Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 mars 2015, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2014 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-de-Haute-Provence, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de prendre une nouvelle décision, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me B... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'omission à statuer ;
- elle bénéficiait du droit de se maintenir en France et ne pouvait faire l'objet d'un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile dans la mesure où le Kosovo, pays dont elle a la nationalité, n'était plus inscrit sur la liste des pays d'origine sûrs à la suite de la décision du Conseil d'État du 10 octobre 2014, n° 375474 et 375920 ;
- il appartenait au tribunal administratif de s'assurer qu'elle entrait bien dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- l'arrêté contesté porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'un de ses enfants mineurs ;
- le préfet s'est abstenu de procéder à un examen particulier de sa demande en s'estimant à tort lié par un précédent arrêté du préfet de la Haute-Savoie.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 juin 2015 et le 26 mai 2016, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. Guidal, président, a été entendu en son rapport au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A..., ressortissante kosovare, est entrée irrégulièrement en France en août 2011 ; qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 25 octobre 2011, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 26 juillet 2013, elle a fait l'objet, le 5 décembre 2013, d'un arrêté du préfet de la Haute-Savoie lui refusant le séjour et lui ordonnant de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du 8 octobre 2014 du tribunal administratif de Grenoble au motif qu'il portait atteinte à l'intérêt supérieur de l'un de ses enfant ; qu'avant même que ne fût rendu ce jugement, l'intéressée a présenté le 1er avril 2014 une demande tendant au réexamen de sa demande d'asile auprès du préfet des Alpes-de-Haute-Provence ; que celui-ci a opposé à Mme A..., par une décision du 8 avril 2014, un refus d'admission provisoire au séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a parallèlement transmis sa demande, selon la procédure prioritaire, à l'OFPRA ; que l'Office a rejeté la demande de réexamen par une décision du 30 avril 2014 à l'encontre de laquelle Mme A... a introduit, sans succès, un recours devant la CNDA ; que, consécutivement à la décision de l'Office, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a, par arrêté du 19 juin 2014, rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressée et lui a ordonné de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que Mme A... relève appel du jugement du 21 novembre 2014, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision du 18 juin 2015, postérieure à l'introduction de la requête, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a délivré à Mme A... un récépissé de demande de carte de séjour portant la mention " visiteur " ; que cette décision a eu pour effet d'abroger la décision du 19 juin 2014 faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français, laquelle n'a pas reçu d'application ; que, par suite, les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'annulation de cette décision du 19 juin 2014 sont devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que le moyen tiré de ce que le jugement est entaché d'omission à statuer, n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
4. Considérant qu'il résulte de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur, que l'admission au séjour d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que dans les situations limitativement énumérées à cet article, au nombre desquelles figure le fait que : " (...) / 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France (...), l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " et qu'enfin, aux termes de l'article L. 742-6 : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. (...) " ;
5. Considérant que, conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un refus de séjour ne peut être pris, après la décision de l'OFPRA rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code ; qu'il incombe de ce fait au juge saisi de la contestation de la légalité d'un refus de séjour après la décision de l'OFPRA fondée sur les 2° et 4° de cet article, de s'assurer que l'étranger entre bien dans le cas visé par ces dispositions ; que la seule circonstance qu'une décision administrative ait refusé l'admission au séjour à raison du caractère frauduleux ou abusif du recours aux procédures d'asile mentionné au 4° de cet article et qu'elle n'ait pas été contestée ne fait pas obstacle à ce que le juge détermine lui-même, sans se prononcer sur la légalité de cette décision, si la demande d'asile relevait bien des cas mentionnés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans l'hypothèse où il estime que tel n'était pas le cas, et alors même que l'intéressé n'avait pas été effectivement admis à séjourner en France, cet étranger ne peut faire l'objet d'un refus de séjour jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de sa décision du 8 avril 2014, que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence n'a pas refusé l'admission provisoire au séjour de Mme A... sur le fondement du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers au motif que l'intéressée aurait eu la nationalité du Kosovo, pays inscrit sur la liste des pays d'origine sûr ; qu'il lui a refusé l'admission provisoire au séjour sur le fondement des dispositions du 4° du même article au motif que sa demande de réexamen au titre de l'asile constituait un recours abusif aux procédures d'asile et n'était présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ; que, dès lors, la circonstance que le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, par une décision n° 375474 et 375920 du 10 octobre 2014, annulé l'inscription de la République du Kosovo sur la liste des pays d'origine sûrs est sans incidence sur la légalité du refus de séjour opposé à Mme A... par l'arrêté contesté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que comme il a été dit au point 1, la demande d'asile de Mme A... a été rejetée par l'OFPRA le 25 octobre 2011, décision confirmée par la CNDA le 26 juillet 2013 ; que, peu de temps après la notification de cette décision et de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie lui ordonnant de quitter le territoire et alors qu'elle venait de faire l'objet d'une assignation à résidence à Annecy prise le 5 mars 2014 par le même préfet, afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement, l'intéressée a présenté auprès du préfet des Alpes-de-Haute-Provence une demande de réexamen à l'appui de laquelle elle réitérait ses craintes de persécution en cas de retour au Kosovo ; que, toutefois, eu égard au contexte dans lequel s'inscrivait cette demande, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a pu légalement estimer qu'elle avait un caractère dilatoire et n'était présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée dont l'exécution était imminente ; que d'ailleurs, l'OFPRA, qui a rejeté cette demande de réexamen le 30 avril 2014, a estimé que les déclarations de Mme A... n'étaient assorties d'aucun élément probant, étaient dépourvues de tout caractère convaincant et ne présentaient pas le caractère de fait nouveau justifiant un nouvel examen de sa situation ; que la requérante, qui se borne à soutenir qu'il incombait au tribunal administratif de s'assurer qu'elle entrait bien dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence selon laquelle sa demande de réexamen constituait, en l'espèce, un recours abusif aux procédures d'asile ; qu'en l'absence de toute contestation sur ce point, le tribunal administratif n'était pas tenu de vérifier d'office si Mme A... entrait ou non dans le champ de ces dispositions ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni des autres pièces du dossier que pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A..., le préfet des Alpes-de-Haute-Provence se serait borné à se référer au précédent refus de séjour pris par préfet de la Haute-Savoie le 5 décembre 2013 ; qu'en revanche, il ressort sans ambiguïté des termes de l'arrêté litigieux, que pour refuser le séjour à l'intéressée, le préfet s'est fondé sur la circonstance que sa demande de réexamen relevait du 4° du L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que celle-ci ayant rejetée le 30 avril 2014 par l'OFPRA, Mme A... ne remplissait pas les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour soit en qualité de réfugié soit au titre de la protection subsidiaire ; qu'ainsi, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, qui ne s'est pas cru en situation de compétence liée, a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée, notamment au regard de ces dispositions ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle est saisie d'une demande de titre de séjour au titre de l'asile, de se prononcer au regard des conditions de délivrance de ce titre prévues par les dispositions qui viennent d'être rappelées ; qu'il suit de là que, saisi d'une demande présentée sur un fondement déterminé, l'autorité compétente n'est pas tenue de rechercher si la demande de titre de séjour aurait pu être satisfaite sur le fondement d'autres dispositions ;
10. Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces dossier , et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu, que Mme A... se serait prévalue, dans la demande d'admission au séjour qu'elle a adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence, des problèmes de santé de son jeune fils né prématurément et aurait sollicité la délivrance d'une carte de séjour en qualité de parent d'enfant malade ; que les stipulations du premier alinéa de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 sont par elles-mêmes sans incidence sur l'appréciation portée par l'administration sur les conditions relatives à la délivrance d'un titre de séjour soit en qualité de réfugié soit au titre de la protection subsidiaire ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de ces stipulations est inopérant ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre le 19 juin 2014 par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence ;
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au conseil de Mme A... la somme qu'il demande sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2014 lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions de Me B... présentées au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
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N° 15MA01046 6
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