Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 mars 2014, la commune de Gignac de la Nerthe, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 décembre 2013 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner M. A... à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rapport d'infraction du 16 décembre 2011 démontre que de nombreuses façades, murs, portes et fenêtres ont été modifiés, que le bâtiment B n'a pas été réalisé, que la partie " activité du projet " a été vidée de sa substance et que la composition du projet était erronée ;
- les parcelles AC 65 et 25, qui font partie du terrain d'assiette du projet, ont été cédées à un particulier non exploitant agricole avant même la délivrance du permis de construire ;
- les pièces du dossier n'ont été établies que pour tromper l'administration sur la destination finale des constructions, dès lors que la partie " activité agricole " dominante a été supprimée et qu'il n'y a jamais eu d'exploitation agricole d'oliviers et d'arbres fruitiers ; ·
- le procès verbal d'infraction dressé le 10 mai 2012 a constaté un changement de destination du bâtiment principal par la présence injustifiée de la société Sotemac qui occupe désormais le site, alors que son activité est sans lien avec la vocation de la zone agricole ;
- les gravats et exhaussements réalisés sans autorisation par la société Sotemac compromettent la valeur agronomique des terres agricoles ;
- le moyen tiré du détournement de pouvoir n'est pas fondé et manque en fait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2014, M. B... A...conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Gignac la Nerthe une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la non-conformité de la construction n'est pas susceptible de caractériser la fraude au jour de la demande de permis de construire, mais relève de sa mise en oeuvre ;
- il est inscrit comme exploitant agricole et la réalité de l'exploitation agricole est prouvée notamment par les factures de pieds d'arbres fruitiers et d'oliviers, une photographie aérienne de 2007, une inscription en 2005 auprès du CFE comme relevant des bénéfices agricoles, des factures pour un équipement permettant de distribuer l'eau ;
- les bâtiments étaient conformes à leur destination et leur affectation n'a été modifiée que postérieurement ;
- la destination a été modifiée par la seule société Sotemac, arrivée sur les lieux sept ans après l'obtention du permis, étrangère au groupement foncier agricole Le Bayon, et occupante sans titre des lieux de manière précaire et sans payer de loyer depuis 2010 ;
- la vente des parcelles AC n° 65 et 25, destinées à la création d'un gîte, ne représente que 1/1000 ème de la surface et le projet de gite n'était qu'un élément accessoire et n'a pas constitué l'élément déterminant du permis de construire ;
- la commune ne peut pas établir une telle fraude près de 9 ans après la délivrance d'une autorisation d'urbanisme ;
- la commune ne peut fonder le retrait en litige sur le non-respect des dispositions de plan local d'urbanisme qui n'étaient pas en vigueur à la date de délivrance des permis de construire en cause.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Josset, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Salvage rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Gignac la Nerthe et de Me E..., représentant M. A....
1. Considérant que, par un arrêté en date du 29 novembre 2012, le maire de la commune de Gignac la Nerthe a retiré les arrêtés des 24 décembre 2003 et 5 août 2005 par lesquels il avait délivré au groupement foncier agricole (GFA) Le Bayon, respectivement, un permis de construire et un permis modificatif pour la construction de bâtiments agricoles et d'un logement, sur un terrain situé quartier du Tholonet, Carrière du Bayon à Gignac la Nerthe ; que, par jugement du 27 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a, sur la demande de M.A..., représentant du GFA précité, annulé cette décision de retrait ; que la commune de Gignac sur Nerthe interjette appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de la décision attaquée: " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. " ; que cependant un acte administratif obtenu par fraude qui ne crée pas de droits peut être abrogé ou retiré par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai ci-desssus mentionné qui lui est normalement imparti serait expiré ;
3. Considérant, d'autre part, qu'un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire ; que la circonstance que ces plans pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés et affectés à un usage non conforme à la réglementation locale d'urbanisme n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité du permis ; que l'existence d'une fraude permettant la délivrance du permis de construire s'apprécie au vu de la demande présentée à l'administration, ou du comportement de l'intéressé avant le dépôt de la demande ou durant son instruction ;
4. Considérant que la commune fait valoir qu'un rapport d'infraction du 16 décembre 2011 et un procès verbal d'infraction du 10 mai 2012 démontrent, d'une part, que les travaux entrepris ne sont pas conformes aux autorisations d'urbanisme délivrées, notamment en ce que le bâtiment B destiné à abriter les véhicules et le matériel de l'exploitation n'a pas été édifié et que les travaux sur les autres bâtiments n'ont pas été réalisés conformément à ce qui était prévu dans la demande de permis, et d'autre part, qu'il n'existait pas, en 2011 et 2012, d'exploitation agricole sur le terrain d'assiette du projet ; qu'elle estime, dans ces conditions, que le site n'a jamais été le siège d'une exploitation agricole mais celui de la société Sotemac, entreprise de transport et de bâtiment et travaux publics et que ces activités ne sont pas autorisées par les articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme approuvé en 2007 qui interdisent en zone agricole, notamment, toutes les constructions ou activités qui ne sont pas directement nécessaires au fonctionnement des exploitations agricoles ;
5. Considérant, en premier lieu, que les autorisations retirées ont été délivrées en 2003 et 2005 pour des terrains alors classés en zone N qui permettaient la réalisation du projet ; que par suite, la commune ne peut utilement soutenir que ces permis de construire auraient été obtenus à la suite de manoeuvres frauduleuses seulement déduites de leur contrariété à des règles d'urbanisme établies postérieurement à leur délivrance ;
6. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que M. A..., qui a obtenu l'avis favorable du Conseil pour l'Habitat Agricole en Méditerranée (CHAMP) le 20 mars 2003 au motif notamment que son projet de construction d'un hangar et d'un logement était lié à une exploitation agricole économiquement viable, a également produit des factures établies, en 2003, pour l'achat de matériel agricole et de 125 pieds d'arbres fruitiers et 208 pieds d'oliviers et en 2004, pour l'achat de 68 pieds d'arbres en remplacement d'arbres morts ; qu'il ressort des photographies produites dont le caractère probant n'est pas contesté que les pieds d'arbres ont été plantés et une installation de distribution d'eau par goutte à goutte mise en place au pied de ces arbres ; que ces éléments sont de nature à démontrer la réalité du projet agricole du GFA Le Bayon à la date de délivrance des permis de construire en litige ; que si la commune soutient que la destination du bâtiment principal a été modifiée pour accueillir le siège de l'entreprise de travaux Sotemac, il ressort des pièces du dossier, comme l'a justement constaté le tribunal, que cette entreprise n'a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés qu'au cours de l'année 2007, soit quatre ans après l'obtention du permis de construire et qu'elle avait pour mission d'exécuter des travaux de voirie autour des bâtiments, ainsi que cela ressort du courrier adressé par cette société le 26 octobre 2011 à M. F..., l'autre représentant du GFA Le Bayon ; qu'en outre, M. A... soutient, sans être contredit, que cette entreprise lui est étrangère et qu'elle occupe le terrain illégalement depuis 2010, sans verser de loyers ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'en a jugé également à bon droit le tribunal, la vente des parcelles cadastrées AC 65 et 25 avant la délivrance du permis de construire ne saurait démontrer une intention délibérée de tromper l'administration sur la superficie de l'emprise du projet, dès lors que cette vente n'a porté que sur des parcelles d'une superficie très minime au regard de la surface totale du terrain, et qu'elles supportaient un projet de gîte rural accessoire à l'exploitation agricole ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune ne démontre ni que les dossiers de demande de permis de construire, tant initial que modificatif, ni que le comportement de l'intéressé avant le dépôt de ces demande ou durant leur instruction révèleraient l'existence d'une fraude et ce alors même que les plans des permis de construire délivrés n'ont pas été respectés et que les bâtiments prévus n'ont pas tous été réalisés ou n'ont pas été affectés à un usage conforme au règlement du plan local d'urbanisme de la commune en vigueur ; que, par suite, la décision du 29 novembre 2012, par laquelle le maire de la commune de Gignac la Nerthe a retiré le permis de construire délivré le 24 décembre 2003 et le permis de construire modificatif délivré le 5 août 2005 au GFA Le Bayon qui est intervenue au-delà du délai de trois mois fixé par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme est pour ce motif illégale ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Gignac la Nerthe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 27 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté en litige ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. A... qui n'a pas la qualité de partie perdante à la présente instance, verse quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune, le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A..., représentant du GFA Le Bayon, et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête la commune de Gignac la Nerthe est rejetée.
Article 2 : La commune de Gignac la Nerthe versera une somme de 2 000 euros à M. A..., représentant du GFA le Bayon, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gignac la Nerthe, à M. B... A..., représentant du GFA Le Bayon.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2016, où siégeaient :
- M. d'Hervé, président de chambre,
- Mme Josset, présidente-assesseure,
- M. Gonneau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 mai 2016.
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N° 14MA01167
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