de M. A..., de nationalité mauritanienne, que ce dernier est entré en Hongrie avec un groupe d'une trentaine de personnes en juillet 2013, où il a été interpellé par les services de police qui ont relevé ses empreintes digitales, qu'il a été transféré dans un centre de rétention provisoire où il est resté environ une semaine ; qu'il a ensuite été invité à se rendre en train dans le camp de Bicske, près de Budapest, qu'il a quitté après quelques jours à l'occasion d'une autorisation de sortie pour partir en Autriche et entrer en France à une date non déterminée ; qu'il ressort des pièces produites devant le juge des référés de première instance que M. A...a présenté une demande d'asile à la préfecture des Yvelines et s'est vu remettre une première convocation pour le 24 juin 2014 ; que les vérifications auxquelles il a alors été procédé ont indiqué qu'il avait sollicité l'asile en Hongrie le 9 juillet 2013 ; que le préfet des Yvelines l'a informé, le 24 juin 2014, qu'il refusait son admission au séjour et qu'il saisissait les autorités hongroises d'une demande de réadmission sur le fondement de l'article 18-1 du règlement (CE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que ces autorités ont fait connaître leur accord par une décision du 30 juin 2014 ; que, par un arrêté du 28 août 2014, le préfet des Yvelines a décidé la remise de M. A...aux autorités hongroises, sur le fondement du règlement (UE) n° 604/2013 ; que le ministre de l'intérieur relève appel de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu la décision du préfet des Yvelines portant réadmission vers la Hongrie de M. A... et a enjoint au préfet de réexaminer sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile ;
5. Considérant qu'une décision de remise à un Etat étranger, susceptible à tout moment d'être exécutée d'office, crée pour son destinataire une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant que la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour transposer la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, la Hongrie a adopté, dès le 26 juin 2013, une loi qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2013 ; que les documents d'ordre général tels ceux produits par M. A...ne peuvent suffire à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Hongrie serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'en l'espèce, M. A...soutient, d'une part, que la demande qu'il a initialement déposée en Hongrie a été clôturée en 2013 par les autorités hongroises ce dont il résulterait que sa nouvelle demande ne sera pas complètement instruite, d'autre part, qu'il est acquis que, réadmis en Hongrie, il sera placé en détention où il risque sérieusement de subir des traitements inhumains et dégradants ; qu'il affirme que les conditions de sa détention en Hongrie, où il aurait été victime de tels traitements, ainsi que les conditions dans lesquelles sa demande d'asile a été examinée par les autorités hongroises, méconnaissaient gravement et manifestement les obligations qu'impose le respect du droit d'asile ; que, toutefois, la circonstance que la procédure d'asile ait été déclarée close dès après la sortie du territoire hongrois de M. A...n'établit pas que sa demande d'asile ne serait pas examinée dès lors que, ultérieurement, les autorités hongroises ont accepté la réadmission de M. A... sur le fondement de l'article 18-1 du règlement (CE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que les allégations de M. A...relatives aux conditions de son séjour au camp de Bicske, lors de sa détention dans un commissariat et dans un centre de rétention provisoire, sont dépourvues de caractère probant pour établir qu'il existe un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités hongroises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; qu'enfin, contrairement aux allégations de M.A..., il résulte des pièces du dossier que la préfecture a organisé l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que, dès lors, en décidant, conformément aux règles du droit de l'Union européenne, la réadmission de M. A...vers la Hongrie, le préfet des Yvelines n'a, par suite, pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit constitutionnellement garanti de solliciter le statut de réfugié ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'existence d'un risque sérieux que la demande d'asile de M. A...ne soit pas instruite par les autorités hongroises dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile ne peut être tenu pour établi ; qu'ainsi, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif des Yvelines a fait droit à la demande de M.A... ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Versailles ; qu'il y a lieu, pour le motif exposé ci-dessus, de rejeter la demande présentée par M. A...sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de l'association la Cimade est admise.
Article 2 : l'ordonnance n° 1407195 du 9 octobre 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulée.
Article 3 : La demande présentée par M. A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur, à M. B... A...et à la Cimade.