Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 août 2015, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 23 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière à défaut de consultation de la commission du titre de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors que sa nationalité n'est pas établie ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code précité et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2015, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ouillon,
- et les observations de Me A... substituant Me C..., représentant M. D....
1. Considérant que M. D..., né au Kosovo en 1993, est entré en France selon ses déclarations en juillet 1998 ; qu'il a présenté le 15 janvier 2015 une demande de délivrance d'un titre de séjour ; que, par arrêté du 23 avril 2015, le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision de refus de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France en novembre 2001, à l'âge de huit ans, avec ses parents et ses frères et soeurs et qu'il y réside depuis lors ; que ses parents résident régulièrement en France ainsi que cinq de ses frères et soeurs ; qu'il soutient, sans être utilement contredit par le préfet, ne plus disposer d'attaches familiales au Kosovo ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la nature et de l'intensité de ses liens familiaux en France, la décision de refus de séjour du 23 avril 2015 du préfet du Gard a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention précitée ; que, pour ce motif, cette décision de refus de séjour doit être annulée ; que doivent également être annulées, par voie de conséquence, les décisions obligeant M. D... à quitter le territoire français et désignant le pays de destination ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que le présent arrêt, qui annule, notamment, la décision de refus de séjour du 23 avril 2015, eu égard au motif sur lequel il se fonde et en l'absence alléguée de changement de circonstances, implique que le préfet du Gard délivre à M. D... le titre de séjour sollicité ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Gard de délivrer au requérant un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1501656 du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Gard du 23 avril 2015 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nîmes.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
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N° 15MA03480