Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2015, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 mai 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 octobre 2014 ;
3°) d'ordonner au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois sous les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat à verser à Me B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par le rejet de sa demande d'asile ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation ;
- il a violé les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas s'il encourait des risques en cas de retour en Albanie et en s'estimant lié par la décision de l'OFPRA ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- et les observations de Me C..., représentant M. A....
1. Considérant que M. A..., ressortissant albanais né en mars 1987, est entré en France selon ses déclarations en mars 2014, accompagné de son épouse et de leur enfant ; qu'il a sollicité son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que sa demande, traitée selon la procédure prioritaire, a été rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 26 septembre 2014 ; que par arrêté du 28 octobre 2014, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que M. A... relève appel du jugement du 5 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision de refus de séjour :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, qui n'est pas tenu d'examiner une demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui invoqué, a procédé à l'examen particulier de la situation de droit et de fait de M. A... au regard de sa demande tendant à son admission au séjour au titre de l'asile et de l'ensemble des pièces fournies par l'intéressé ;
3. Considérant que lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français sur ce fondement, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; qu'ainsi, la circonstance que le préfet, qui n'avait donc pas à mettre M. A... en mesure de faire valoir de nouveaux éléments, a mentionné que ce dernier n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas de nature à révéler qu'il n'aurait pas été procédé à un examen réel et complet de la situation de l'intéressé ;
4. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault a examiné la situation de M. A... au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour repose sur la seule appréciation portée par l'OFPRA et que le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour prendre sa décision ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de la décision critiquée : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI " ;
6. Considérant que M. A..., qui n'a pas informé le préfet des difficultés de santé de son épouse des suites d'une grossesse pathologique, n'établit pas, au regard notamment de son arrivée récente sur le territoire français et de sa situation familiale, qu'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur un fondement autre que l'asile ; que, par suite, il n'est pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant que pour les motifs énoncés aux points 2 et 3, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation doit être écarté ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné:/ 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;/ 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ;/ 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il établit être légalement admissible./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est en droit de prendre en considération à cet effet les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ayant statué sur la demande d'asile du requérant, sans pour autant être liée par ces éléments ;
10. Considérant que le préfet, qui a mentionné dans sa décision que la demande d'asile de M. A... avait fait l'objet d'un refus de la part de l'OFPRA le 26 septembre 2014, a indiqué que l'office avait procédé à l'examen des risques de torture ou de soumission à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants encourus par ce dernier notamment au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a précisé que l'intéressé n'apportait aucun élément nouveau de nature à établir la réalité des risques personnels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet, qui ne s'est pas cru lié par la décision de l'OFPRA, a procédé à un examen réel et complet de la situation de M. A... au regard de son pays d'origine ;
11. Considérant que M. A... soutient qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour en Albanie, du fait des menaces et des agressions de sa belle-famille, opposée à son mariage avec leur fille, contre lesquelles les autorités de son pays n'auraient pas réagi ; que l'OFPRA a rejeté la demande d'asile de l'intéressé aux motifs que ses déclarations, non cohérentes avec celles de son épouse, ne permettaient pas d'établir la réalité d'un conflit l'opposant à sa belle-famille et que le récit des menaces alléguées avait été relaté de manière impersonnelle et décousue, ne concordant pas avec le récit de son épouse ; que M. A... ne produit aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation ainsi portée par l'OFPRA ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées à fin d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme Héry, premier conseiller,
- M. Ouillon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
''
''
''
''
2
N° 15MA04877