Par une ordonnance n° 1500901 du 10 mars 2015, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 août 2015 et le 16 juin 2016, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille a considéré que le délai de recours était expiré lorsqu'elle a présenté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige ;
- le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille ne pouvait rejeter son recours par voie d'ordonnance en se fondant sur les dispositions de l'article R. 222-1 7° du code de justice administrative ;
- l'arrêté préfectoral méconnaît l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle justifie résider habituellement en France depuis 1999, auprès de sa mère qui a été naturalisée ;
- la décision contestée entraîne des conséquences excessives sur sa situation personnelle et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 juillet 2015, Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique le rapport de Mme Carotenuto.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante comorienne, relève appel de l'ordonnance du 10 mars 2015 par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7º Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. " ;
3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille, Mme A...a notamment invoqué, à l'encontre de l'arrêté du 5 janvier 2015 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français l'atteinte disproportionnée portée à sa vie privée et familiale et l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle, en faisant valoir qu'elle vivait habituellement en France depuis 1999 et qu'elle y a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux aux côtés de sa mère et de sa soeur qui y résident régulièrement ; que ces moyens, qui n'étaient pas dépourvus des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé et n'étaient pas inopérants, étaient assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien ; que les termes dans lesquels ils étaient exprimés, qui permettaient d'en saisir le sens et la portée, les rendaient suffisamment intelligibles pour que le juge exerçât son office en en appréciant le mérite au regard des pièces produites ; que, dès lors, la demande de Mme A...n'entrait pas dans le champ d'application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et relevait de la seule compétence du tribunal administratif statuant en formation collégiale ; qu'il suit de là que l'ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 10 mars 2015 est entachée d'irrégularité et doit être annulée pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant que pour justifier de l'ancienneté et de l'intensité de ses liens personnels et familiaux avec la France où elle séjournerait depuis l'année 1999, Mme A...produit quelques ordonnances, feuilles d'honoraires ou résultats d'examens médicaux qui ne couvrent que partiellement la période en cause et n'établissent pas qu'elle y résiderait habituellement ; que les avis d'impôt sur le revenu produit depuis l'année 2001 font apparaître que Mme A...ne déclare aucun revenu ; qu'en produisant une attestation selon laquelle elle a suivi des cours d'initiation à l'informatique du 4 mai au 29 juin 2009 à raison de deux heures par semaine ainsi qu'une attestation selon laquelle elle participe à un atelier informatique depuis février 2011, Mme A...ne justifie pas d'une insertion socio-professionnelle en France ; qu'enfin, si l'intéressée, célibataire et sans enfant, fait valoir que les autres membres de sa fratrie ne résident plus aux Comores, elle n'en justifie pas et n'établit donc pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de dix-neuf ans ; que dans ces conditions, et alors même que sa mère et sa soeur, de nationalité française, résident en France, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue duquel il a été pris ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeA... ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 janvier 2015 ; que ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 10 mars 2015 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, où siégeaient :
- M. Martin, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code justice administrative,
- Mme Massé-Degois, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
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N° 15MA03350