Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 février 2017 et le 26 janvier 2018, Mme B...C..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 27 octobre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa demande, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me A...au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- sa demande de titre de séjour n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision faisant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...C...ne sont pas fondés.
Mme B...C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...C..., née le 17 juillet 1984, de nationalité cap-verdienne, a demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11,7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. L'arrêté contesté vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les principales dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables au litige. L'arrêté mentionne également la date d'entrée et les conditions de séjour en France de Mme B...C.... Il indique par ailleurs qu'elle a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement. Enfin, il examine sa situation au regard de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux. Ainsi, l'arrêté contesté comporte de façon suffisamment circonstanciée l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui permettent de vérifier que l'administration a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, les moyens tirés, d'une part, de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'une insuffisance de motivation au regard des dispositions des articles L. 211-2 et -5 du code des relations entre le public et l'administration et, d'autre part, de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de l'intéressée doivent être écartés, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Mme B...C...établit la durée de son séjour à compter du mois de février 2009, soit depuis six ans et demi à la date de la décision contestée. Si elle a exercé une activité professionnelle à temps partiel quelques mois en 2009 et du mois de juin 2011 au 4 mars 2014, en utilisant au demeurant une fausse carte d'identité portugaise, cet élément n'est pas de nature à établir une particulière intégration socio-économique à la date de l'arrêté contesté. Son mariage avec un ressortissant cap-verdien titulaire d'un titre de séjour, tout comme la naissance de leur fille, qui est son troisième enfant, sont postérieurs à la décision en litige, et la requérante ne produit aucun document établissant l'existence d'une vie commune au titre de l'année 2015. Par ailleurs, si le père de son deuxième enfant réside régulièrement sur le territoire national, il ne ressort pas de la seule copie de six virements postaux, dont certains sont postérieurs à la décision contestée, que celui-ci participerait à l'éduction et à l'entretien de son fils. La circonstance que les frères et cousins de l'intéressée, avec lesquels elle n'établit pas avoir des relations suivies, sont titulaires de titre de séjour n'est pas de nature à lui ouvrir droit au séjour. Il en est de même de la scolarisation de ses deux premiers enfants sur le territoire national. Enfin, elle ne justifie pas ne plus avoir d'attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, Mme B...C...n'est pas fondée à soutenir que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe en France et que l'arrêté préfectoral contesté porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions de l'article L. 313-11,7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention signée à New York le
26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les éléments produits par Mme B...C...ne permettent pas d'établir que le père de son deuxième enfant entretenait à la date de la décision contestée, des relations effectives et régulières avec cet enfant et participait à son éducation. La requérante ne justifie pas non plus que ses deux premiers enfants, dont le premier est né au Cap Vert, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, ni que le père de sa fille née en 2017 pourvoirait à l'entretien et à l'éducation de ses autres enfants issus de précédentes unions vivant sur le territoire national. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour doivent être rejetées. Le moyen tiré de l'illégalité de cette décision, invoqué par voie d'exception à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, doit, par voie de conséquence, être écarté.
9. Les moyens tirés de ce que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues doivent être écartés pour les motifs mentionnés aux points 5 et 7.
10. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés en particulier au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en obligeant Mme B...C...à quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté dès lors, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, que cette décision n'est pas entachée d'illégalité.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 octobre 2015.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte par Mme B...C...doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit au conseil de Mme B... C...au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018 où siégeaient :
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.
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N° 17MA00549
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