Par une requête, enregistrée le 20 août 2014, le préfet des Hautes-Alpes demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 21 juillet 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Marseille.
Il soutient que :
- c'est à bon droit qu'il a fait application du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence du magistrat désigné pour statuer sur les conclusions à fin d'annulation du refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le préfet des Hautes-Alpes relève appel du jugement du 21 juillet 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions du 16 juillet 2014 par lesquelles il a refusé à M.B..., de nationalité pakistanaise, l'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français en fixant le pays de destination et l'a placé en rétention ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. (...) III. En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification.
Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation. Toutefois, si l'étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, son recours en annulation peut porter directement sur l'obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. (...) Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l'objet en cours d'instance d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l'administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que la demande de M. B..., en ce qu'elle tendait à l'annulation de la décision du 16 juillet 2014 par laquelle le préfet des Hautes-Alpes a refusé son admission provisoire au séjour, devait être jugée en formation collégiale ; que, par suite, en accueillant la demande de M. B...tendant à l'annulation de cette décision, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'irrégularité ; que celui-ci doit, dans cette mesure, être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision du préfet des Hautes-Alpes du 16 juillet 2014 portant refus d'admission provisoire de séjour et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet des Hautes-Alpes du 16 juillet 2014 portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date d'édiction de la décision administrative attaquée : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente " ;
6. Considérant que lors de son audition le 16 juillet 2014 par les services de police, M. B... a indiqué vouloir déposer une demande d'asile et devoir, préalablement au dépôt de cette demande, se rendre le 4 août 2014 auprès d'une plate-forme d'accueil pour demandeurs d'asile dénommée Coallia 93 en vue de se faire domicilier ; qu'il a produit aux services de police cette convocation ; que le chef de service de cette plate-forme a confirmé que M. B... s'était présenté le 10 juillet 2014 en vue de se faire domicilier et qu'un rendez-vous avait été fixé pour le 4 août suivant ; que, compte tenu de l'ensemble de ces pièces, et malgré l'absence de nom et de date sur la convocation, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile du requérant aurait été formulée en vue de faire échec à une mesure d'éloignement imminente ; que le préfet ne pouvait donc refuser l'admission provisoire au séjour de M. B...au titre de l'asile sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que la décision du 16 juillet 2014 portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile doit être annulée ;
Sur le bien-fondé du surplus du jugement :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code, dans sa rédaction applicable à la date des décisions du préfet des Hautes-Alpes : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le a du 3° du II de l'article L. 511-1 n'est pas applicable " ;
9. Considérant que l'annulation d'une décision de refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile entraîne l'annulation par voie de conséquence des décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et portant placement en rétention administrative ; que l'annulation de la décision refusant d'admettre M. B... provisoirement au séjour au titre de l'asile ayant été prononcée au point 7, le préfet n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions faisant obligation à M. B... de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et prescrivant son placement en rétention administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 21 juillet 2014 est annulé.
Article 2 : La décision du préfet des Hautes-Alpes du 16 juillet 2014 portant refus d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M.B....
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- M. Laso, président assesseur,
- MmeC..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 juillet 2016.
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N° 14MA03676