Par une décision n° 362072 du 5 novembre 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 08MA00657, 09MA02350 du 19 juin 2012 de la Cour qui avait annulé les jugements des 20 décembre 2007 et 6 mai 2009 et condamné la commune de Fuveau à verser à la SCA " Château-l'Arc " la somme de deux millions d'euros, et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la Cour :
I.) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 février 2008, 20 avril 2010, 29 février 2012, 19 décembre 2014 et 5 juin 2015 sous le n° 14MA04498, la commune de Fuveau, représentée par la société d'avocats Bérenger, Blanc, Burtez-Doucède et associés, demande à la Cour de réformer le jugement du 20 décembre 2007 en ce qu'il l'a condamnée à indemniser la SCA " Château-l'Arc " et ordonné une expertise, de rejeter la demande de cette société et de mettre à la charge de la SCA " Château-l'Arc " et la SCI " Hameaux de Château-l'Arc " la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit car il ne pouvait y avoir de préjudice lié au retard dans la délivrance d'un permis de lotir, dès lors que l'autorisation de lotir ne pouvait être légalement délivrée ;
- l'opération de lotissement telle qu'elle était prévue à l'origine ne pouvait aboutir pour des raisons techniques et juridiques ;
- le projet est totalement différent de celui prévu par le plan d'aménagement de zone et le règlement de la zone d'aménagement concertée, les droits à bâtir en résultant revendiqués ne peuvent ainsi lui être imposés ;
- la SCA " Château-l'Arc " n'est pas l'aménageur de la zone et ne s'est jamais comportée comme tel ;
- les préjudices allégués ne sont pas justifiés.
Par des mémoires, enregistrés les 15 juillet 2009, 14 avril 2010, 15 décembre 2011, 1er mars 2012, 29 mai et 15 juin 2015, la SCA " Château-l'Arc " et la SCI " Hameaux de Château-l'Arc " demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2007 à l'exception de son article 2 ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mai 2009 ;
3°) de condamner la commune de Fuveau à lui verser la somme de 244 millions d'euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés, indemnisant la perte d'une chance d'obtenir les autorisations de lotir ;
4°) subsidiairement, de condamner la commune de Fuveau à lui verser la somme de 94 084 865 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés, indemnisant le retard dans l'obtention du permis de lotir ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Fuveau les frais d'expertise ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Fuveau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les refus d'autorisation de lotir des 9 et 23 avril et 12 août 2002 et du 28 novembre 2006 sont illégaux ;
- le retrait du 1er décembre 2014 du permis de lotir délivré le 5 août 2014 ainsi que le refus de permis de lotir modificatif du 5 décembre 2014 sont illégaux ;
- le classement en zone N de ses terrains par le plan local d'urbanisme est illégal ;
- le classement d'une partie de ses terrains en zone inondable est illégal ;
- la délibération du 28 juin 2007 supprimant la zone d'aménagement concertée est illégale ;
- la responsabilité de la commune est engagée en raison de l'ensemble de ses agissements caractérisant un détournement de pouvoir ;
- la responsabilité de la commune est engagée, sans faute, sur le fondement de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ;
- la responsabilité de la commune est engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques du fait de la résiliation du contrat d'aménagement ;
- la responsabilité de la commune est fondée sur la convention d'aménagement de 1978 ou, à défaut, sur une convention tacite ou verbale identique ;
- la responsabilité de la commune est fondée sur la faute consistant à exécuter un contrat qu'elle savait nul ;
- la commune s'est enrichie, sans cause, à son détriment ;
- son préjudice est constitué par la perte de chance de réaliser le lotissement prévu ;
- son préjudice est constitué, de manière subsidiaire, par le retard dans la perception des bénéfices de l'opération ;
- la méthode de calcul du préjudice retenue par l'expert est erronée.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 9 avril 2010, la société " Groupama Alpes-Méditerranée " demande qu'il soit fait droit à la requête présentée par la commune de Fuveau par les mêmes moyens que celle-ci.
Elle soutient en outre que :
- l'invocation de l'illégalité du refus de lotir du 28 novembre 2006 et de l'illégalité de la révision du plan local d'urbanisme constituent une demande irrecevable car nouvelle en appel et non précédée d'une réclamation préalable ;
- le classement des terrains en zone naturelle n'est pas de nature à causer un préjudice indemnisable ;
- l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme n'est pas applicable en l'espèce.
Par un mémoire distinct, enregistré le 16 avril 2010, la SCA " Château-l'Arc " a demandé à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de la constitutionnalité des dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme.
Par une décision en date du 16 juillet 2010, le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par la SCA " Château-l'Arc " et transmise par la Cour le 3 mai 2010.
II.) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 juillet 2009, 14 avril 2010, 15 décembre 2011, 29 février 2012, 29 mai et 15 juin 2015 sous le n° 14MA04512, la SCA " Château-l'Arc " représentée par la société d'avocats Le Roy, C..., Prieur et la SCI " Hameaux de Château-l'Arc ", représentée par la SCP J.L. Bergel et M.R. Bergel demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2007 à l'exception de son article 2 ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mai 2009 ;
3°) de condamner la commune de Fuveau à lui verser la somme de 244 millions d'euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés, indemnisant la perte d'une chance d'obtenir les autorisations de lotir ;
4°) subsidiairement, de condamner la commune de Fuveau à lui verser la somme de 94 084 865 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés, indemnisant le retard dans l'obtention du permis de lotir ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Fuveau les frais d'expertise ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Fuveau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le jugement du 6 mai 2009 est irrégulier en ce que son mémoire du 10 avril 2008 n'est ni visé ni analysé ;
- le jugement du 6 mai 2009 est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu à sa demande de précision et d'extension de la mission de l'expert ;
- les refus d'autorisation de lotir des 9 et 23 avril et 12 août 2002 et du 28 novembre 2006 sont illégaux ;
- le classement en zone N de ses terrains par le plan local d'urbanisme est illégal ;
- le classement d'une partie de ses terrains en zone inondable est erroné ;
- la délibération du 28 juin 2007 supprimant la zone d'aménagement concertée est illégale ;
- la responsabilité de la commune est engagée en raison de l'ensemble de ses agissements caractérisant un détournement de pouvoir ;
- la responsabilité de la commune est engagée, sans faute, sur le fondement de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ;
- la responsabilité de la commune est engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques du fait de la résiliation du contrat d'aménagement ;
- la responsabilité de la commune est fondée sur la convention d'aménagement de 1978 ou, à défaut, sur une convention tacite identique ;
- la responsabilité de la commune est fondée sur la faute consistant à exécuter un contrat qu'elle savait nul ;
- la commune s'est enrichie, sans cause, à son détriment ;
- son préjudice est constitué par la perte de chance de réaliser le lotissement prévu ;
- son préjudice est constitué, de manière subsidiaire, par le retard dans la perception des bénéfices de l'opération ;
- la méthode de calcul du préjudice retenue par l'expert est erronée.
Par des mémoires, enregistrés les 8 mars 2010, 20 avril 2010, 28 février 2012, 18 décembre 2014 et 5 juin 2015, la commune de Fuveau conclut à la réformation des jugements des 20 décembre 2007 et 6 mai 2009, de rejeter les demandes présentées par la SCA " Château-l'Arc " et la SCI " Hameaux de Château-l'Arc " devant le tribunal administratif et de mettre à la charge de ces sociétés la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit car il ne pouvait y avoir de préjudice lié au retard dans la délivrance d'un permis de lotir, dès lors que l'autorisation de lotir ne pouvait être légalement délivrée ;
- l'opération de lotissement telle qu'elle était prévue à l'origine ne pouvait aboutir pour des raisons techniques et juridiques ;
- le projet est totalement différent de celui prévu par le plan d'aménagement de zone et le règlement de la zone d'aménagement concertée, les droits à bâtir en résultant revendiqués ne peuvent ainsi lui être imposés ;
- la SCA " Château-l'Arc " n'est pas l'aménageur de la zone et ne s'est jamais comportée comme tel ;
- les préjudices allégués ne sont pas justifiés.
Par un mémoire distinct, enregistré le 16 avril 2010, la SCA " Château-l'Arc " a demandé à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question de la constitutionnalité des dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme.
Par une décision en date du 16 juillet 2010, le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par la SCA " Château-l'Arc " et transmise par la cour le 3 mai 2010.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gonneau, premier conseiller,
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la SCA " Château-l'Arc ", de Me A..., représentant la commune de Fuveau et de Me B... représentant la société Groupama Alpes-Méditerranée.
Une note en délibéré présentée par la SCA " Château-l'Arc " a été enregistrée le 3 juin 2016.
1. Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation des mêmes jugements et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
2. Considérant que, par un jugement du 20 décembre 2007, le tribunal administratif de Marseille a jugé que trois refus successifs d'instruire une demande de permis de lotir opposés les 9 et 23 avril et 12 août 2002 étaient entachés d'illégalités fautives susceptibles d'engager la responsabilité de la commune de Fuveau ; que le tribunal a ordonné une expertise aux fins de déterminer le montant du préjudice, subi pendant la période du 9 avril 2002 au 18 juin 2004 du fait du retard à délivrer ces autorisations de lotir ; que, par un jugement du 6 mai 2009, les premiers juges ont condamné la commune à verser la somme de 1 500 euros à la SCA " Château-l'Arc " en réparation du préjudice subi au titre de cette période et ont mis à la charge de cette société les frais de l'expertise ; que la SCA " Château-l'Arc " et la SCI " Hameaux de Château-l'Arc " relèvent appel de ces jugements en tant qu'ils ont rejeté le surplus de leurs conclusions ; que la commune de Fuveau relève quant à elle appel de ces mêmes jugements en tant qu'ils ont retenu sa responsabilité et l'ont condamnée à indemniser la SCA " Château-l'Arc " ;
Sur la recevabilité de l'intervention de la société Groupama Alpes-Méditerranée :
3. Considérant que la société Groupama Alpes-Méditerranée a intérêt à intervenir à l'appui des conclusions présentées par son assurée, la commune de Fuveau ; que son intervention doit être admise ;
Sur le bien-fondé du jugement du 20 décembre 2007 :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
4. Considérant que, comme l'a jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux, par l'arrêt n° 362072 du 5 novembre 2014 qui a renvoyé l'affaire devant la cour, la convention d'aménagement approuvée par le conseil municipal de Fuveau le 12 janvier 1978 n'est jamais entrée en vigueur, et aurait, en tout état de cause, cessé de produire ses effets le 30 juin 1980, du fait de la caducité de la zone d'aménagement concerté ; que, par suite, la responsabilité de la commune de Fuveau ne peut être engagée sur le fondement de cette convention ;
5. Considérant que la SCA " Château-l'Arc " soutient toutefois qu'elle était liée contractuellement à la commune de Fuveau par une convention verbale dont l'objet était identique à celui de la convention approuvée le 12 janvier 1978 et en reprenait les engagements ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années 1980 et 1990, seules trois opérations ont été réalisées au sein de la zone d'aménagement concertée de Château-l'Arc ; qu'en premier lieu, le seul équipement prévu par le plan d'aménagement de la zone, le parcours de golf et les constructions y afférentes, a été réalisé dans le cadre d'un bail à construction conclu entre la SCA " Château-l'Arc " et la SA " Links ", selon des modalités autres que celles censées, selon la société requérante, être reprises par le contrat verbal, dès lors qu'elles prévoyaient, dans le cas de la conclusion d'un tel bail, l'accord préalable de la commune qui n'a pas été recueilli ; qu'en deuxième lieu, l'aménagement d'un hôtel dans la bastide existante a fait l'objet d'une convention du 16 décembre 1987 entre la commune de Fuveau et la société " Golfina ltd ", également chargée de réaliser les équipements de desserte correspondant ; qu'enfin en dernier lieu, l'opération de réalisation de l'" université Thomson microelectronics " en 1997 a été menée par la SARL Mirabeau ; qu'à l'exception du golf, comme cela a été dit plus
haut, aucun des autres aménagements et constructions prévus par les documents de la zone d'aménagement concertée et la convention d'aménagement, qui portaient notamment sur un groupe scolaire et environ 450 logements, n'a été réalisé par la commune ou par la SCA " Château-l'Arc ", l'une comme l'autre n'ayant eu, au cours de cette période d'une vingtaine d'années, aucune relation opérationnelle , la SCA " Château-l'Arc " se comportant uniquement en propriétaire des terrains, comme le fait valoir la commune, et non pas en tant qu'aménageur ; qu'en l'absence d'engagements réciproques ou de collaboration de fait entre la commune de Fuveau et la SCA " Château-l'Arc ", celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'existeraient entre elles une relation contractuelle, dont la méconnaissance par la commune serait susceptible d'engager sa responsabilité ;
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
7. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la commune aurait commis une faute en continuant à exécuter la convention d'aménagement qu'elle savait nulle, doit être écarté au regard des points 4, 5 et 6 ci-dessus, en l'absence de toute relation de cette nature entre la commune et la SCA " Château-l'Arc " ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la commune de Fuveau a délivré un permis de lotir à la SCA " Château-l'Arc " le 5 août 2014, qu'elle a retiré le 1er décembre suivant, et a refusé le 5 décembre 2014 de lui délivrer un permis de lotir modificatif ; que la contestation de ces décisions par la SCA " Château-l'Arc " et l'invocation de leur illégalité relèvent de conclusions nouvelles, comme l'a fait valoir la commune dans son mémoire du 4 juin 2015 auquel la SCA " Château-l'Arc " a répondu, dont il n'appartient pas à la cour de connaître en sa qualité de juge d'appel ;
9. Considérant, en troisième lieu, que les décisions de refus de permis de lotir opposées par la commune de Fuveau à la SCA " Château-l'Arc " les 9 et 23 avril et 12 août 2002, au motif que le dossier de demande était incomplet, ont été annulées par deux jugements du tribunal administratif de Marseille ; qu'à la suite d'une nouvelle instruction de la même demande de permis de lotir, la commune a opposé un nouveau refus le 28 novembre 2006, dont la demande d'annulation a été rejetée définitivement par un arrêt n° 362100 du 5 novembre 2014 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, qui a jugé que le permis de lotir avait pu être légalement refusé en raison de la non-conformité des articles 5 et 11 du règlement du lotissement aux règles d'urbanisme ; que, par suite, les préjudices allégués par la SCA " Château-l'Arc " ne peuvent être imputés aux illégalités fautives des décisions des 9, 23 avril et 12 août 2002 ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que par un arrêt de ce jour la cour a reconnu la légalité du classement en zone naturelle des terrains appartenant à la SCA " Château-l'Arc " par le plan local d'urbanisme approuvé par le conseil municipal de Fuveau le 27 février 2008 ; que, par suite, d'une part, les irrégularités entachant la procédure d'adoption du plan local d'urbanisme dont la société requérante se prévaut ne sont pas de nature à engager la responsabilité de la commune ; que, d'autre part, le caractère inconstructible des terrains n'est pas imputable à leur classement illégal, comme l'a jugé le tribunal administratif de Marseille, en zone inondable ;
11. Considérant, en cinquième lieu, que la zone d'aménagement concerté des hameaux de Château-l'Arc a été supprimée par une délibération du conseil municipal de Fuveau du 28 juin 2007 ; que la SCA " Château-l'Arc " se borne à alléguer que cette délibération est une manoeuvre grossière ayant pour but de l'empêcher de faire valoir ses droits, sans établir l'illégalité de cette délibération ou qu'il existe un lien de causalité avec le préjudice constitué, selon elle, par l'impossibilité de créer un lotissement, qui peut être réalisé en dehors du cadre d'une zone d'aménagement concerté ;
12. Considérant enfin que la SCA " Château-l'Arc " n'établit pas que l'attitude de la commune de Fuveau à son égard depuis l'année 2002 serait constitutive de manoeuvres ayant pour seul but d'acquérir à bas prix les terrains lui appartenant ;
En ce qui concerne l'enrichissement sans cause allégué de la commune :
13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et de ce qui a déjà été dit au point 6 ci-dessus, que la SCA " Château-l'Arc ", qui ne produit aucune facture ou élément de comptabilité, n'établit pas avoir exposé des dépenses d'aménagement ou d'équipement dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté au bénéfice de la commune de Fuveau ; qu'elle ne peut se prévaloir à cet égard des dépenses exposées par les sociétés tierces mentionnées au point 6 ; qu'elle ne peut dès lors soutenir que la commune de Fuveau se serait enrichie sans cause à son détriment ;
En ce qui concerne la responsabilité sans faute :
14. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu. " ; que, toutefois, cet article ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent la SCA " Château-l'Arc , ces dispositions ne sont pas contraires au droit de propriété énoncé aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques ;
15. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède qu'à la date du classement en zone naturelle des terrains lui appartenant, la SCA " Château-l'Arc " ne disposait d'aucun droit acquis pour la réalisation de ses projets immobiliers, et notamment pas d'autorisations lui permettant de lotir ou de construire ; qu'elle ne peut dès lors revendiquer le bénéfice de l'indemnité prévue par les dispositions précitées ; que, d'autre part, il n'est pas établi en l'espèce que la SCA " Château-l'Arc " supporterait une charge spéciale, différente de celle supportée par les propriétaires de parcelles classées en zone naturelle, ou une charge exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général s'attachant à la protection des espaces naturels ;
16. Considérant, en second lieu, qu'en l'absence de toute convention d'aménagement valide, comme il a été dit aux points 4, 5 et 6, la délibération du conseil municipal de Fuveau du 29 octobre 2003, prononçant la résiliation de la convention d'aménagement qu'il avait approuvée le 12 janvier 1978, ne saurait engager la responsabilité de la commune en raison d'une rupture d'égalité devant les charges publiques ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 9 que la commune de Fuveau est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que sa responsabilité était engagée du fait des refus de permis de lotir des 9 et 23 avril et 12 août 2002 ; qu'au surplus, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation ; que la SCA " Château-l'Arc " ne justifie d'aucune circonstance particulière, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain ;
18. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal a pu mettre à la charge de la SCA " Château-l'Arc " les frais de l'expertise ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Fuveau est fondée à soutenir que c'est à tort que sa responsabilité a été engagée par le jugement du 20 décembre 2007 et que le jugement du 6 mai 2009 l'a condamnée à verser la somme de 1 500 euros à la SCA " Château-l'Arc " ; que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et la fin de non-recevoir opposée par la société Groupama Alpes-Méditerranée, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement du 6 mai 2009, la SCA " Château-l'Arc " n'est ni fondée à se plaindre pour sa part, de ce que, par le jugement attaqué du 20 décembre 2007, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de ses conclusions ni de ce que, par le jugement du 6 mai 2009, il a limité son indemnisation à la somme de 1 500 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif :
20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
21. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Fuveau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SCA " Château-l'Arc " et la SCI " Hameaux de Château-l'Arc " au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCA " Château-l'Arc " le versement à la commune de Fuveau d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L'intervention de la société Groupama Alpes-Méditerranée est admise.
Article 2 : L'article 2 du jugement avant dire droit n° 0300819 du 20 décembre 2007 et l'article 1er du jugement n° 0300819 du 6 mai 2009 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SCA " Château-l'Arc " et la société civile immobilière " Hameaux de Château-l'Arc " devant le tribunal administratif de Marseille et la Cour sont rejetées.
Article 4 : La SCA " Château-l'Arc " versera à la commune de Fuveau une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile agricole " Château-l'Arc ", à la société civile immobilière " Hameaux de Château-l'Arc ", à la commune de Fuveau et à la société Groupama Alpes-Méditerranée.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2016, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Josset, présidente-assesseure,
M. Gonneau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 juin 2016.
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