Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2015, Mme C... épouseB..., représentée par la SCP Lafont-Carillo-Chaigneau, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2015 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à Me Chaigneau.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation en lui refusant un droit au séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle remplit les conditions prévues par la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... épouse B...ne sont pas fondés.
Mme C... épouse B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Ouillon.
1. Considérant que Mme C... épouseB..., ressortissante marocaine née en 1986, est entrée en France selon ses déclarations le 12 novembre 2005 ; qu'elle a présenté le 12 mars 2015 une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par arrêté du 18 mars 2015, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme C... épouse B...tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision de refus de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser de délivrer un titre de séjour à un étranger ou de procéder à son éloignement d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie privée et familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par les mesures de refus de séjour et d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse B...s'est mariée, sur le territoire national, le 30 avril 2011 avec un compatriote, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 25 mars 2018 ; que de leur union sont nés, en France, deux enfants les 12 janvier 2012 et 29 janvier 2015 ; que le préfet ne conteste pas la réalité de la vie commune du couple depuis le mariage ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'un oncle et un cousin de l'intéressée résident régulièrement en France ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu particulièrement de la réalité et de l'ancienneté de son mariage, alors même que l'intéressée entre dans les catégories ouvrant droit au bénéfice du regroupement familial, le préfet de l'Hérault, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a porté au droit de Mme C... épouse B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue duquel cette décision a été prise ; qu'il a donc méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la décision de refus de séjour doit être annulée pour ce motif ; que l'annulation de cette dernière décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions obligeant Mme C... épouse B...à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... épouse B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt, qui annule, notamment, la décision de refus de séjour du 18 mars 2015, eu égard au motif sur lequel il se fonde et en l'absence alléguée de changement de circonstances, implique que le préfet de l'Hérault délivre à Mme C... épouse B...le titre sollicité ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à la requérante un titre de séjour d' un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant qu'en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, l'Etat versera à Me Chaigneau, avocat de Mme C... épouseB..., la somme de 1 500 euros, la perception de cette somme valant renonciation à l'aide juridictionnelle ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1502418 du 7 juillet 2015 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 mars 2015 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme C... épouse B...un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Chaigneau la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la perception de cette somme valant renonciation à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... épouse B...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...épouseB..., à Me Chaigneau et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
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N° 15MA03321