Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2014, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 13 octobre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 24 juillet 2014 ;
3°) d'enjoindre à titre principal au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête ne pouvait être rejetée par ordonnance compte tenu des moyens opérants qu'il avait soulevés ;
- aucun débat contradictoire n'a été organisé, ce qui porte atteinte aux articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît le principe général du droit d'être entendu énoncé à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa demande au regard des craintes qu'il a invoquées en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 janvier 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C...a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., de nationalité arménienne, relève appel de l'ordonnance du 13 octobre 2014 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé " ;
3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, M. A... a invoqué notamment le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen était assorti de faits qui n'étaient manifestement pas insusceptibles de venir à son soutien ; qu'il n'était ni irrecevable ni inopérant et était assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ainsi, la demande ne pouvait être jugée que par une formation collégiale ; que, par suite, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait, sans excéder sa compétence, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M. A... ; que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est par suite suffisamment motivée et ne méconnaît pas les dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait en mentionnant que les parents et la soeur de M. A...avaient fait l'objet d'une " procédure similaire ", dès lors que les demandes d'asile que ces derniers ont formulées ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, quand bien même une carte de séjour temporaire portant la mention " étranger malade " a été délivrée ultérieurement au père de M.A... ;
6. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France le 28 août 2011 accompagné de ses parents et de sa soeur ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ont refusé de leur reconnaître la qualité de réfugié ; que M. A...est célibataire, sans charge de famille et ne démontre pas être dépourvu d'attaches en Arménie ; que compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, il n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, malgré la délivrance à son père d'un titre de séjour pour raisons de santé valable six mois ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III " ; que M. A...se trouvant dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de séjour ; que dès lors que le refus de titre de séjour opposé à M. A... comportait les éléments de droit et de fait sur lesquels il était fondé et était, par suite, suffisamment motivé comme il a été exposé au point 4 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'appelait pas d'autre mention spécifique pour respecter l'exigence de motivation posée par le I de l'article L. 511-1 ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement soit prise à son encontre (...) " ;
9. Considérant que lorsqu'il sollicite son admission au séjour au titre de l'asile auprès du préfet, l'étranger doit être regardé comme présentant une demande de délivrance de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-13 et du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien en France, il ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement, d'autant que, selon l'article R. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger auquel est refusée la délivrance d'un titre de séjour est, en principe, tenu de quitter le territoire national ; qu'ainsi, la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance du titre de séjour prévu à l'article L. 313-13 ou au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'ait pas, préalablement à l'édiction de cette mesure d'éloignement et de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, alors que l'intéressé, qui ne pouvait pas l'ignorer, n'a pas été privé de la possibilité de s'informer plus avant à ce sujet auprès des services préfectoraux ni de présenter utilement ses observations écrites ou orales sur ce point avant l'édiction de la décision d'éloignement, n'est pas de nature à permettre de regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit d'être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
10. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt ;
11. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été indiqué aux points 4 à 6 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de celle portant obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant, en premier lieu, que la décision fixant le pays de destination, qui vise les articles L. 511-1, I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne la nationalité du requérant, est suffisamment motivée ;
13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet s'est livré à un examen de la situation du requérant au regard des craintes que ce dernier a invoquées en cas de retour en Arménie ;
14. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont refusé de reconnaître à M. A...la qualité de réfugié ; que l'intéressé ne produit aucune pièce démontrant qu'il encourrait des risques personnels et actuels en cas de retour en Arménie ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Montpellier doit être rejetée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 juillet 2014, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...ne peuvent être accueillies ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
17. Considérant que les dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une somme à MeB..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 13 octobre 2014 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- M. Laso, président-assesseur,
- MmeC..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 juillet 2016.
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N° 14MA04585