Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2015, le préfet de la Haute-Corse demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 11 décembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'obligation de quitter le territoire français sans délai alors que les conditions prévues par les dispositions du II de l'article L. 511-1 étaient remplies, en particulier la menace pour l'ordre public et le risque de fuite ;
- le placement en rétention administrative était justifié par l'absence de garanties de représentation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2016, M.A..., représenté par Me B..., conclut à titre principal au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire au rejet de la requête, et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le préfet lui ayant délivré un récépissé de demande de titre de séjour, il doit être regardé comme ayant abrogé les mesures en litige ;
- les moyens soulevés par l'administration ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.
1. Considérant que, par jugement du 11 décembre 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a annulé, d'une part, l'arrêté du 5 décembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a obligé M. A..., de nationalité marocaine, à quitter sans délai le territoire français et, d'autre part, la décision préfectorale du même jour plaçant l'intéressé en rétention administrative ; que le préfet de la Haute-Corse relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions de M. A... à fin de non-lieu à statuer :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la présente requête, le préfet de la Haute-Corse a délivré à M. A..., le 1er juin 2015, un récépissé de demande de carte de séjour autorisant son titulaire à travailler, valable jusqu'au 31 août 2015, à la suite de la présentation par l'intéressé d'une première demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ; que, toutefois, cette circonstance, qui n'a pas eu pour effet d'abroger implicitement les décisions en litige, déjà annulées par le jugement attaqué, ne rend pas sans objet l'appel formé par le préfet ; qu'il y a lieu, par suite, de statuer sur les conclusions de la requête ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai :
3. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement en date du 2 décembre 2011, a pris la fuite lors de son interpellation et a déclaré aux services de police ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ne présentant pas des garanties de représentation suffisantes alors même qu'il dispose d'un passeport en cours de validité et d'un bail d'habitation ; que, par suite, le préfet a pu légalement, sur le fondement des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui opposer une obligation de quitter sans délai le territoire français ; qu'ainsi le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu qu'il avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point ;
5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal par M. A... ;
6. Considérant, en premier lieu, que par arrêté du 13 octobre 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de la Haute-Corse a donné délégation à M. Rampon, secrétaire général de la préfecture, signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer notamment tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit et des réquisitions des forces armées ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'auteur de l'acte ne bénéficie pas d'une délégation de signature régulière doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté en litige énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé ; qu'il est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'indépendamment de l'énumération, donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure que si l'étranger se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi ou un accord international prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement forcée ;
9. Considérant que ni les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'admission exceptionnelle au séjour par le travail, ni, en tout état de cause, celles de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, ne sont relatives à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ; que, dès lors, M. A... ne peut utilement s'en prévaloir pour contester l'obligation de quitter le territoire français ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Corse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
Sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; que l'article L. 561-2 du même code dispose : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. A... ne présente pas des garanties de représentation effectives et pouvait par suite, en application des dispositions combinées des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faire l'objet d'un placement en rétention administrative ; que, par conséquent, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a estimé que tel n'était pas le cas ;
13. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal par M. A... ;
14. Considérant que le moyen tiré de ce que le signataire ne bénéficie pas d'une délégation de signature régulière doit être écarté pour le même motif qu'en ce qui concerne la mesure d'éloignement ;
15. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas recherché s'il pouvait prendre une mesure d'assignation à résidence à l'égard de M. A... ; que le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut donc être accueilli ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Corse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a annulé la décision portant placement en rétention administrative ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 16 que le jugement du 11 décembre 2014 doit être annulé ;
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice et le surplus des conclusions d'appel de l'intéressé sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016 .
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N° 15MA00222
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