Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2015, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 17 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 juin 2015 du préfet de Vaucluse ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation en lui refusant un droit au séjour ;
- cette décision méconnaît l'article L. 313-11 14° du code précité ;
- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il s'est conformé aux énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012.
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée par la décision de refus de séjour pour prendre à son encontre une mesure d'éloignement ;
- le préfet ne pouvait pas prendre à son encontre une mesure d'éloignement dès lors qu'il peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les dispositions de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec l'article 12 de la Directive 2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Ouillon.
1. Considérant que M. A..., ressortissant turc, né en 1957, est entré en France en 2002, selon ses déclarations ; qu'il a présenté le 16 juin 2014 une demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que le 18 mai 2015, le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision de refus de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée." ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que M. A... soutient qu'il réside en France depuis 2002, qu'il est le père d'un enfant né en France le 24 avril 2010 issu de sa relation avec une ressortissante marocaine, titulaire d'une carte de résident, qu'il a exercé une activité professionnelle d'ouvrier du bâtiment en 2002, en 2012 et en 2013 et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche ; que, toutefois, M. A..., qui indique s'être séparé de sa concubine depuis l'été 2013, n'établit pas contribuer aux frais d'entretien de son enfant qui vit avec sa mère, par la seule production de tickets de caisse non nominatifs et d'attestations de la mère de cet enfant indiquant qu'il lui aurait versé de l'argent liquide mensuellement pour des montants de 100 à 200 euros au cours des mois de décembre 2013 à mai 2015, dont les mentions ne sont corroborées par aucune autre pièce du dossier ; qu'il n'apporte pas non plus d'éléments démontrant qu'il aurait maintenu des liens étroits avec son enfant en lui rendant visite régulièrement ou en participant à son éducation ; qu'ainsi, M. A... ne démontre pas qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; que, par ailleurs, M. A..., qui est entré en France au plus tôt à l'âge de quarante-cinq ans, n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où demeurent... ; qu'enfin, M. A... a déjà fait l'objet d'une décision de refus de séjour le 25 mai 2009 assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que, dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés et ne méconnaît pas ainsi les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle du requérant
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...). " ;
5. Considérant qu'en se prévalant, d'une part, des seules considérations énoncées au point 3 et d'autre part, de ce qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche de la part d'une entreprise de construction, M. A... ne justifie ni de considérations humanitaires, ni de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettraient de regarder le préfet de Vaucluse, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant, à la date à laquelle il s'est prononcé, commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de cet article ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
7. Considérant que, comme il a été dit au point 3, l'intéressé ne justifie pas de la réalité et de l'intensité de ses liens avec son enfant, de sorte qu'il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée aurait méconnu l'intérêt supérieur de son enfant au sens des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
8. Considérant que l'intéressé ne peut utilement invoquer la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 dès lors que les critères de régularisation y figurant ne présentent pas le caractère de lignes directrices susceptibles d'être invoquées mais constituent de simples orientations pour l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant que l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée ;
10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse se serait estimé lié par le refus opposé à la demande de titre de séjour et n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ; qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ;
12. Considérant que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences des dispositions susmentionnées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne sont pas incompatibles avec les objectifs des dispositions sus-rappelées de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
13. Considérant que le préfet de Vaucluse a, par un même arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à l'intéressé, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour qui, en l'espèce, est suffisamment motivée par l'indication des motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce rappelées au point 3, la décision par laquelle le préfet de Vaucluse a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet de Vaucluse n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation de l'intéressé ;
15. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit point 3, M. A... n'était pas, à la date à laquelle la décision contestée a été prise, en situation de prétendre de plein droit, par application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Vaucluse aurait méconnu ces dispositions ;
16. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles mentionnées au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Ouillon, premier conseiller,
- M. Gautron, conseiller,
Lu en audience publique, le 9 juin 2016.
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N° 15MA04109