Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 janvier 2015, M. et Mme B..., représentés par la SELARL Kihl-A..., agissant par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 décembre 2014 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la proposition de rectification, qui n'identifie pas les sociétés en participation dont ils étaient membres et qui ne présentaient pas un caractère occulte, n'est pas suffisamment motivée ;
- l'administration fiscale a méconnu les obligations prévues à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et le devoir de loyauté ;
- elle aurait dû leur communiquer les éléments obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL Dom Tom Défiscalisation ;
- l'administration fiscale avait l'obligation de procéder à une vérification de comptabilité des sociétés en participation dans lesquelles ils avaient souscrit des parts préalablement au contrôle sur pièces dont ils ont fait l'objet ;
- seule une visite sur place aurait pu permettre de constater l'existence ou non des investissements à l'origine du litige ;
- le procédé consistant à utiliser les informations obtenues dans le cadre du droit de communication au lieu de procéder au contrôle des sociétés en participation constitue un détournement de procédure, qui les a privés des garanties fondamentales des droits de la défense et méconnaît de nouveau le devoir de loyauté ;
- ils ont réalisé des investissements productifs au sens de la loi fiscale et de la doctrine administrative du 12 septembre 2012 référencée BOI-BIC-RICI-20-10-10-20 ;
- l'article 199 undecies du code général des impôts n'impose pas que l'investissement ait reçu l'agrément du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité ni qu'il soit raccordé au réseau d'Électricité de France ;
- la doctrine administrative référencée BOI-SJ-AGR-40 du 7 octobre 2013 ne comporte également aucune obligation de ce genre ;
- le droit à réduction d'impôt naît de la simple livraison du bien au sens de l'article 1604 du code civil ;
- la doctrine administrative référencée BOI-SJ-AGR-40 du 7 octobre 2013 le confirme ;
- l'absence de raccordement des matériels au réseau d'électricité est totalement indépendante de la volonté des sociétés en participation mais s'explique par le fonctionnement d'Électricité de France aux Antilles.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevé par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme B..., ont appliqué à leurs revenus de l'année 2008 la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts au titre d'investissements productifs réalisés par différentes sociétés en participation, dont ils étaient membres, ayant pour objet d'acquérir des équipements photovoltaïques en Martinique ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale ; que M. et Mme B... demandent à la Cour d'annuler le jugement du 4 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les revenus à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 à la suite de ce contrôle ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'absence de contrôle des sociétés en participation :
2. Considérant que le supplément d'impôt mis à la charge de M. et Mme B... résulte exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont ils ont entendu bénéficier à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés en Martinique ; que l'imposition en litige ne procède pas du rehaussement du résultat de sociétés, qui aurait été taxable entre les mains de leurs associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes ; que, dès lors, l'administration fiscale n'était pas tenue de procéder à la vérification de comptabilité ou à un contrôle sur place des sociétés en participation dont M. et Mme B... étaient associés préalablement au contrôle sur pièces dont ils ont fait l'objet ; que le moyen tiré de l'absence de tels contrôles ne peut qu'être écarté ; qu'il en va de même, en tout état de cause, des moyens tirés de ce que l'administration fiscale aurait, en s'abstenant de procéder à de tels contrôles, commis un détournement de procédure ou manqué à son obligation de loyauté ;
En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;
4. Considérant, d'une part, que la proposition de rectification adressée à M. et Mme B... le 14 novembre 2011 mentionne les textes applicables et les raisons pour lesquelles la réduction d'impôt pratiquée par eux à raison des investissements réalisés outre-mer n'a pu être acceptée ; qu'elle précise, à cet égard, que les attestations fiscales émises par la SARL Dom Tom Défiscalisation (DTD), gérante des différentes sociétés en participation dans lesquelles M. et Mme B... possédaient des participations, ne sauraient suffire à justifier le montant et la réalité des investissements allégués et que la SARL DTD ne justifie pas les achats de matériel ni le crédit fournisseur qui aurait été consenti aux sociétés en participation ; que la proposition de rectification précise que, pour l'année 2008, il y a une disproportion entre les fonds collectés auprès des particuliers et les investissements prétendument réalisés, que les investissements ne sont pas en état de fonctionner de manière autonome et qu'ils ne répondent pas aux exigences de l'article 199 undecies B pour permettre d'ouvrir droit aux réductions d'impôt ; que cette motivation est suffisante et a permis à M. et Mme B... d'engager un débat contradictoire avec l'administration fiscale ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et des mentions, non utilement contestées, de la proposition de rectification du 14 novembre 2011 que le montage tel que décrit par l'administration fiscale concernait deux cent vingt et une sociétés en participation, sans qu'il soit possible de déterminer à quelle société devait être rattaché le matériel acquis, les équipements photovoltaïques n'étant pas individualisés au sein de chaque société en participation et le financement des installations ne présentant aucune traçabilité ; que, dans ces conditions, M. et Mme B... ne sont pas fondés à reprocher à l'administration fiscale de ne pas avoir individualisé dans la proposition de rectification les différentes sociétés en participation et de ne pas avoir indiqué les noms de celles dont ils étaient membres dès lors, au surplus, que ceux-ci étaient nécessairement connus des requérants et que cette absence de précision n'a pu les induire en erreur sur la nature des rectifications notifiées ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des obligations de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; que si, lorsqu'elle envisage de modifier les bases d'imposition d'un contribuable, il incombe à l'administration d'informer celui-ci de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a pu obtenir dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, afin qu'il soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les pièces concernées soient mises à sa disposition, cette obligation ne porte que sur les renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux rectifications ;
7. Considérant que les rectifications portées à la connaissance de M. et Mme B... proviennent d'éléments recueillis dans le cadre du droit de communication exercé par l'administration auprès des services douaniers, de transitaires en douane et d'Électricité de France ; que la proposition de rectification du 14 novembre 2011 a informé les requérants que ces éléments avaient été obtenus grâce au droit de communication exercé auprès de cette administration et de ces entreprises avec une précision suffisante pour leur permettre de demander que les documents contenant ces renseignements soient mis à leur disposition ; qu'en outre, s'il n'est pas contesté que le service a procédé à une vérification de comptabilité de la SARL DTD, gérante des sociétés en participation, il ne résulte pas de l'instruction que les renseignements obtenus dans le cadre des opérations de contrôle de cette société auraient fondé les rectifications contestées, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B... ; que c'est, par suite, à bon droit que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / (...) La réduction d'impôt est de 50 % du montant hors taxes des investissements productifs (...) / La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) " et qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code, dans sa rédaction applicable : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date à laquelle, du fait de sa livraison effective ou de sa création dans le département ou le territoire d'outre-mer, l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé peut être effectivement exploitée et être productive de revenus ; que, dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les contribuables, l'administration et le tribunal administratif ont retenu à bon droit que les matériels qui ont fait l'objet des investissements devaient être opérationnels pour que l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts puisse être accordé ; qu'il appartient en outre au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de cet avantage fiscal ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse à des demandes de communication de l'administration fiscale, Électricité de France a indiqué qu'au titre de l'année 2008, aucune demande de raccordement au réseau électrique n'avait été déposée par la société Lynx Industrie Caraïbes ou par d'autres intervenants et qu'aucun des équipements photovoltaïques n'avait fait l'objet d'un raccordement au réseau ; qu'il résulte également de l'instruction qu'aucun certificat de conformité n'a été délivré par l'organisme agréé que constitue le comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité au cours des mêmes années ; que, si les requérants soutiennent que ces conditions ne seraient pas requises par les textes en vigueur, ces faits, tels que rappelés par l'administration, constituent des indices de l'absence de livraison effective des équipements photovoltaïques et ne révèlent pas que le service aurait entendu ajouter aux dispositions de la loi fiscale des conditions qui n'y figurent pas ; que le moyen tiré par les requérants de ce qu'ils ne sauraient être tenus pour responsables d'une absence de raccordement au réseau des matériels compte tenu d'un supposé retard de traitement des demandes et d'un moratoire d'installation demandé en matière photovoltaïque par Électricité de France ne peut qu'être écarté compte tenu de ce qui a été dit au point précédent au sujet du fait générateur de la réduction d'impôt ; que, dans ces conditions, les investissements dont se prévalent les contribuables ne pouvaient, en application de la loi fiscale, ouvrir droit à la réduction d'impôt sollicitée ;
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :
11. Considérant que M. et Mme B... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des instructions du 12 septembre 2012 référencée BOI-BIC-RICI -20-10-10-20 et du 7 octobre 2013 référencée BOI-SJ-AGR-40, dès lors que les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures que des interprétations antérieures à l'imposition primitive, ou sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 A, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, que des interprétations antérieures à l'expiration du délai de déclaration et qu'en l'espèce, les interprétations invoquées sont postérieures tant à l'imposition primitive qu'au délai de déclaration ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- Mme Markarian, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
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N° 15MA00388