Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2015, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon en date du 27 avril 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 23 février 2015 du préfet du Var ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'article R. 222-1 du code de justice administrative n'était pas applicable ;
- le préfet devait saisir la commission du titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il justifie avoir résidé habituellement en France plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait, d'erreur manifeste d'appréciation, et méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles 3 et 7ter d) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- l'arrêté querellé est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant aux motifs exceptionnels d'admission au séjour par son insertion professionnelle ainsi que pour des motifs humanitaires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pocheron,
- et les observations de MeB..., substituant à l'audience MeC..., représentant M.A....
1. Considérant que M.A..., de nationalité tunisienne, relève appel de l'ordonnance en date du 27 avril 2015 par laquelle la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 23 février 2015 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé la Tunisie comme pays de destination ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : // (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.(...) " ;
3. Considérant qu'à l'appui de la demande qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Toulon, M. A...a notamment soutenu que, justifiant de plus de dix ans de résidence habituelle en France à la date de l'arrêté litigieux, c'est à tort que le préfet du Var n'avait pas saisi la commission du titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce moyen, à l'appui duquel il a indiqué de manière détaillée et circonstanciée les éléments justifiant selon lui la durée de sa résidence habituelle sur le territoire français, ne pouvait ainsi être regardé comme manifestement infondé ; que, la demande de M. A...ne pouvait en conséquence être jugée que par une formation collégiale ; que, par suite, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon ne pouvait, sans excéder sa compétence, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 pour rejeter cette demande ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulon ;
Sur la légalité de l'arrêté en date du 23 février 2015 du préfet du Var :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11, ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article, peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., pour établir sa résidence habituelle en France pendant l'année 2007, se borne à produire une attestation CPAM et une feuille de soins du 1er octobre 2007, et, pendant les années 2011 et 2012, des factures et documents bancaires, qui n'établissent qu'une présence ponctuelle de l'intéressé sur le territoire national ; que, par suite, M. A...ne justifie pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, et le moyen tiré de ce que le préfet du Var devait, en application des dispositions sus-rappelées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, saisir la commission du titre de séjour, doit être écarté ; qu'en outre, la simple circonstance que le requérant justifierait d'un contrat de travail et d'une promesse d'embauche n'étant pas de nature à démontrer l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à justifier son admission au séjour, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu son pouvoir de régularisation en violation de ces mêmes dispositions ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " -1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant que, ainsi qu'il a été dit, M.A..., célibataire, sans charge de famille, ne justifie pas avoir résidé habituellement en France depuis l'année 2004 comme il le prétend ; qu'il n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside son épouse et ses deux enfants ; que, par suite, l'arrêté querellé, qui n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, ne méconnaît pas l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale du requérant ;
9. Considérant qu'aux termes des stipulations du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé : " Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : - Les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que les ressortissants tunisiens ne justifiant pas d'une résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008, ne sont pas admissibles au bénéfice de l' article 7 ter d) de l'accord franco tunisien ;
10. Considérant que M.A..., qui déclare lui-même être entré pour la première fois sur le territoire français en 2004, ne peut utilement se prévaloir des stipulations précitées du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien, dès lors qu'au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008, il ne pouvait en tout état de cause prétendre avoir résidé habituellement en France depuis plus de dix ans ;
11. Considérant qu'en vertu des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, la délivrance du titre de séjour portant la mention " salarié " au ressortissant de nationalité tunisienne est notamment subordonnée à la production, à l'autorité administrative, d'un visa de long séjour d'une durée supérieure à trois mois ; qu'il est constant que M. A...est dépourvu de visa de long séjour ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulon doit être rejetée ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être également rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A...la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 27 avril 2015 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulon est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2006, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juin 2016.
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N° 15MA01885