Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 mars 2015 et le 27 mai 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 février 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 17 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- une atteinte excessive a été portée à sa vie privée et familiale, en violation de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la discordance sur sa date de naissance n'a aucune incidence et que le préfet n'établit pas que ses parents seraient venus le voir en France ;
- compte tenu de son état de santé, l'article 6.7 de l'accord franco-algérien a également été méconnu ;
- il doit bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour à titre purement humanitaire ;
- eu égard aux traitements subis de la part de son père en Algérie, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle au regard de la mesure d'éloignement ;
- cette mesure est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il reprend son argumentation de première instance soulevée à l'encontre du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;
- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le renvoi en Algérie méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le refus de séjour qui sont sans objet dès lors que le jugement attaqué n'a pas statué sur ces conclusions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- et les observations de Me B..., représentant M. A....
1. Considérant que M.A..., de nationalité algérienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 février 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi ; que, par jugement du 26 mars 2015, le magistrat désigné du tribunal a renvoyé en formation collégiale les conclusions dirigées contre le refus de séjour et rejeté le surplus de la demande ; que M. A...relève appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le refus de séjour :
2. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif doit statuer dans les soixante-douze heures sur les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays d'éloignement et ne peut que renvoyer en formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour, ce que M. A...ne conteste au demeurant pas ; que, par suite, les conclusions aux fins d'annulation du refus de séjour présentées en appel, sur lesquelles le jugement attaqué n'a pas statué, doivent être rejetées comme irrecevables ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Considérant, en premier lieu, que M. A... est entré sur le territoire français au cours du mois de mai 2013 ; qu'au vu de l'acte de naissance de l'intéressé, indiquant une naissance le 22 septembre 1997 à Annaba, il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance et placé, à compter du 25 septembre 2013, au sein d'un foyer à Marseille où vivait déjà son frère jumeau depuis le mois de novembre 2012 ; qu'il résulte des pièces émanant du consulat de France à Annaba que M. A... est en réalité né le 22 septembre 1995, et était ainsi majeur à la date de son placement en foyer ; qu'il est célibataire sans enfant ; que sa solarisation en France comme la relation qu'il entretient avec une ressortissante de nationalité française, la présence sur le territoire français d'un oncle et d'une tante, à supposer même le lien de parenté établi, et l'intégration alléguée sont récentes ; que s'il affirme avoir été maltraité pendant son enfance par son père, il a en tout état de cause conservé des contacts téléphoniques réguliers avec sa mère en Algérie ; qu'un de ses frères majeur, qui est policier, vit également en Algérie ; que son frère jumeau est dans la même situation administrative que lui et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement du même jour ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M.A..., le préfet, qui ne s'est pas fondé sur ce point sur la discordance de date de naissance, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour ; qu'ainsi, l'appelant ne peut se prévaloir de la violation des stipulations de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que, si M. A... a souffert de tuberculose à son arrivée en France et est atteint d'une pathologie psychologique, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, que ce dernier ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 6.7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait entaché le refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation en ne délivrant pas à M.A..., sur le fondement de son pouvoir de régularisation, un titre de séjour fondé sur des considérations humanitaires ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prohibant les traitements inhumains ou dégradants, est inopérant à l'encontre du refus de séjour qui n'emporte pas, par lui même, éloignement à destination de l'Algérie ;
8. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'en admettant même que le préfet aurait commis une erreur de fait en retenant que les parents de M. A... seraient venus le voir à plusieurs reprises en France au cours de l'année 2014, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision de refus de séjour au titre de la vie privée et familiale en se fondant seulement sur les autres éléments qu'il a retenu sur ce point ;
9. Considérant qu'il suit de ce tout qui vient d'être dit que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de séjour ne peut être accueilli ;
En ce qui concerne les autres moyens :
10. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 4 et eu égard aux effets d'une obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
11. Considérant qu'il ne résulte pas des éléments versés au débat que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... au regard de la mesure d'éloignement, ni que, compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment, cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
12. Considérant que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français qui n'emporte pas, par elle même, éloignement à destination de l'Algérie ;
Sur la légalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
13. Considérant qu'en se bornant à soutenir qu'il reprend l'argumentation soulevée en première instance à l'encontre du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, M. A... ne met pas le juge d'appel à même de se prononcer sur les erreurs dont pourrait être entaché le jugement attaqué ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
14. Considérant que, eu égard à ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
15. Considérant qu'il ressort des propres écritures de M. A... qu'il s'est " auto-scarifié " à plusieurs reprises ; que l'intéressé n'établit ni la réalité des actes de maltraitance qu'il aurait subis de la part de son père dans son enfance ni qu'il risquerait de subir de tels actes en cas de retour en Algérie, dès lors notamment que, malgré une demande du greffe de la Cour dont son conseil a accusé réception le 27 mai 2016, il n'a pas produit les attestations du 5 mars 2015 annoncées dans la requête, qui émaneraient des frères et soeurs de son père et qui justifieraient des problèmes psychiatriques et de la violence de celui-ci ; que la décision contestée n'impose pas à M. A..., dont d'autres membres de la famille vivent en Algérie comme il a déjà été dit, de retourner vivre avec son père ; que, par conséquent, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2016.
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N° 15MA01292
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