Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 avril 2015, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 novembre 2014 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes de Haute-Provence du 30 octobre 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour et d'éloignement est insuffisamment motivée ;
- l'avis du médecin inspecteur de la santé publique est rédigé sous une forme évasive ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- elle remplit les conditions prévues au 7° et au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la mesure d'éloignement est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et se trouve dépourvue de base légale ;
- la décision portant refus d'accorder un délai de départ supérieur à trente jours est insuffisamment motivée.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 juin 2015, le préfet des Alpes de Haute-Provence conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 janvier 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.
1. Considérant que Mme B..., de nationalité marocaine, née le 15 septembre 1979, a sollicité le 13 février 2013 une admission au séjour au regard de l'état de santé de sa fille mineure née le 29 décembre 2003 sur le fondement de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 30 octobre 2013, le préfet des Alpes de Haute-Provence lui a refusé la délivrance de ce titre et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois à destination du pays dont elle a la nationalité ; que Mme B... relève appel du jugement du 3 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la requérante reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance tirés, d'une part, de l'insuffisante motivation de la décision de refus de séjour et de l'imprécision de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique, et, d'autre part, de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire et du refus d'accorder un délai de départ supérieur à trente jours ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent aucun élément nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal, par adoption des motifs retenus à bon droit par celui-ci ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (ses deux plus jeunes enfants et sa mère et dans lequel elle a vécu l'essentiel de sa vie étant arrivée en France) dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé " et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
4. Considérant qu'après examen du dossier médical de la fille de la requérante, qui souffre d'épilepsie, de troubles du sommeil et de nervosité, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, dans son avis du 17 octobre 2013, que si l'état de santé de l'enfant nécessitait une prise en charge médicale et kinésithérapeutique pendant une durée de douze mois dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée était susceptible de recevoir des soins appropriés dans son pays d'origine vers lequel elle pouvait voyager sans risque ; que si la requérante soutient que son enfant a vécu au Maroc dans un climat de violence familiale, elle ne fournit aucun certificat médical ou autre élément probant de nature à contredire l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé ou à permettre d'établir une relation entre les pathologies de l'enfant et sa présence au Maroc ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " et qu'aux termes de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine " ;
6. Considérant que, si Mme B... indique qu'elle est divorcée du père de ses trois enfants qui aurait créé un climat familial empreint de violence et que sa vie privée et familiale se situerait en France depuis le mois de novembre 2012, eu égard au caractère récent de son séjour en France à la date de la décision préfectorale, à l'existence d'attaches familiales fortes au Maroc, pays où demeurent ses deux plus jeunes enfants et sa mère et dans lequel elle a vécu l'essentiel de sa vie étant arrivée en Franceà l'âge de trente et un ans et alors, en outre, que le père de la fille de Mme B..., dont l'addiction à l'alcool serait à l'origine de certains risques, vit en Italie, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;
8. Considérant que la requérante, qui indique que sa fille Selma est scolarisée en classe de CM1, n'allègue ni ne démontre que celle-ci ne pourrait poursuivre sa scolarité au Maroc, pays dont elle a la nationalité ; que, compte tenu également de ce qui a été dit au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
9. Considérant, enfin, que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'en l'espèce et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme B... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, en premier lieu, que la requérante n'établit pas que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'illégalité ; qu'elle ne saurait soutenir, par voie d'exception, que l'obligation de quitter le territoire français reposerait sur une décision illégale ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles prévoient que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans certains cas limitativement énumérés, ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qui imposent que les décisions de retour indiquent leurs motifs de fait et de droit, dès lors qu'en portant à la connaissance de l'étranger les raisons pour lesquelles il n'est pas admis à séjourner en France, l'autorité administrative l'informe par là même et de manière suffisante des motifs pour lesquels il est contraint de sortir du territoire français ; que la mesure d'éloignement n'est donc pas privée de base légale ;
12. Considérant, en dernier lieu, que les moyens tirés de ce que l'obligation qui a été faite à Mme B... de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés s'agissant du refus de titre de séjour ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes de Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
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N° 15MA01525