Par un jugement n°1104849 du 15 janvier 2013, le tribunal administratif de Nice a condamné la Métropole Nice Côte d'Azur à verser à M. C... une somme de 127 972 euros en réparation du préjudice qu'il a subi.
Par un arrêt n° 13MA01094 du 30 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie par la Métropole Nice Côte d'Azur, a annulé le jugement du tribunal administratif de Nice du 15 janvier 2013, mis hors de cause l'Etat et le département des Alpes-Maritimes, condamné la Métropole Nice Côte d'Azur à verser à M. C... une somme de 10 000 euros et rejeté les surplus des conclusions des parties.
Par une décision n° 386763 du 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a, sur pourvoi de M. C..., annulé les articles 1er, 3 et 4 de l'arrêt de la Cour du 30 octobre 2014 et renvoyé l'affaire devant la Cour dans la mesure de la cassation prononcée.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 mars 2013, le 30 janvier 2014, le 2 octobre 2014 et le 7 mars 2016, la Métropole Nice Côte d'Azur, représenté par la SELARL Adden Avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2013 du tribunal administratif de Nice ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif et, à titre subsidiaire, de limiter le montant de la réparation octroyée à M. C... à 10 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer en ce qu'il ne répond pas aux moyens tirés du défaut de demande préalable, de ce que le transfert de compétences de la voierie départementale n'a pas entraîné le transfert de l'obligation de réparer les dommages et de ce que les fonds situés en amont de la parcelle de M. C... n'ont pas correctement canalisés les eaux de ruissellement ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne précise pas le fondement de la responsabilité retenu ;
- les premiers n'ont pas épuisé leur pouvoir d'instruction en ne s'assurant pas que le requérant n'avait pas été indemnisé par son assureur ;
- l'Etat est la seule personne publique en charge de l'aménagement et de l'entretien de la voie à la date de la survenance du dommage ;
- l'indemnisation accordée à M. C... est excessive ;
- l'existence du préjudice n'est pas établie dès lors que M. C... ne justifie pas avoir payé le devis du 24 janvier 2007 ;
- l'indemnité octroyée ne doit pas excéder la valeur totale du préjudice subi ni la valeur vénale de l'immeuble au jour du dommage.
Par des mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés le 21 juin 2013, le 13 mai 2014, le 26 janvier 2016 et le 23 mars 2016, M. C... conclut :
- au rejet de la requête ;
- à l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a limité la condamnation de la Métropole Nice Côte d'Azur à la somme de 127 972 euros ;
- de condamner la Métropole Nice Côte d'Azur à lui verser une somme de 197 400 euros en réparation du préjudice qu'il a subi ;
- de mettre à la charge de la Métropole Nice Côte d'Azur les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par la Métropole Nice Côte d'Azur sont infondés ;
- son préjudice s'élève à 182 988 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2014, le département des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'à la date à laquelle le tribunal administratif de Nice s'est prononcé, la route départementale n° 6007 était la propriété de la métropole Nice Côte d'Azur.
Les parties ont été informées le 30 septembre 2014, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur les conclusions de M. C... tendant à la mise à la condamnation de la Métropole Nice Côte d'Azur à assumer la charge des dépens de l'expertise ordonnée par la juridiction judiciaire.
Par une ordonnance du 1er mars 2016 la clôture de l'instruction a été prononcée à la date de son émission, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Le mémoire du 4 avril 2016 présenté pour la Métropole Nice Côte d'Azur n'a pas donné lieu en application des dispositions de R. 611-1 du code de justice administrative à communication.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la voirie routière ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales ;
- le décret du 17 octobre 2011 portant création de la métropole dénommée " Métropole Nice-Côte d' Azur " ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Giocanti,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me E... représentant la Métropole Nice Côte d'Azur et celles de Me D... représentant M. C....
1. Considérant que, dans la nuit du 9 au 10 juillet 2005, de fortes pluies ont provoqué l'effondrement d'une partie du remblai de la route nationale n° 7, devenue la route départementale n° 6007, sur un terrain dont M. C... est propriétaire sur le territoire de la commune de Villefranche-sur-Mer ; qu'estimant que cet effondrement était imputable au caractère défectueux du système d'évacuation des eaux de ruissellement de la route, M. C... a recherché devant le tribunal administratif de Nice la responsabilité de la métropole Nice Côte d'Azur, devenue propriétaire de la route à compter du 31 décembre 2011, et subsidiairement celle du département des Alpes-Maritimes ; que, par un jugement du 15 janvier 2013, le tribunal administratif a écarté toute responsabilité de l' Etat et du département et condamné la métropole Nice Côte d'Azur à verser au requérant la somme de 127 972 euros ; que, saisie par la métropole Nice Côte d'Azur, la Cour a, par un arrêt n° 13MA01094 du 30 octobre 2014, en son article 1er, annulé, pour irrégularité, ce jugement du tribunal administratif de Nice, en son article 2, mis hors de cause l'Etat et le département des Alpes-Maritimes, en son article 3, condamné la métropole Nice Côte d'Azur à verser au requérant la somme de 10 000 euros et, enfin, en son article 4, rejeté les conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par une décision n° 386763 du 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé les articles 1er, 3 et 4 de cet arrêt et, d'autre part, renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la présente Cour pour qu'il y soit statué ; que, dans le dernier état de ses écritures, la métropole Nice-Côte d'Azur demande à la Cour d'annuler le jugement du 15 janvier 2013 du tribunal administratif de Nice, à titre principal, de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif et, à titre subsidiaire, de limiter le montant de la réparation octroyée à M. C... à 10 000 euros ; que, ce dernier demande, par la voie de l'appel incident, dans le dernier état de ses écritures, à ce que cette condamnation de la métropole soit portée à la somme de 197 400 euros ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant, qu'eu égard à la cassation partielle prononcée par la décision précitée du Conseil d'Etat, l'arrêt du 30 octobre 2014 de la présente Cour en ce qu'il a, par son article 2, mis hors de cause l'Etat et le département des Alpes-Maritimes est devenu définitif ; que le motif qui en est le soutien nécessaire, figurant au point 6 de ce même arrêt, par lequel la Cour a jugé que seule la responsabilité de la métropole Nice-Côte d'Azur pouvait être recherchée est ainsi revêtue de l'autorité de chose jugée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant que les premiers juges n'ont pas diligenté de mesure d'instruction afin de s'assurer que M. C... n'avait pas été déjà indemnisé de son préjudice par son assureur ; qu'en se prononçant ainsi, sans s'attacher à vérifier, en recourant au besoin à une telle mesure, si, comme le soutenait devant lui, la métropole, tout ou partie de ces préjudices n'avaient été réparés par l'assureur du demandeur, le tribunal administratif a méconnu son office ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer, dans la mesure résultant du point 2 et de statuer immédiatement sur la demande de M. C... ;
Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la métropole Nice-Côte d'Azur :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : " La prescription est interrompue par : Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) " ; que la saisine par M. C..., en décembre 2005, du tribunal de grande instance aux fins de désignation d'un expert pour déterminer l'origine et l'étendue du dommage, décrit au point 1, et qui était relative à l'existence de la créance dont se prévaut M.C..., a eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription quadriennale ; que le délai de prescription qui n'a recommencé à courir qu'à compter du 1er janvier 2008 dans la mesure où le rapport d'expertise a été notifié au demandeur en février 2007 n'était pas expiré le 30 août 2011, date à laquelle M. C... a adressé une réclamation préalable à l'administration ; que, par suite, l'exception de prescription quadriennale soulevée par la métropole Nice-Côte d'Azur doit être écartée ;
Sur la responsabilité :
6. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ; que, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime ;
7. Considérant qu'il résulte du rapport du 14 février 2007 de M. B..., expert désigné par l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nice, que l'éboulement, sur les parcelles de M. C... situées en aval, du haut du talus aménagé en parking est imputable, d'une part, à l'inadaptation à l'ampleur du ruissellement des eaux pluviales, de l'avaloir de la route et de ses bordures cassées et, d'autre part, à la présence de tranchées accueillant les canalisations d'évacuation des eaux pluviales qui ont joué une rôle de drain aggravant la concentration des eaux vers la zone d'effondrement litigieuse ; que la seule circonstance que le lien de causalité entre le défaut de conception de l'ouvrage public et le préjudice subi par M. C... ait été établi par l'expertise diligentée par juge des référés du tribunal de grande instance de Nice à laquelle la métropole n'a pas participé, n'est pas de nature à démontrer que le dommage ne résulterait pas du fonctionnement de l'ouvrage public en litige ; que M. C..., lequel a la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public en cause, constitué par la route départementale n° 6007 et le réseau de canalisation pour la collecte des eaux de ruissellement de cette même route, doit être regardé, dans de telles circonstances, comme établissant un lien de causalité entre, d'une part, l'effondrement sur sa propriété du talus aménagé en parking et, d'autre part, le fonctionnement de cet ouvrage public appartenant à la métropole ; qu'en conséquence, la responsabilité de la métropole Nice-Côte d'Azur est engagée, même en l'absence de faute, dans la survenue des dommages de M. C..., sans que celle-ci puisse utilement se prévaloir de la carence des propriétaires des fonds supérieurs voisins dans l'entretien de leur bien ; qu'il incombe par suite à la métropole de réparer l'intégralité des conséquences matérielles de ce dommage qui présente un caractère grave et spécial ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne le droit à réparation :
8. Considérant que le préjudice subi par M. C... présentant un caractère certain, la seule circonstance que M. C... ne justifierait pas, par la production d'un simple devis et non d'une facture acquittée, de la réalité des dépenses des travaux à engager ne fait pas obstacle à son droit à réparation ;
9. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. C... ait obtenu une indemnisation de son assureur ;
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les préjudices subis par M. C... résultent, d'une part, des travaux de déblaiement du terrain qui a été entièrement recouvert par les éboulis et, d'autre part, de la remise en état du bien endommagé, en l'occurrence la reconstruction des restanques, du cabanon et du puits qui existaient avant le sinistre ;
11. Considérant que les dommages subis par un immeuble doivent être évalués à la date où le propriétaire a été en mesure de faire procéder aux travaux de réfection ; que cette date est normalement celle où les causes des désordres ont pris fin et où leur étendue a été connue ; que c'est seulement si le propriétaire établit s'être alors trouvé dans l'impossibilité financière, technique ou juridique de faire exécuter les travaux que le juge peut retenir une date postérieure ; que M. C... ne démontre pas ne pas avoir été mesure de financer et réaliser les travaux de déblaiement et de remise en état dès 2007, date à laquelle l'expert désigné par le tribunal de grande instance a rendu son rapport et s'est prononcé sur l'étendue du dommage ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de tenir compte des devis réalisés en 2012 puis en 2016 dont se prévaut M. C... ;
12. Considérant qu'il résulte de l'examen du devis, établi en 2007 à la demande de M. C..., que le coût de débroussaillage du terrain, de la création d'un accès au terrain pour l'enlèvement des éboulis et l'évacuation en décharge de ces derniers s'élève à la somme de 96 500 euros HT ; que si la métropole soutient que seule l'évaluation proposée dans son rapport par M. B... et qui est comprise entre 50 000 et 56 000 euros devrait être retenue, il résulte de ce rapport que les calculs permettant une telle évaluation n'ont pas été détaillés et que l'expert reconnaît ne pas avoir tenu compte du coût d'évacuation des déblais inhérents à l'éboulement ;
13. Considérant que l'indemnité accordée au titre de la remise en état du bien ne peut excéder la valeur vénale de celui-ci ; que le devis réalisé en 2007 détermine un coût de reconstruction des restanques, du puits et du cabanon à 10 500 euros HT ; que ce montant ne dépasse pas la valeur du terrain de M. C..., telle qu'elle résulte de l'estimation du cabinet d'expertise judiciaire Bonfort, qui s'est fondé sur le prix auquel ont été cédées des parcelles alentours comprenant des caractéristiques comparables, et qui l'a évaluée à 40 000 euros ;
14. Considérant que, compte tenu de tous ces éléments, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices de déblaiement et de remise en état des biens subis par M. C... en les fixant à la somme de 127 972 euros TTC ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la métropole Nice-Côte d'Azur doit être condamnée à verser à M. C... la somme de 127 972 euros ;
Sur les dépens :
16. Considérant qu'il n'appartient pas à la Cour de statuer sur la charge des frais d'une expertise ordonnée par la juridiction judiciaire ; qu'en tout état de cause, les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice le 23 février 2006 ne constituent pas des dépens de la présente instance ; que, par suite, les conclusions de M. C... tendant à obtenir leur remboursement doivent être rejetées ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la métropole Nice Côte d'Azur demande sur leur fondement au titre de ses frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de M. C..., qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante, ni tenu aux dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 15 janvier 2013 est annulé.
Article 2 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 3 : La métropole Nice-Côte d'Azur est condamnée à verser à M. C... la somme de 127 972 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions incidentes de M. C... est rejeté.
Article 5 : La métropole Nice-Côte d'Azur versera à M. C..., une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Nice-Côte d'Azur, à M. A... C..., au département des Alpes-Maritimes et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Giocanti, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juin 2016.
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