Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2015, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 août 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation ;
4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ;
5°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont inexactement interprété les pièces qui leur étaient soumises ;
- le préfet a commis une erreur de droit en considérant que le métier de commis de cuisine n'entrait pas dans la liste des métiers prévue par l'article 3 de l'accord franco-sénégalais ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;
- il justifie remplir les conditions posées par l'article 42 de l'accord franco-sénégalais.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- et les observations de Me B..., représentant M. A....
1. Considérant que M. A..., ressortissant sénégalais né en mars 1968, entré en France selon ses déclarations en 1998 ou en 2001, a sollicité en février 2015 son admission au séjour en qualité de salarié ; que par un arrêté du 6 août 2015, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que M. A... relève appel du jugement du 19 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels " ; que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inséré au sein d'une septième sous-section intitulée " l'admission exceptionnelle au séjour " de la deuxième section du chapitre III du titre Ier du livre III de la partie législative de ce code, dispose, en son premier alinéa, que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; que les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 de ce code ;
3. Considérant que M. A... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour une demande d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger résidant en France établie par la société DKG " Italian Café " pour un emploi de commis de cuisine ; que cet emploi est assimilé à celui de cuisinier mentionné dans la liste figurant en annexe IV de l'accord franco-sénégalais ; qu'ainsi, le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait fonder sa décision de refus de séjour sur le motif tiré de ce que l'emploi sur lequel postulait M. A... ne figurait pas dans ladite liste ; qu'il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé, à tort, sur ce motif ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision de refus de séjour est entachée d'illégalité et doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à M. A... un titre de séjour mais seulement qu'il procède à un nouvel examen de sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1503477 du 19 novembre 2015 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 août 2015 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à un nouvel examen de la demande de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nice.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
''
''
''
''
2
N° 15MA04879